L'élitisme de la direction du Lycée Aline Mayrisch, une menace pour l'école publique et les droits des enseignants ?

27.08.2003

La récente inauguration du Lycée Aline Mayrisch a été accompagnée d'une série de mesures et d'initiatives qui amènent le SEW/OGB-L à émettre des réserves, voire à marquer sa désapprobation quant au mode de fonctionnement du nouveau lycée. D'autant plus que certaines des mesures visées n'ont pu l'être qu'avec l'assentiment tacite du Ministère de l'Education Nationale.
De quoi s'agit-il ?

* Sélection du personnel enseignant par le directeur de lycée
"Les demandes [des enseignants intéressés] seront transmises à M. le Directeur du Lycée Aline Mayrisch qui entrera en contact avec les enseignants intéressés et, le cas échéant, les invitera à un entretien. " (cf. point 2 de la lettre adressée aux directeurs, en date du ler mars 2001).
Il y a lieu de se demander si cette disposition n'est pas contraire à la législation et à la réglementation en vigueur dans la Fonction Publique et au MEN. La gestion du personnel, et donc les mutations des enseignants, font partie des prérogatives du MEN. L'ensemble des lycées des deux ordres d'enseignement représentent en effet une seule entité administrative. De ce fait, un directeur de lycée ne dispose pas des prérogatives d'un directeur d'administration en matière de gestion du personnel. Le pouvoir de sélectionner les enseignants à sa guise, tel qu'il est accordé au nouveau directeur du LAML, contrevient donc à la réglementation et à la pratique en vigueur.
Ce pouvoir exorbitant constitue un dangereux précédent, puisqu'il méconnaît les droits des enseignants sur le plan de la mutation de poste, droits définis par les principes généraux de l'égalité en droit constitutionnel et administratif, ainsi que par l'ancienneté de carrière. Si demain d'autres directeurs/trices de lycée s'engouffraient dans la brèche, la voie serait ouverte à une politique d'affectation de postes arbitraire et clientéliste.

* Discrimination des élèves de l'EST ?
Sur le site Internet du LAML, à la mi-mars 2001, l'invitation à la préinscription des élèves était annoncée comme suit:
"VIe - Ire de l'enseignement secondaire classique
8e - 9e de l'enseignement secondaire technique
Pour les préinscriptions de l'enseignement secondaire technique: entretiens obligatoires. Prière de fixer un rendez-vous auprès du secrétariat. "
Pourquoi deux poids et deux mesures pour les élèves du secondaire classique et ceux du secondaire technique ? Une seule explication plausible: les élèves du secondaire classique sont acceptés tels quels, alors que ceux du technique doivent se soumettre à une procédure de sélection insidieuse, non transparente. Voilà une discrimination inacceptable des élèves de l'EST ! Si le texte en question n'avait été entre-temps modifié sur le site Internet du LAML, nous nous trouverions en présence d'une présélection injustifiable des élèves de l'EST. N'empêche que la question demeure: la nouvelle direction du LAML voudrait-elle non seulement s'arroger le droit de sélectionner les enseignants, mais aussi celui de choisir ses élèves, afin de réaliser un projet pédagogique dit exemplaire ?
Drôle de projet pédagogique qui nécessiterait de telles "mesures d'exception" !

* Et l'équité sur le plan de l'équipement informatique ?
Dans le même ordre d'idées, on peut se poser la question de l'équité en matière d'équipement informatique. Chacun des futurs élèves du LAML sera en effet doté d'un ordinateur portable, alors que dans d'autres établissements les élèves n'ont accès aux postes d'ordinateurs que pendant le cours d'informatique, où ils sont encore trop souvent obligés de se partager un poste de travail à deux.

* Quelle sera la place du régime préparatoire au LAML ?
Initialement, il était prévu que le Lycée Aline Mayrisch accueillerait des classes de l'enseignement secondaire et secondaire technique, dont notamment des classes du régime préparatoire, afin d'opérer une nouvelle répartition des élèves du préparatoire sur les établissements d'enseignement postprimaire de la capitale. Aux dernières nouvelles, l'offre scolaire du LAML à la rentrée prochaine se limiterait à deux classes du régime préparatoire, composées d'élèves sélectionnés à partir de la 6e année d'études primaires. Aucune des classes préparatoires enseignées actuellement au LAML, mais se trouvant sous l'autorité du Lycée Technique de Bonnevoie, ne serait intégrée dans le nouveau Lycée Aline Mayrisch.

* Mise en garde syndicale
Les conditions spéciales accordées par la ministre de l'Education Nationale au nouveau directeur du LAML vont incontestablement dans le sens d'une autonomie scolaire de fait. C'est pourquoi le SEW-OGBL se permet de rappeler à Madame la Ministre sa position en matière d'autonomie scolaire: l'autonomie scolaire limitée au seul mode de gestion des directeurs/trices de lycée est pour nous totalement inacceptable. Tout projet d'autonomie scolaire devra nécessairement englober l'ensemble des partenaires scolaires et définir les compétences administratives et pédagogiques, les droits et obligations du Ministère de l'Education Nationale, des directions des établissements scolaires, des enseignants, des élèves et parents d'élèves, dans un cadre réglementaire général.

Le SEW-OGBL observera avec vigilance l'évolution future du LAML et il s'opposera avec détermination à toute tentative visant à introduire l'autonomie scolaire par la petite porte, en procédant au cas par cas sans définir de cadre réglementaire. L'autonomie scolaire ainsi comprise signifie nécessairement l'accroissement des pouvoirs exclusifs des directions au détriment des droits des enseignants. Elle entraînera sans aucun doute l'établissement de "lycées élitistes" avec leur corollaire, les lycées des laissés-pour-compte. Or, de notre avis, de tels "lycées élitistes" n'ont pas leur place dans l'enseignement public luxembourgeois. Il s'agira donc de veiller à ce que l'émulation pédagogique entre établissements scolaires se fasse à partir de bases équivalentes.

Luxembourg, le 9 mai 2001
Comité secondaire du SEW/OGB-L