Nouveaux artifices arithmétiques ou réforme en profondeur ?

27.08.2003

Avis du SEW/OGB-L au sujet du projet de règlement grand-ducal déterminant l'évaluation et la promotion des élèves dans le cycle inférieur de l'EST ainsi que les conditions d'admission aux classes des différents régimes du cycle moyen

Le projet de règlement cite quatre "clés de voûte":

* la prise en compte de l'attitude des élèves face au travail;
* la réhabilitation du Conseil de classe comme instance de décision pédagogique;
* la mise en valeur de l'effort qui dépasse le minimum requis;
* l'abolition/la limitation des redoublements.


Hormis le dernier objectif, qui met en question un droit fondamental - maintenu d'ailleurs dans l'enseignement secondaire classique - les trois autres buts sont partagés par notre syndicat sous certaines conditions essentielles. Dans cet ordre d'idées, notre prise de position sur l'avant-projet de même nature avait d'une part soulevé un certain nombre de questions fondamentales:

a) celle des contenus et des méthodes d'enseignement pour les classes de 7e, 8e et 9e qui devraient être adaptés au profil des élèves de cet ordre d'enseignement;

b) celle de la réforme de la formation initiale des professeurs (stage pédagogique), qui traîne depuis des années et de la formation continue pour touTEs les enseignantEs, pratiquement inexistante;

c) celle de la langue véhiculaire, responsable pour beaucoup d'échecs dans des branches comme la géographie, l'histoire, les mathématiques;

d) celle d'un meilleur encadrement des élèves par leurs enseignantEs, à mettre directement en relation avec le nombre d'élèves par classe et avec la préparation des enseignantEs (peu développée) à cette nouvelle tâche;

e) celle d'un contact entre les enseignantEs et les parents de leurs élèves.

Nous notons avec satisfaction que le texte du projet réglemente enfin la relation parents-enseignantEs (question e)
* en officialisant le carnet de liaison;
* en prévoyant obligatoirement des réunions d'information pour les parents et des entretiens individuels entre les parents et le régent-tuteur.

Quant aux autres questions soulevées par le SEW/OGB-L lors de l'avant-projet, elles sont soit écartées provisoirement par le MENFP sous prétexte qu'il n'entend pas ouvrir plusieurs chantiers de grande envergure (question a) soit évoquées vaguement ou évitées purement et simplement (b), (c) et (d).

Or, c'est ici que le bât blesse ! Comment envisager des passages entre les différentes voies pédagogiques, tel que c'est prévu dans ce projet de règlement, si les programmes ne sont pas encore adaptés, réformés ?
Pour le SEW/OGB-L, il est évident que la réforme des contenus et des méthodes doit précéder et non pas suivre une réforme des critères de promotion.


D'autre part, le SEW/OGB-L avait reproché à certaines mesures d'être trop imprécises et de ne pas tenir compte des conditions de travail réelles dans les lycées techniques:

- Ainsi, la réforme vise à mieux motiver les élèves grâce à une note "profil" résultant d'une appréciation globale, que chaque enseignantE doit fixer pour sa branche à la fin de chaque trimestre. Les modalités d'exécution de cette mesure nous avaient cependant semblé poser des problèmes de taille en raison des effectifs de classe élevés, du nombre réduit de leçons hebdomadaires pour certaines branches (1 ou 2), et de l'absence de critères d'évaluation, risquant d'ouvrir la voie au pur arbitraire.

- Une autre mesure, positive et nécessaire dans l'absolu, constitue la prétendue réduction du nombre de branches de promotion (un nombre beaucoup moins élevé étant d'ailleurs monnaie courante dans les pays voisins).
En réalité pourtant, avions-nous remarqué, le même nombre de cours différents est maintenu, malgré un regroupement de plusieurs matières au sein de branches de promotion.
Résultat de cette demi-mesure: les élèves resteront confrontéEs à la même masse de contenus, au même enseignement hétéroclite, au même nombre trop élevé de titulaires, et seront donc aussi désorientéEs qu'auparavant.

Le texte actuel du projet, tout aussi imprécis et hésitant que l'ancien, n'écarte pas nos appréhensions au sujet de ces deux mesures; il nourrit au contraire une nouvelle fois notre critique fondamentale:

- quant à la note profil; puisque les travaux de recherche sur l'évaluation sont en cours au MENFP (cf. Exposé des motifs), attendons qu'ils aient abouti et que les enseignantEs puissent être informéEs avant de leur imposer un instrument d'évaluation nouveau servant à mesurer un "savoir-être" dont personne ne sait encore de quoi il s'agit exactement.

- quant aux regroupements projetés de matières dans une branche; puisque la réduction du nombre de branches est nécessaire, c'est au MENFP que revient la charge d'initier cette synthèse par une réelle refonte des contenus et non de l'éviter par l'intermédiaire d'une juxtaposition de matières et d'enseignantEs (cf. le commentaire des articles qui avoue qu'il s'agit une simple "mesure technique").


Finalement, en ce qui concerne les nouveaux critères de promotion,

- l'impact du remplacement des nombreuses possibilités de compensation par un système plus strict, tempéré par une note profil et le regroupement des notes de plusieurs matières en une moyenne par branche est difficile à juger dès à présent, d'autant plus que les branches-matières ne seront fixées que par instruction ministérielle;

- la mesure qui concerne la limitation du redoublement est une mesure délicate, puisqu'elle peut être interprétée comme une atteinte au droit des parents de veiller à la meilleure formation possible de leurs enfants; elle risque de diriger davantage d'élèves encore vers des écoles privées, tant à l'étranger qu'au Luxembourg. En plus, l'article 11, qui réglemente le nouveau système des redoublements, n'est pas très clairement formulé et laisse trop de latitude au Conseil de classe. Quant à la demande de redoublement volontaire, elle devrait prendre la forme d'un formulaire à remplir par les parents.

- la prise en compte des notes obtenues dans les branches et matières spécifiques pour la formation souhaitée, lors de la décision de promotion vers le cycle moyen nous semble un premier pas sérieux vers une promotion orientée, pourtant tout reste à être fixé par instruction ministérielle;

- les nouveaux critères de promotion vers le cycle moyen semblent vouloir faire de la formation du Technicien une voie centrale, encore faudra-t-il que ce diplôme trouve enfin sa place dans les carrières de l'Etat.


En conclusion

Le SEW/OGB-L estime que dans le calendrier des travaux, évoqué à la page 2 de l'exposé des motifs, la réforme des critères de promotion devrait figurer en dernière position, comme suite à une refonte des programmes et contenus ainsi que des méthodes d'enseignement et d'évaluation du cycle inférieur de l'EST.
Réformer d'abord les critères de promotion ne peut aboutir à notre avis qu'à un maquillage à l'aide ne nouveaux artifices arithmétiques; or, une telle procédure ne peut trouver notre accord dans la situation actuelle.

Si le MENFP persiste dans sa voie, nous mesurerons l'authenticité et la sincérité des quatre "clés de voûte" énoncées par le MENF, au vu des décisions politiques concrètes en matière d'éducation nationale pour l'année scolaire à venir:

* que fera-t-on pour adapter les contenus et les méthodes d'enseignement au profil des élèves du secondaire technique ?

* que va-t-on décider quant aux langues véhiculaires ?

* que préverra-t-on dans le budget de l'Education nationale en matière de cours d'appui ?

* quelle allure prendra l'évolution des effectifs de classe ?

* quelles modifications apportera-t-on à la définition de la tâche de l'enseignantE ?

* quel sera l'aspect futur de la formation initiale et continue des enseignantEs ?

Il est évident pour nous qu'en l'absence de décisions positives dans ces domaines, le nouveau système d'évaluation et de promotion risque de dégrader l'école en une machine destinée à faire passer les élèves à travers leur scolarité obligatoire au moindre coût.

Plus que toute réforme de critères de promotion, c'est l'encadrement des élèves par les enseignantEs et les parents, qui est déterminant.
On a beau conjurer la mise en valeur de l'effort ou la motivation par le risque de l'échec, encore faudra-t-il pour nombre d'élèves, créer un cadre propice au déploiement de leurs capacités humaines. Cela compte particulièrement pour les jeunes en plein âge ingrat auxquels se rapporte ce projet de règlement; leur échec n'est souvent que le produit logique de leur inconscience face au poids décisif d'un bon diplôme, ou de leur détresse par rapport au vécu quotidien, qu'il soit scolaire ou familial.

Communiqué par le SEW/OGB-L