Le projet de loi scolaire du point de vue des instituteurs

L'avant-projet de loi portant organisation de l'enseignement fondamental tel qu'il a finalement été adopté par le Conseil de gouvernement à la veille des vacances scolaires contient un certain nombre de réformes importantes et nécessaires pour améliorer le fonctionnement de notre école publique.
Le SEW/OGBL s'est toujours engagé dans l'élaboration de réformes permettant notamment de mieux s'occuper des élèves en difficultés, de réduire l'inégalité des chances et de rendre l'enseignement fondamental plus efficace. Le SEW/OGBL est d'avis que les instituteurs et institutrices ont un rôle important à jouer dans le développement des écoles en vue de relever les défis posées par nos sociétés complexes exigeant de plus en plus de connaissances et de compétences de tous leurs auteurs. Lors de nos journées de réflexion qui rassemblaient un grand nombre de collègues engagés et qui avaient également retenu l'attention de Madame la Ministre de l'Education nationale, nous avions espéré que cette fois nous allions parvenir à une loi scolaire permettant de susciter l'enthousiasme et l'engagement de tous les partenaires de l'école.
Malheureusement le projet actuel s'est beaucoup éloigné de ces premières promesses.
Même si les comités de cogestion âprement défendus par le SEW/OGBL y figurent encore, ils se voient instrumentalisés par la hiérarchie à travers des tâches administratives, de contrôle et de mise en concurrence des écoles en collaboration avec une « Agence pour le développement de la qualité de l'enseignement dans les écoles ». Surtout le président du comité d'école devient de facto un directeur avec des tâches tellement lourdes qu'il devient de plus en plus inévitable de le décharger de toute tâche d'enseignement. Néanmoins la fiche financière prévoit en tout et pour tout 55 tâches d'instituteurs pour les leçons accordées aux comités de cogestion et aux comités d'école. Ceci est très peu par rapport aux tâches qui leur sont confiées.
En comparaison 25 tâches d'instituteurs-ressources affectés au collège des inspecteurs sont prévues pour accompagner les équipes pédagogiques dans la mise en uvre du plan de réussite scolaire et pour favoriser les échanges entre les écoles. Des postes qui n'ont pas été demandés par les enseignants.
Par ailleurs toutes les propositions faites par l'entente des comités de cogestion d'une part et par le SEW/OGBL d'autre par pour renforcer le mandat des comités et pour leur donner les moyens de devenir une force de proposition pour le développement des écoles n'ont pas été reprises dans le projet final. Rappelons aussi que l'entente des comités avait justement amorcé cette démarche des échanges entre les écoles. Le projet de loi vise à casser cette dynamique qui permettait aux idées jaillies à la base de se répandre à travers les contacts entre comités. Des instituteurs-ressources choisis par la hiérarchie sont évidemment plus facilement manipulables par celle-ci.
Mais le plus scandaleux de l'affaire, c'est que finalement aucune ressource supplémentaire n'est accordée aux écoles sur le terrain pour réaliser le travail en équipe, la concertation, la formation continue, le développement scolaire, le partenariat, les mesures d'aide, d'appui et d'assistance aux élèves en difficulté, l'encadrement périscolaire, etc. Bien au contraire, les communes seront désormais tenues à organiser leurs écoles en tenant compte d'un contingent de leçons d'enseignement mis à disposition par le ministre, et la fiche financière stipule expressément qu'aucun coût supplémentaire n'est à prévoir de ce côté.
Alors, on peut bien être des idéalistes et penser que si les objectifs en valent la peine, les instituteurs s'engageront d'avantage pour les atteindre parce qu'ils seront d'accords quant au fond des réformes à engager. Le SEW/OGBL s'est toujours engagé sur cette voie. Mais il y a des moments où il faut distinguer nettement ce qui est faisable et ce qui ne l'est point. Or, nous tenons à faire la part des choses entre ceux qui s'engageront pour 2 ou 3 ans, en espérant qu'ils auront à la clé un poste d'instituteur-ressource qui leur permettra par après de quitter leur classe pour expliquer aux collègues comment cela fonctionne, et ceux qui y croient vraiment et qui souffriront d'un burn-out au plus tard après une dizaine d'années, sans qu'ils aient droit à ce moment à un poste d'instituteur- ressource ou autre qui les mettrait à l'abri d'un travail de Sisyphe. En tant que syndicat responsable nous préférons dire aujourd'hui que cette réforme bien intentionnée, mais pariant uniquement sur un engagement supplémentaire des instituteurs et institutrices ne fonctionnera pas.
Un instituteur ou une institutrice qui prend sa tâche au sérieux travaille déjà actuellement à peu près 50 heures par semaine pendant les 36 à 37 semaines de période scolaire (1 leçon d'enseignement comprenant 1 heure de prestation + 1 heure de préparation et/ou de correction, +le travail administratif, le travail de gestion et la consultation des parents). Si on lui demande en plus la concertation au sein du cycle, c'est-à-dire la gestion des élèves des 2 à 5 autres classes que regroupe le cycle, les responsabilités de titulaire de classe et éventuellement de coordinateur de cycle, la coordination avec l'équipe multidisciplinaire et avec les intervenants des activités périscolaires, c'est tout simplement irréaliste.
Si l'on sait par ailleurs que les instituteurs ont encore et toujours une carrière qui ne tient compte ni du niveau de leurs études (leur carrière est comparable à celle des rédacteurs qui sont recrutés après l'examen de fin d'études secondaires), ni du degré de leurs responsabilités (le professeur du secondaire les dépasse de 72points en début de carrière et de 110 points en fin de carrière), il faut se demander sérieusement ce qui justifierait un tel engagement de leur part.
Pour un syndicat comme le SEW/OGBL qui compte parmi ses responsables beaucoup d'enseignants qui travaillent encore sur le terrain et qui savent ce qu'enseigner veut dire, il serait tout simplement malhonnête de donner son aval à un projet de loi scolaire qui ne se donne pas les moyens de ses ambitions et qui veut tout mettre sur le dos des instituteurs. On peut toujours penser que ces textes législatifs sont bien pour la galerie, mais à quoi bon alors ?