Une organisation des lycées et lycées techniques loin de nos attentes !
L'avant-projet de loi portant organisation des établissements d'enseignement postprimaire qui a été soumis pour avis aux conférences des professeurs des lycées et lycées techniques à la fin de l'année scolaire précédente ne répond pas aux souhaits du SEW - ni des autres syndicats d'enseignants d'ailleurs. Nous nous demandons sérieusement à quoi ont servi nos propositions d'avis à la première ébauche du texte et quelle a été l'utilité des discussion que les « partenaires scolaires » ont eues avec les responsables du MENFPS pendant cinq après-midis entiers. Les avis des conférences des professeurs constitueront-elles une consultation-alibi supplémentaire du même ordre ?
Nous reprenons ci-dessous nos objections fondamentales tout en demandant au MENFPS de reprendre sérieusement la discussion du texte !
L'orientation primordiale du texte a été modifiée
En partant d'un canevas datant d'avril 2001, un premier texte avait été discuté avec les syndicats d'enseignant-e-s, les représentant-e-s des collèges des directeurs, la FAPEL et les délégué-e-s de la conférences des élèves dès le mois de septembre 2001. Ce texte procédait du souci premier de « donner aux différentes dispositions qui régissent les lycées et lycées techniques une plus grande cohérence et une meilleure lisibilité ». Il s'agissait ensuite de « donner à l'ensemble des organismes et institutions qui interviennent dans le fonctionnement des lycées et lycées techniques … un fondement légal » en les inscrivant dans un texte de loi. Enfin, le texte en question entendait « prendre les dispositions nécessaires pour permettre aux lycées et lycées techniques de donner des réponses pédagogiques spécifiques à des besoins locaux » et, parallèlement «codifier les structures de représentation des différents partenaires au sein de l'école ».
Or, l'exposé des motifs de l'avant-projet a été soumis aux conférences des professeurs n'a plus comme premier objectif le regroupement d'une panoplie de règlements dans un texte de loi unique (une loi-cadre), mais il vise avant tout à « doter les établissements d'enseignement postprimaire de structures qui les rendent capables de fonctionner en communauté scolaire fondée sur le partenariat et de prendre des initiatives pédagogiques pour améliorer la qualité de l'enseignement ».
Par un coup de baguette magique ou faut-il dire plutôt: de manipulation politique -, nous voici soudain en présence d'un avant-projet de loi focalisé sur l'introduction de l'autonomie scolaire dans nos lycées et lycées techniques !
L'argumentation qu'utilisent les auteurs de l'avant-projet pour justifier l'introduction d'une certaine dose d'autonomie scolaire est archi-connue: « on ne peut plus tout régler de manière centralisée ;… on veut dynamiser le système en donnant plus de liberté aux partenaires scolaires; …etc. ». En même temps ils se veulent rassurants: « il ne s'agit pas de larguer les établissements dans l'autonomie complète; … on concilie la centralisation qui demeure nécessaire et la décentralisation non moins nécessaire … afin de ne pas aboutir à moyen terme à une dérégulation du système éducatif public »
N'empêche qu'il y a bel et bien lieu de parler d'un changement de paradigme de notre système scolaire; à partir d'une école publique unitaire, le MENFPS s'engage en direction du marché de l'éducation de couleur néo-libérale: les établissements avec leur statut de service de l'Etat à gestion séparée, avec leurs propres règles de fonctionnement, et même leurs programmes divergents en constituent une première étape.
Il est évident que le changement des priorités qui s'est opéré - par l'intermédiaire de l'exposé des motifs - entre le premier texte discuté avec les différents partenaires scolaires et le deuxième texte soumis à l'avis des conférences des professeurs, qui met au centre du débat la question de l'autonomie scolaire, fait apparaître les articles proprement dits de la proposition de texte sous un tout autre angle - même en dehors de toute modification de ceux-ci d'une version à l'autre !
De l'idée d'un texte de loi unique, on en est venu à trois textes séparés
Deux autres textes du MENFPS actuellement en gestation interfèrent avec le présent avant-projet :
a) la « proposition de texte portant sur l'école luxembourgeoise dans son ensemble », qui dans le cadre de la réforme de la loi scolaire de 1912 veut définir les missions de l'école, le partenariat scolaire, la structure future du système scolaire luxembourgeois, l'admission à l'école, ainsi que les moyens d'action pédagogique de l'école ;
b) l'« avant-projet de loi fixant les cadres du personnel des établissements d'enseignement secondaire et secondaire technique ».
Nous regrettons que les responsables du MENFPS aient abandonné l'idée initiale d'une loi-cadre générale pour l'enseignement postprimaire dans son ensemble. Nous sommes maintenant confrontés à trois textes séparés, entre lesquels il faudra constamment établir des liens pour aboutir à une compréhension du système envisagé. Relevons pour illustrer cela, les attributions et missions de l'enseignant-e, qui ne sont pas arrêtées dans le présent avant-projet: elles se trouvent dans le texte (a) … consacré en fait à l'enseignement primaire !
Le MENFPS propose une autonomie sans les moyens de mise en oeuvre démocratique
Avons-nous besoin de répéter que notre syndicat n'est pas opposé à l'autonomie scolaire dans le bon sens du terme: celui de l'autonomie pédagogique d'un personnel qualifié et responsable, celui des moyens matériels et personnels suffisants, celui de la démocratie au niveau du fonctionnement et de la gestion de nos écoles. Ce que nous combattons en revanche, c'est l'exploitation de ce terme à des fins de déresponsabilisation des pouvoirs publics, d'un éclatement de notre système scolaire, d'une dépendance des enseignant-e-s des manœuvres de pouvoir de certaines directions et, qui plus est, d'intérêts financiers privés quels qu'ils soient.
Réuni-e-s au sein d'un groupe de travail du Conseil Supérieur de l'Education Nationale, les délégué-e- s de tous les partenaires scolaires avaient pris position dans un document de réflexion, qui avait été voté à une large majorité par la conférence plénière du CSEN en mai 1998. ( A noter que les représentant-e-s des collèges des directeurs de l'ES et de l'EST avaient exprimé un vote négatif !).
Les réserves et conditions essentielles suivantes avaient été formulées dans ce document:
« - l'autonomie n'est pas la panacée pour tous les problèmes actuels de l'enseignement ;
- l'autonomie ne devra permettre de déresponsabiliser le pouvoir central ;
- l'autonomie devra être introduite par étapes, à travers des expériences-pilotes ;
- le statut du personnel, sa rémunération et son règlement de discipline devront rester dans le domaine de l'Etat ;
- il faudra assurer la transparence de la gestion financière des établissements et exclure le sponsoring des activités scolaires proprement dites ;
- les directions des lycées seront à élire par le personnel des établissements pour un mandat limité dans le temps, mais renouvelable ;
- une cogestion véritable dans les lycées et lycées techniques devra avoir lieu par l'intermédiaire de délégations élues du personnel ;
- les services administratif, social, éducatif, ainsi que technique locaux seront à renforcer substantiellement.»
Il est logique que nous attendons d'un quelconque texte sur l'autonomie des établissements le respect des conditions évoquées ci-dessus et que nous le mesurerons à l'aulne des chances et risques pour la qualité de l'enseignement postprimaire public, pour ses élèves et pour ses enseignant-e-s que nous représentons.
Or, l'avant-projet somis aux conférences ne dit rien sur les possiblités concrètes qu'auraient les professeur-e-s et les élèves pour exercer leurs hypothétiques droits de cogestion. Où et quand pourront-ils ou elles par exemple discuter sur telle ou telle réforme, mesure, décision à prendre ? Comment pourra-t-on assurer concrètement que les membres du conseil d'éducation représentent réellement leurs mandataires respectifs et respectives ? Dans ce contexte le SEW regrette également que la notion de « délégation du personnel » ne soit même plus mentionnée par l'avant-projet.
Quelques propositions de modification fondamentales(*)
… en matière des moyens de mise en œuvre démocratique de l'autonomie
Si l'on veut permettre aux différents partenairese de fonctionner en communauté scolaire, il faut mettre à leur disposition le temps, les moyens matériels et les informations nécessaires. Autrement, ladite décentralisation ne profitera qu'aux directions des établissements, qui sont actuellement seules à bénéficier de ces trois attrributs essentiels du pouvoir !
Pour le comité des professeurs, restent à préciser
- la structure de base d'un tel comité ;
- son mode de collaboration avec la direction, respectivement l'obligation d'information de la part de celle-ci à l'égard du comité ;
- ses conditions d'exercice (crédit d'heures, local et infrastructure technique, affichage, heures de consultation).
Le MEN ne doit pas laisser ces éléments à la discrétion des différents lycées et lycées techniques, mais élaborer un règlement en concertation avec les syndicats d'enseignant-e-s et les représentant-e-s des directions.
La loi sur les délégations du personnel dans le secteur privé pourrait constituer à cet égard une source d'inspiration utile.
Pour le conseil d'éducation, il faudra :
- garantir un crédit d'heures pour les membres de ce conseil;
- résoudre le problème de la légalité des décisions prises alors que certain-e-s élèves ne seraient pas majeur-e-s ;
- garantir que la direction de l'établissement fournisse toutes les informations nécessaires, notamment en ce qui concerne l'exécution du budget et la présentation du compte financier. Nous proposons d'inscrire dans le texte la phrase suivante :« Le conseil d'éducation est en droit d'attendre de la part de la direction toutes les informations qu'il demande en relation avec ses diverses attributions. »
Rappelons qu'il avait été demandé aux responsables du MENFP de l'époque une évaluation écrite des expériences-pilotes d'autonomie budgétaire réalisées dans certains lycées et lycées techniques (LCHE, AL, LTC, et LTE). A ce jour, les réponses à cette requête font toujours défaut - ce qui pour nous constitue un très mauvais présage pour la transparence de la gestion séparée à venir !
Pour le choix de la direction des établissements, le SEW demande d'inscrire une consultation du personnel de l'établissement dans la loi et de limiter la durée du mandat de toute-te-s les membres de la direction à 5 ans, ce mandat étant renouvelable.
Quant au paragraphe sur l'attaché-e à la direction, nous proposons d'y substituer le texte suivant issu de la proposition du CSEN: « Le directeur ou la directrice veillera à promouvoir au sein du corps enseignant la concertation inter- et intra-branches en désignant pour chaque branche un-e responsable rémunéré-e ou déchargé-e en conséquence. »
Nous pensons en effet qu'au lieu de créer une nouvelle fonction hiérarchique, il vaut mieux appliquer le principe de la collaboration entre pair-e-s. Si les tâches du directeur/ de la directrice s'avéraient trop lourdes, il conviendrait à notre avis de désigner un-e adjoint-e supplémentaire.
Pour la gestion financière il faudra garantir à l'intérieur de l'établissement une transparence suffisante; voilà pourquoi nous proposons de compléter le texte comme suit :
Le budget interne à chaque établissement est établi par la direction en concertation avec le conseil d'éducation.
Sous le contrôle du conseil d'éducation, la direction du lycée assurera la gestion matérielle et financière et elle sera assistée par un-e agent-e comptable attaché-e à chaque établissement scolaire.
Les budgets de fonctionnement des différents établissements ainsi que leur exécution seront rendus comparables grâce à un plan comptable commun.
Préalablement à la séance du Conseil d'éducation destinée à les discuter, les comptes de l'établissement feront l'objet d'une publication interne.
Aucune des activités scolaires proprement dites ne devra être financée à l'aide de fonds privés.
Un renforcement des services administratifs s'impose; aussi sommes-nous opposés à la privatisation (outsourcing) des services de restauration scolaire.
… en matière d'organisation et d'initiatives pédagogiques du lycée
Le SEW propose de converger autant que possible vers un horaire scolaire unique.
D'autre part, nous plaidons pour une longueur équilibrée des deuxième et troisième trimestres tel que le calendrier scolaire de l'année 2002/2003 le laisse d'ailleurs entendre.
Nous proposons d'introduire dans le texte le paragraphe suivant: L'année scolaire commence le 15 septembre et se termine le 15 juillet.. Elle est subdivisée en trois trimestres d'égale longueur. Chaque trimestre comprend deux périodes de 6 semaines coupées par une semaine de congé. Les trois trimestres de l'année scolaires sont séparés par deux semaines de vacances.
L'autonomie pédagogique des lycées ne doit ni mettre en péril le caractère unitaire de l'école publique, ni aboutir à jouer une branche contre une autre au gré des majorités dans le conseil d'éducation.
Si nous plaidons pour une grande marge de manœuvre des établissements au niveau des méthodes d'enseignement et de prise en charge des élèves, nous refusons au contraire toute modification de la grille horaire et des programmes si elle ne s'inscrit pas dans un projet bien défini et évalué selon des critères fixés d'avance.
Concernant le projet d'établissement, le SEW est d'avis que la promotion et l'expérimentation des actions pédagogiques et éducatives devraient être limitées dans le temps. Au niveau de l'évaluation, les critères font complètement défaut; il convient de renvoyer ici à un règlement à prendre.
L'appui scolaire constitue un élément fondamental d'équité sociale. Voilà pourquoi nous proposons d'inscrire dans le texte de l'avant-projet la phrase suivante: « Tout au long de l'année, chaque établissement postprimaire organise un appui pédagogique dans toutes les branches qui font l'objet d'une demande de la part des élèves. »
Quant à l'offre d'activités périscolaires, il faudra, par souci de traitement équitable de tous les citoyen-ne-s, garantir au niveau de chaque établissement une offre minimale, en inscrivant celle-ci dans la loi.
… en matière d'inscription dans un lycée
L'introduction de la notion de « lycée de proximité » équivaut à mettre en place une version allégée de la carte scolaire. Le SEW approuve cette idée à condition qu'un traitement équitable de tous les citoyen-ne-s, tel que le prévoit la Constitution soit garanti. Il devient alors nécessaire de rendre transparente la gestion des effectifs d'élèves à travers une définition précise des capacités d'accueil des différents établissements (à fixer par règlement) et le maintien d'un droit de regard du MEN sur les inscriptions d'élèves hors du périmètre de proximité (à inscrire dans la nouvelle loi).
D'autre part, il faudra garantir au niveau de chaque établissement une offre minimale et procéder d'une définition minimale en moyens (personnel, infrastructures, horaires), à fixer par règlement.
… en matière de contrat scolaire et de règlement de discipline
Pour éviter des ambiguïtés d'interprétation pouvant entraîner des effets juridiques non voulus, le SEW propose de remplacer le terme « contrat scolaire » par un mot plus neutre, tel que « code, engagement, … »
Nous proposons de maintenir le contrat scolaire dans le texte, mais sous forme facultative et en le recommandant comme moyen d'action pédagogique au niveau des relations des enseignant-es avec leurs classes.
Au cas où une telle modification de texte serait refusée, nous exigeons que le ministre approuve le contrat scolaire, élaboré par le conseil d'éducation, ceci afin d'éviter la mise en place d'une réglementation d'exception dans certains établissements par rapport à d'autres.
Si le SEW n'est pas opposé à une meilleure responsabilisation des élèves majeurs, il convient pourtant d'accompagner les élèves défaillant-e-s par les mesures de prise en charge, le principe étant à inscrire dans la loi; les détails étant à réglementer). De telles mesures pourront par exemple être prévues suite à l'entretien d'orientation, lorsqu'il s'agit d'un-e élève difficile.
Nous proposons d'en rester à la situation actuelle du conseil de classe statuant en tant que conseil de discipline tout en prenant soin de préciser ses modalités de fonctionnement
Quant aux infractions susceptibles d'être sanctionnées par un renvoi, nous les trouvons globalement trop vagues pour faire l'objet d'une mesure aussi grave qu'un renvoi. Il convient aussi de préciser sous quelle forme les parents sont avertis du comportement de leur enfant et des sanctions qui ont été prises à son égard, afin qu'ils ne soient pas surpris par des sanctions lourdes, tel un renvoi.
Afin de régler la suite de la procédure de recours, nous proposons de la compléter comme suit: « Le directeur ou la directrice transmettra le recours au/à la ministre, qui statuera dans un délai de 14 jours. »
… en matière de médiation
Le SEW soutient pleinement l'idée du médiateur. Nous pensons que l'appel au médiateur ne doit pas obligatoirement suivre la voie hiérarchique. Il existe dans ce contexte la possibilité de s'orienter suivant l'expérience des pays scandinaves dans ce domaine.
D'autre part, il faudra préciser les délais au niveau de la médiation.
… en la matière du SPOS
Le Service de Psychologie et d'Orientation Scolaire devrait continuer à fonctionner de manière autonome. Placer ce service sous l'autorité du chef d'établissement risque d'interférer avec le climat de confiance qui sous-tend nécessairement les relations avec ses utilisateurs. Briser cette relation de confiance par une ingérence possible de la direction de l'établissement serait contre-productif: faute de garantie pour l'élève concerné que les faits exposés au service restent confidentiels, il - elle ne se confiera plus .
D'autre part, les SPOS comptent aujourd'hui quatre types de personnel (psychologues, éducateurs-trices, assistant-e-s sociaux-sociales, enseignant-e-s) dont il faudrait différencier les fonctions à travers l'établissement de profils de postes précis. Il convient d'inscrire dans le texte de l'avant-projet ce besoin de différenciation et de renvoyer à un règlement à prendre.
La discussion doit continuer !
Nous ne considérons nullement le texte de l'avant-projet soumis aux conférences comme un point final, mais au contraire comme un point de départ pour des discussions ultérieures !
SEW - département secondaire