ES/EST: Suspendre les concours de recrutement

30.03.2001

Suspendre les concours de recrutement dans les branches à pénurie ! Arrêter le recrutement de chargé-e-s de cours sans qualification !
Le recrutement des enseignant-e-s reste pour l'enseignement secondaire et secondaire technique de notre pays sans doute le problème numéro 1 ! Le rapport de planification des besoins en personnel enseignant de juillet dernier ne sonne pas la fin de l'alerte, bien au contraire:
- le nombre d'élèves continuera d'augmenter à raison de 1.000 unités supplémentaires par an,
- au cours des 5 prochaines années, 370 enseignant(e)s partiront à la retraite,
- en prévoyant entre 160 et 175 nouveaux stagiaires par an, le recrutement selon le programme gouvernemental arrêté en 1999 permettra tout au plus de stabiliser la pénurie au niveau actuel; pour résorber les besoins, il faudrait recruter 275 stagiaires par an de 2000/01 à 2004/05 et 125 par an à partir de 2005/06.
Or, les nombreux échecs aux épreuves de langues préliminaires et aux examens-concours ne permettent même pas d'atteindre le nombre insuffisant de postes prévu dans le programme gouvernemental: seulement 91 candidat-e-s au lieu de 125 ont été admis-e-s en 98/99, 112 au lieu de 155 en 99/00 ! Parallèlement, le nombre de chargé-e-s de cours croît sans cesse; après la requalification des contrats à durée déterminée de 222 chargé-e-s de cours en contrats à durée indéterminée suite au jugement du tribunal administratif du 30/07/97, on en arrive de nouveau (en l'espace de 3 années !) à 223 chargé-e-s de cours à durée déterminée nouvellement recruté-e-s sous la dénomination de chargé-e-s d'éducation. Il s'agit là de personnel sans qualification pédagogique, à qui on ne donne pas la moindre formation avant de l'envoyer sur le terrain et lui faire assumer des responsabilités telle la promotion des élèves.
Devant l'absurdité d'une politique consistant d'une part à bloquer l'entrée au stage pédagogique par un examen-concours, et à proclamer d'autre part l'état d'urgence en matière de manque de personnel enseignant, le SEW/OGB-L demande au Gouvernement de suspendre les concours de recrutement dans toutes les branches à pénurie d'enseignant-e-s. En effet l'argument d'une prétendue pléthore d'enseignant-e-s, qui avait donné naissance aux concours de recrutement dans les années 1980 s'est révélé fallacieux dans pratiquement toutes les branches et il est inadmissible d'avancer à présent d'autres motifs pour maintenir un mécanisme de filtrage. Au risque de choquer les puristes, nous disons ouvertement qu'à notre avis, le concours d'admission ne peut avoir pour objectif de vérifier si les connaissances des ressortissant-e-s des universités étrangères dont les diplômes sont officiellement reconnus par l'Etat luxembourgeois, correspondent bien aux attentes d'éminent-e-s enseignant-e-s de notre enseignement secondaire et secondaire technique - et de réintroduire ainsi par la petite porte la collation des grades à la luxembourgeoise abolie en 1968.
L'argument visant à maintenir un mécanisme de filtrage pour "éviter de prendre n'importe qui" est d'autant plus intenable
- que la majorité des professeurs actuel-le-s et des membres des jurys sont entré-e-s dans l'enseignement sans passer par un concours d'admission; or qui oserait pour cette raison mettre en question leurs compétences;
- que les candidat-e-s refusé-e-s à l'examen-concours actuel se retrouvent le lendemain comme chargé-e-s de cours sans formation pédagogique devant leurs classes et qui de plus est à raison de 24 leçons par semaine,
- que devant la pénurie croissante, les directions d'établissement commencent à présent à recruter du personnel sans formation adéquate dans la branche qu'il s'apprête à enseigner,
- que nombre d'épreuves des examens-concours suscitent de la part des candidat-e-s des reproches fondamentaux: contenus sans rapport avec les programmes scolaires, épreuves écrites sans répartition des points, absence de critères d'évaluation connus, copies corrigées inaccessibles aux candidat-e-s, absence de motivation des notes de la part des jurys, .... Les jurys - si exigeants à l'égard des candidat-e-s semblent étonnamment laxistes envers eux-mêmes !
Le SEW/OGB-L avait demandé en janvier 2000 à Madame la Ministre de l'Education nationale d'analyser les raisons des nombreux échecs aux examens-concours et de rendre ces épreuves plus transparentes. A notre connaissance, aucune mesure n'a été prise dans ce sens jusqu'ici.
Nous renouvelons donc cette demande pour les branches où les concours seraient maintenus en raison d'un nombre plus élevé de candidat-e-s que de postes à pourvoir - tout en mettant en cause le programme de recrutement gouvernemental notoirement insuffisant - et nous exigeons - que les épreuves des années précédentes soient publiées afin de permettre aux candidat-e-s de mieux se préparer; - que les objectifs et les critères d'évaluation tant des épreuves de langues que du concours de recrutement dans la spécialité des candidat-e-s soient rendus apparents afin d'informer les candidat-e-s de ce qu'on leur demande; - que les jurys motivent leur décision par écrit et que cette motivation soit communiquée aux candidat-e-s. D'autre part, nous attendons que dorénavant les membres des jurys soient recruté-e-s par voie d'annonces officielles à afficher dans tous les lycées et lycées techniques et sélectionné-e-s sur base de critères connus d'avance et vérifiables. Quant aux épreuves de langues préliminaires, il ne peut s'agir de tester une deuxième fois les connaissances linguistiques de nos bacheliers et bâchelières - et de faire subir par exemple un test de grammaire française à l'ingénieur qui vient de terminer ses études en Allemagne.
Il faudra se limiter à y évaluer les capacités au niveau de l'expression écrite et orale courante. Au-delà de la question du concours, nous demandons au Gouvernement d'augmenter substantiellement le nombre de stagiaires à recruter et d'arrêter net le recrutement de chargé-e-s de cours non qualifié-e-s. Si l'enseignement postprimaire luxembourgeois n'a nullement besoin d'un super-concours laissant passer chaque année une minorité de super-candidat-e-s, il lui faut, pour assumer ses charges croissantes, du personnel compétent aussi bien au niveau de la matière à enseigner qu'au niveau pédagogique.
Guy Foetz