IE:Turquie : 22 syndicalistes enseignants libérés après 6 mois de détention injustifiée (Journal 1/2010)

24.11.2009

« Ils sont libres. Egitim-Sen souhaite vous remercier pour votre fort soutien. C’est le succès de la solidarité internationale », a écrit Mehmet Bozgeyik, le Secrétaire général du syndicat d’enseignants turc à l’IE. Après deux jours d’audiences les 19 et 20 novembre, la Haute Cour pénale d’Izmir a décidé de libérer l’ensemble des 31 syndicalistes du secteur public, poursuivis pour leur appartenance à une organisation kurde illégale. Sur les 31 syndicalistes (dont 27 sont des enseignants et membres d’Egitim-Sen), 9 avaient déjà été libérés en juillet. Les 22 autres, dont 10 femmes, étaient incarcérés depuis le mois de mai. Les accusés étaient tous kurdes ou appartenaient à la communauté kurde.

Selon l’ensemble des accusés et les observateurs nationaux, le procès visait à la fois Egitim-Sen et le syndicat du secteur public KESK, qui gagnaient de nouveaux membres et se renforçaient dans le contexte de la crise économique.

« Dans leur lutte contre le syndicalisme et la démocratie, l’objectif de ce procès était de nous isoler des autres organisations syndicales et démocratiques, et de marginaliser notre confédération », a déclaré Sami Evren, Président du KESK.

Outre les messages de protestation de l’IE et de ses affiliés envoyés par Internet ou par courriel, la grande délégation syndicale présente au procès, composée de l’IE et d’autres Fédérations syndicales internationales, ainsi que des représentants d’autres organisations affiliées à l’IE, ont signalé aux autorités turques que la communauté internationale dénonçait les mesures sévères prises à l’encontre des syndicats.

La délégation syndicale internationale (comprenant des représentants des organisations membres de l’IE en Allemagne, au Danemark, en France, en Grèce, et au Royaume-Uni) et un représentant de l’Union européenne ont fait remarquer que le procès ne répondait pas aux exigences juridiques nationales ou internationales.

Tout d’abord, les accusés ont tous été arrêtés le 28 mai, au terme de plusieurs mois d’écoutes téléphoniques et de surveillance de leur messagerie électronique. Leurs domicile et lieu de travail ont été fouillés et leur ordinateur a été confisqué. Les arrestations se sont déroulées de façon très brutale, engendrant des troubles psychologiques pour certains membres de leur famille, notamment pour les enfants des accusés.

De plus, selon la défense qui réfute les accusations, les agents de sécurité ayant surveillé leurs conversations n’ont pas été correctement formés et ont ainsi associé le jargon syndical à celui d’une « organisation terroriste ». La plupart des adresses électroniques ayant été contrôlées étaient inconnues des accusés, la plupart d’entre eux n’utilisant de toute façon pas la messagerie électronique.

Enfin, jusqu’à la mise en accusation le 31 juillet, les avocats de la défense n’ont jamais pu accéder aux dossiers. Au cours du procès, les droits de la défense ont été bafoués: le président du tribunal a mené lui-même les interrogatoires, les avocats de la défense n’ont pas pu parler avec leurs clients et on ne comptait qu’une seule garde alors que dix femmes comparaissaient. Le temps alloué au procès (deux jours pour 31 accusés) fut également limité. Tandis qu’ils étaient accusés de « soutien intellectuel à des organisations illégales », les prévenus ont été menottés pendant le transport entre leur lieu de détention et le tribunal.

S’ils avaient été jugés coupables, ils risquaient une peine de prison de 5 à 10 ans.

Bien que le mouvement syndical international salue la décision de la Cour de relâcher 31 accusés, il n’en reste pas moins fortement préoccupé par cette affaire, car tous les accusés devront de nouveau comparaître devant le tribunal au mois de mars.

« Ce procès montre clairement qu’il est toujours très risqué de s’engager dans des activités syndicales en Turquie. Les collègues qui ont passé cinq mois et vingt jours en détention, loin de leurs familles, ont fortement payé leur engagement envers la démocratie et les droits syndicaux. L’IE se tiendra toujours à leurs côtés », a déclaré le Secrétaire général de l’IE, Fred van Leeuwen.