3.Transformer l'organisation de l'école pour la rendre plus démocratique et plus efficace
Si nous voulons garantir une bonne éducation de base à tous les futurs citoyens, il faut éviter la ségrégation dans nos écoles. Parce que les enfants sont aussi des ressources, les uns pour les autres, il n'est pas indifférent de savoir qui va à l'école avec qui, et on peut d'ailleurs constater que les parents ne s'y trompent pas quand ils prennent un intérêt plus actif aux camarades d'école de leurs enfants qu'à leurs livres. Afin l'éviter de créer des écoles ghettos, afin de réussir l'intégration linguistique, il faut que nos écoles brassent les enfants des différentes origines sociales et culturelles. Cela vaut surtout pour le début de la scolarité, précoce, préscolaire et primaire. Sans aller jusqu'à préconiser de larges ramassages scolaires transportant les enfants d'une commune vers l'autre, il faudrait que les communes tiennent compte de ce principe dans leur politique d'urbanisation, lors des constructions scolaires et la fixation des ressorts scolaires.
Comme l'éducation de base ne s'arrête pas à la fin de l'école primaire, il faut améliorer le passage entre l'enseignement primaire et l'enseignement post-primaire, afin qu'il ne soit pas vécu comme une rupture, mais plutôt comme un élargissement de l'horizon. Au Luxembourg ces deux cycles de l'enseignement sont strictement séparés, non seulement par les lieux, les écoles primaires d'un côté et les idées de l'autre mais encore par leur organisation et par leur personnel enseignant. Quelques timides essais ont été réalisés pour rapprocher les enseignants des différents ordres l'enseignement il faut que ces efforts se poursuivent et que soit discutée la continuité des programmes, des méthodes l'enseignement et d'évaluation des élèves. Cette discussion doit être menée dans le respect des finalités propres à chaque ordre l'enseignement, mais surtout en vue de permettre à l'élève de construire son savoir de façon plus cohérente.
Comme le tronc commun jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire n'a pu être réalisé au Luxembourg, il s'agit de répartir à ce moment les élèves sur des classes de différents niveaux. Cette répartition doit se faire compte tenu des souhaits de l'élève et de ses parents. Il faut surtout une information claire et honnête sur les programmes et l'orientation qui prennent les différents cursus scolaires. Les enseignants de 6e peuvent renseigner les parents sur les performances scolaires de leurs enfants, afin que ces derniers puissent se faire une idée sur les chances de réussite dans les différents ordres d'enseignement.
Il faut cependant veiller à ce que le principe de l'orientation ne conduise l'école primaire à opérer des sélections de plus en plus précoces, ce qui serait contraire à son objectif fondamental qui est d'assurer une bonne éducation de base à tous les enfants. Si l'on est convaincu que les disciplines de base sont nécessaires pour former le citoyen, le travailleur et l'humain, il faut que l'école primaire travaille tout d'abord à établir une connaissance partagée.
L'éducation de base doit se poursuivre jusqu'à la fin de la scolarité obligatoire, même si on peut accepter à partir de la classe de 7e une différenciation selon les ordres d'enseignement. Pendant tout le cycle inférieur de l'enseignement secondaire et secondaire technique, il faut prévoir des passerelles afin de permettre aux élèves de trouver l'orientation qui convient le mieux à la fois à leurs aspirations et à leurs aptitudes.
Si l'enseignement secondaire garde jusqu'à l'examen de fin d'études secondaires une finalité d'enseignement général préparant à des études universitaires ou à des formations professionnelles de niveau supérieur, l'enseignement secondaire technique comporte trois régimes dont les finalités doivent être bien différenciées;
- le régime professionnel prépare directement à l'exercice d'un métier ou d'une profession de niveau CATP;
- le régime de la formation du technicien prépare prioritairement à la vie active et donne accessoirement accès à des études supérieures dans la spécialité ;
- le régime technique accorde la même importance à la préparation à la vie active qu'à la préparation aux études supérieures, surtout dans la spécialité choisie.
Vis-à-vis des élèves en dificulté, l'enseignement secondaire technique a une mission l'insertion socio-professionnelle.
Dans la plupart des métiers et professions l'évolution des savoirs et savoir-faire professionnels est aujourd'hui telle qu'il faut centrer la formation professionnelle initiale sur l'acquisition de savoirs et de savoir-faire fondamentaux et une formation générale de haut niveau permettant un apprentissage tout au long de la vie.
A partir de là il faudra également repenser la formation professionnelle en veillant à une meilleure articulation des apprentissages à réaliser à l'école et dans l'entreprise que de soit dans le régime professionnel, le régime du technicien, le régime technique ou encore au niveau des BTS et autres formations professionnelles supérieures. En faisant découvrir les liens qui existent entre la théorie et. la pratique, on donne plus de sens aux différentes disciplines qui participent à l'apprentissage d'une profession ou d'un métier. La collaboration école-entreprise ne peut être à sens unique. Les entreprises doivent participer à l'effort de formation requise et pas seulement se limiter à émettre des exigences à court terme, à participer à des mesures d'insertion ou à pratiquer une formation sur le tas dans l'entreprise. Actuellement seuls les secteurs de l'artisanat et de la vente participent encore d'une façon substantielle à la formation professionnelle. Les effets des secteurs industriel et public dans le domaine de l'apprentissage sont quasiment inexistants.
La collaboration suivie entre école et entreprise dans la formation est importante que ce soit sous la forme de l'apprentissage dans le régime professionnel ou encore sous la forme de la formation en alternance dans le régime du technicien ou le régime technique. Cette collaboration devra être mieux structurée et assise sur une participation active tant des tuteurs scolaires que des formateurs en entreprise, afin notamment d'éviter toute possibilité d'abus au détriment des élèves. Dans cette optique il serait utile d'étendre la participation des Chambres professionnelles à toutes les formations professionnelles au-delà de l'apprentissage proprement dit, d'adapter les profils professionnels et de créer de nouvel- les professions et les formations requises.
Une école forte et efficace a besoin du soutien de tous les acteurs de la société. Ce soutien ne peut venir qu'à travers des débats démocratiques tant au niveau national pour fixer les structures générales, les objectifs fondamentaux, les programmes et les cursus scolaires, qu'au niveau des communes ou des établissements scolaires en ce qui concerne la mise en oeuvre des programmes.
Pour cela il faut mettre en place des structures qui garantiront la participation démocratique de tous les auteurs.
Au niveau national une réforme du Conseil supérieur de l'Education nationale dans le sens d'une plus grande efficacité d'une composition plus démocratique (représentants élus des enseignants, des parents, des élèves et représentants du monde économique et social désignés par les chambres professionnelles) et d'un renforcement de la fonction consultative pourrait être un moyen pour créer une telle structure démocratique.
Dans le même souci de structuration plus démocratique et plus efficace il faudrait revoir le fonctionnement, les missions et la composition des différents organes de consultation qui existent au niveau national dans les différents ordres l'enseignement (commission d'Instruction, Commission de coordination de l'enseignement secondaire technique, Comité consultatif à la formation professionnelle à caractère tripartite, commissions de programmes...).
Au niveau communal une réforme des commissions scolaires permettant une meilleure représentation des enseignants et des parents d'élèves est nécessaire.
Au niveau du secondaire et du secondaire technique il s'agit également de mettre en place des structures démocratiques représentatives des différents acteurs de l'école (délégations du personnel enseignant et éducatif, délégations des autres personnels, délégations des élèves, délégations des parents).
Ces structures s'imposent particulièrement dans le cadre de l'autonomie des établissements postprimaires afin que celle- ci ne se résume pas à une opération visant à différencier les établissements les uns des autres à travers une certaine spécialisation et à arrondir les budgets grâce à la recherche de sponsors avec tous les dangers de pressions économiques que cela comporte et qui sont absolument contraires à une réelle autonomie scolaire. Ces structures sont également nécessaires pour susciter l'engagement des différents acteurs, la concertation et la coopération,
En soutenant la participation des élèves et de leurs parents, en créant une coopération entre les enseignants avec des concertations intra- et inter- disciplinaires soit à l'intérieur l'un cycle d'enseignement, soit entre les différents cycles d'enseignement on crée le cadre indispensable pour que l'autonomie pédagogique favorise la mise en place des méthodes d'enseignement les plus efficaces.
Au niveau du primaire, il s'agit d'éduquer les élèves à participer à la vie démocratique. A cet effet, il faut leur permettre de s'exprimer sur des sujets qui les concernent dont notamment ceux en relation avec leur vie scolaire. Dans ce contexte, l'organisation de conseils communaux pour enfants, élaborant des avis qui seraient adressés à la commission scolaire ou à d'autres instances communales, sont des initiatives à développer.
Ces efforts d'innovation à la base doivent être soutenus au niveau national par le développement de la recherche pédagogique en relation avec les difficultés auxquelles l'école luxembourgeoise doit faire face.