Rentrée dans l'ES et l'EST:il y a du pain sur la planche!

05.10.2007

La conférence de presse du SEW en date du 13 septembre a permis de mettre en évidence les points marquants dans l'enseignement postprimaire. En voici le résumé, complété depuis lors.

La politique du personnel dans l'enseignement postprimaire



La tâche de l'enseignant

Un accord a été trouvé entre le gouvernement et les syndicats, qui a donné lieu au règlement grand-ducal du 24 juillet 2007. Or l'instruction ministérielle transmise aux directeurs des lycées et lycées techniques fin juillet 2007 s'écarte sur certains points de ce règlement. Ces divergences ont été communiquées à nos membres du postprimaire par la voie d'une lettre interne.

Nous interviendrons auprès de Madame la Ministre et nous insisterons pour que l'esprit et la lettre tant de la négociation syndicats-gouvernement que du règlement grand-ducal sur la tâche des enseignants soient respectés.

La politique de recrutement et de formation

Le nouveau rapport de planification quinquennal (2007-2012) des besoins en personnel enseignant de l'enseignement postprimaire vient de paraître. Ce rapport conclut (p. 45): « … la commission constate que les besoins prévisibles en personnel enseignant, malgré les conséquences de l'arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2007 concernant les chargés d'éducation CDD et CDI, dépassent le plan de recrutement quinquennal arrêté par le Gouvernement en conseil du 3 octobre 2006 et s'en rapprochent seulement en 2011/12 ».(*) Le rapport poursuit: « Afin de subvenir aux besoins en personnel enseignant durant la période quinquennale à venir, un recrutement plus important que celui prévu par le plan quinquennal serait nécessaire. A défaut, le recours à de nouveaux chargés d'éducation resterait indispensable pour couvrir les besoins en personnel enseignant. »

C'est précisément cette augmentation du nombre de stagiaires à recruter que le nouveau programme de recrutement quinquennal refuse: adopté par le Conseil de gouvernement du 5 septembre, il prévoit 1.025 nouveaux enseignants, ce qui correspond exactement à l'ancien programme ( avec +215 postes en 2011/12). Il faut donc conclure que le gouvernement mise carrément sur l'engagement de nouveaux chargés de cours pour couvrir les besoins en personnel enseignant dans le postprimaire.

Un projet de loi présenté lors du conseil des ministres du 14 septembre confirme cette politique inacceptable: des chargés de cours supplémentaires seront engagés d'abord avec un CDD, transformé après 3 années en CDI. En demandant à ces futurs « maîtres auxiliaires » un niveau de formation bac +3, il est créé en plus une nouvelle carrière parallèle à celle du professeur, à un niveau de formation inférieur. Et voilà, le tour est joué … !

Nous avons publié un communiqué refusant ce projet et demandant au MENFP et au gouvernement de mener enfin un dialogue honnête avec les syndicats d'enseignants sur la politique de recrutement. Dans cette discussion, il convient d'aborder ouvertement un autre problème, celui de l'examen-concours. Il est notoire en effet que chaque année, le nombre de professeurs recrutés reste au-dessous du nombre de postes inscrits dans le budget. Il est urgent dès lors - et nous y avons insisté à maintes reprises - de réformer l'examen-concours et de rendre plus attractif le stage. Voici en résumé, nos propositions au MENFP en matière de recrutement dans l'ES et l'EST :
  • recruter au niveau d'un master académique disciplinaire pour l'accès à l'examen-concours des futurs professeurs de l'enseignement postprimaire
  • organiser l'examen-concours avant le début de l'année scolaire
  • fixer des objectifs cohérents pour les épreuves du concours et rendre le concours plus transparent, tant au niveau de la composition des jurys que de la motivation des décisions
  • ne pas écourter le stage.


Les conditions de travail des chercheurs

Un projet de loi déposé par le ministre du travail François Biltgen prévoit systématiquement des contrats à durée déterminée pour les chercheurs et tend à allonger la durée maximale de ces contrats de 24 à 60 mois, bafouant à nouveau les règles du contrat de travail normal.

Le SEW approuve l'avis de la CEPL, qui met en garde contre la banalisation des CDD et la précarisation du travail de recherche et qui demande d'accorder des contrats de travail à durée indéterminée aux chercheurs.

Le projet de loi portant réforme de la formation professionnelle



A notre avis négatif sur ce projet se sont ajoutés les avis négatifs de la Chambre des employés privés et de la Chambre de travail ainsi que l'avis très critique de la Chambre des métiers.

Nous voudrions insister néanmoins que notre critique est souvent différente de celle des Chambres professionnelles et nous aimerions rappeler à cette occasion trois réflexions fondamentales à l'encontre de ce projet de loi:

1re réflexion
  • Ce projet veut renforcer l'impact des entreprises dans la formation, tant pour le CATP que pour le technicien. Il part de l'idée qu'une fois intégrés dans les entreprises, les apprentis et les techniciens auraient de meilleures chances de trouver un emploi.

    Or, dans la réalité, relativement peu d'entreprises établies au Luxembourg s'engagent vraiment dans la formation initiale (qui est chère) - on constate plutôt l'évolution inverse: les entreprises pensent à court terme à ce niveau et se servent abondamment sur le marché frontalier. Nous doutons fort qu'une accentuation du système dual y changera quelque chose (les deux chambres professionnelles patronales ne garantissent nullement une offre suffisante de contrats d'apprentissage et de stages en entreprises de la part de leurs membres) et nous disons qu'il faudra bien se garder d'engager l'enseignement secondaire technique dans une voie sans issue assurée.
  • Le problème du chômage est mis en exergue tout particulièrement pour les techniciens. Or, il faut dire qu'il n'y a que deux types de techniciens qui rencontrent actuellement certains problèmes à trouver un emploi, dont les techniciens administratifs et commerciaux. Or, pour les emplois visés par ces derniers, les entreprises recrutent allègrement sur le marché frontalier, et cela à un niveau de diplôme bien supérieur. Les diplômés « techniciens » en question y sont mis en concurrence avec des personnes formées à un niveau supérieur et ce n'est pas une professionnalisation de la formation du technicien qui apportera une solution, bien au contraire.
  • En effet, la formation actuellement en place pour les différents techniciens - et qui a été élaborée, rappelons-le, en concertation avec les entreprises - est assez exigeante. Allonger massivement le temps passé au contact direct avec le métier dans les entreprises privera ces élèves du bagage théorique indispensable et ne leur permettra guère de poursuivre des études supérieures. Comment rendre compatible ce risque avec les propos du ministre du travail affirmant que 56 % des emplois créés au Luxembourg sont actuellement des emplois bac+ ?



2e réflexion
  • Le projet en question entend subdiviser en modules toutes les formations.

    Si nous sommes bien conscients des avantages d'un tel système, nous voudrions aussi mettre en garde contre le revers de la médaille, c'est-àdire le manque de cohérence du groupe classe (particulièrement importante pour le type d'élèves auxquels on a affaire), l'absence d'interdisciplinarité et les problèmes d'organisation énormes qui en résultent pour les lycées techniques. Il faut alors se demander si les problèmes évoqués ne dépassent pas largement les avantages possibles et donc éviter une modularisation tous azimuts.


3e réflexion

  • Alors que les lois de 1979 et de 1990 sur l'Enseignement secondaire technique ont misé sur une augmentation du niveau des diplômes techniques, le projet de loi 5622 rapproche le diplôme de technicien de celui du CATP/DAP et refait de celui-ci le diplôme de référence de l'EST. Ce retour vers l'école professionnelle « ancien régime » n'est nullement compatible avec le développement technologique et social actuel et risque de nuire gravement tant à l'avenir professionnel des élèves du niveau « technicien » qu'à l'avenir économique du pays.


Sans entrer davantage dans le détail de notre avis, limitons-nous à énumérer les 3 principales revendications au sujet de la formation du technicien :

Le SEW demande :
  • le maintien des classes de 10e, 11e, 12e et 13e Technicien plein exercice existantes avec des périodes de stage de formation en entreprise
  • le maintien d'un examen national de fin d'études pour le diplôme de Technicien, tel qu'il existe actuellement ;
  • le maintien de l'admissibilité des Techniciens à des études techniques supérieures dans leur spécialité, sans examen ou modules supplémentaires.


Les grandes divergences entre le contenu du projet de loi en question et nos revendications ont amené le SEW à exiger le retrait de ce projet de loi en vue d'une refonte totale.

La réforme de l'enseignement des langues



Disons d'emblée que le SEW souhaite depuis longtemps une réforme de l'enseignement des langues ! Nous avons publié notre position en mai 2007 au sujet du plan d'action « Réajustement de l'enseignement des langues », et nous avons passé trois après-midi avec Madame la Ministre et ses collaborateurs à ce sujet pour en débattre. Nous avons formulé un certain nombre de critiques, dont les suivantes, qui sont fondamentales pour nous :

  • Le plan d'action souffre d'une évaluomanie extrême, alors qu'il faudrait se focaliser sur une amélioration des méthodes d'enseignement et de communication et prévoir des remèdes et des moyens pour combler les lacunes. Nous nous demandons à quoi sert une évaluation si les moyens pour résoudre les problèmes détectés ne sont pas disponibles. Nous constatons notamment qu'aucune action précise n'est prévue dans le plan d'action pour remédier aux difficultés à lire et à écrire que ressentent les enfants des milieux défavorisés.
  • Un enseignement plus actif des langues constitue sans doute une piste majeure à suivre pour améliorer les performances des élèves. Il suppose un travail avec des effectifs de classes réduits. Or, les effectifs des classes ne cessent d'augmenter … !
  • Le MENFP demande à chaque lycée et lycée technique de mener « sa » propre réforme de l'enseignement et de l'évaluation et d'élaborer ses propres outils pédagogiques à partir des socles de compétences nationaux. Il nous semble au contraire nécessaire de travailler de concert au niveau national et de maintenir une unité forte de l'école publique luxembourgeoise.


Si la discussion avec la Ministre de l'Education nationale fut certes très ouverte et agréable, nous n'avons à ce jour reçu aucun retour de la part du MENFP au sujet de nos propositions.

Il nous semble que le MENFP d'une part et les enseignants et leurs syndicats d'autre part raisonnent sur deux niveaux sensiblement différents. Alors que le MENFP traite le sujet de la réforme des langues un niveau très théorique et abstrait, les enseignants s'interrogent sur les moyens et la mise en place concrets. Il en résulte un dialogue de sourds.

Prenons le plan d'action: il comporte 66 actions, dont la plupart constituent des déclarations d'intention de la part du MENFP. Il s'agit en réalité d'un plan ou plutôt d'une liste d'actions (au pluriel), mais nullement d'un projet cohérent précisant qui doit faire quoi à quel moment et avec quels moyens.

Or c'est précisément cela que les enseignants attendent: l'opérationnalisation des différentes actions proposées par le MENFP ! Voici trois exemples mettant en évidence cette contradiction entre l'approche du MENFP et les attentes des enseignants :

  • Il est généralement admis que pour motiver un élève à apprendre une langue, il faut dépasser le terrain strictement scolaire et toucher à la vie réelle en société. Ainsi, l'action 45 du plan d'action prévoit le partenariat avec des établissements scolaires de la Grande Région. Mais écrire cela reste lettre morte sans une mise en œuvre concrète et la mise à disposition des moyens Qui doit faire quoi à quel moment ?
  • Des socles de compétences pour l'allemand et le français pour les classes de 7e ont été établis. Qu'en est-il de l'opérationnalisation au niveau des programmes, qui, d'après le MENFP doit être prise en charge par les lycées et lycées techniques. Il faut dire qu'elle reste à faire dans pratiquement tous les établissements. Devant l'absence totale de matériel pédagogique, des enseignants ressortent les anciennes fiches de grammaire… .
  • Dans la lettre de rentrée aux enseignants et aux inspecteurs du primaire, Madame la Ministre écrit: « Lors des réunions régionales sur les socles de compétences, j'ai souvent entendu dire qu'il faut dire aux enseignants comment faire. Je vous rends attentifs au cycle de conférences organisées par le SCRIPT qui propose des conférenciers aussi prestigieux que Jacqueline Caron …, Gérard de Vecchi, … Philippe Perrenoud. … ». Or, on ne pourra certainement pas attendre que ces pédagogues éminents résoudront le problème de la transposition de telle compétence dans le programme de telle classe ! Quant aux cours de formation continue obligatoires organisés en 2006-2007, nombre d'entre eux ont laissé les participants de bonne volonté sur leur faim.


Tout n'est donc pas parfait en matière de réforme de l'enseignement des langues; à vrai dire, on devrait plutôt parler d'état embryonnaire. Nous attendons de la part du MENFP en 2007-2008 une démarche plus réaliste et plus proche de ce qu'on appelle « gestion de projets ». Le MENFP en sera-t-il capable ?

Le calendrier des vacances scolaires



Une dernière remarque s'impose au sujet du calendrier des vacances scolaires 2007-2008 qui, voulant respecter le rythme de l'année religieuse (orientée suivant le calendrier lunaire), est particulièrement déséquilibré cette année. On note en effet pour le 2e trimestre 10 semaines au total et pour le 3e trimestre 8 semaines après le congé de Pentecôte. Nous avions adressé une lettre à Madame la Ministre lui suggérant d'organiser l'année scolaire suivant des blocs réguliers de 6 semaines. A ce jour, cette lettre est restée sans réponse. Nous espérons qu'elle ne sera pas renvoyée aux calendes grecques !

Guy Foetz