Les grands travaux restent à faire

28.08.2003

Avec la rentrée 2002-2003, le gouvernement actuel entame l'avant-dernière année de son mandat, et l'on peut dès lors dresser un premier bilan des mesures prises et des projets en cours pouvant encore aboutir dans cette législature.
Faut-il encore le répéter, l'actuelle Ministre de l'Education nationale est entrée en fonction avec l'intention déclarée de mener une « offensive scolaire », c'est-à-dire de renflouer un navire maltraité par des décennies de manœuvres conservatrices sous l'égide du parti chrétien-social .
Le manque de personnel qualifié asphyxie notre système scolaire
Une autre contrainte de poids était le manque flagrant de personnel enseignant, qui n'est pas près de disparaître. Dans l'enseignement postprimaire, le dernier rapport de planification du personnel vient encore de le confirmer. Si cette pénurie trouve son origine dans la politique d'austérité des gouvernements précédents, il faut quand même constater que l'actuelle Ministre s'obstine à maintenir en action l'instrument qui a servi à mener cette politique d'austérité.
Dans l'enseignement primaire on peut espérer que la résorption de la pénurie qui est certes encore timide cette année aille en s'accélérant au cours des prochaines années. Pour y arriver il faut motiver les jeunes à s'engager dans des études pour devenir instituteur ou institutrice.
La bouffée d'oxygène qu'un recrutement massif d'enseignants qualifiés pourrait apporter à notre système scolaire ne semble pas l'objectif primordial de Madame Brasseur qui se contente de présenter des chiffres en se montrant rassurante, même si elle a au moins le mérite d'avoir fait redémarrer les travaux des commissions de planification et de rendre la pénurie un peu plus transparente.
Aucune initiative n'est prise pour remédier au creusement des inégalités sociales
L'attestation par l'OCDE - à travers l'étude PISA - que le système éducatif luxembourgeois compte parmi ceux où la corrélation entre la situation socio-économique familiale et le niveau de compétence des enfants est la plus prononcée a été un choc supplémentaire. Ses résultats montrent en effet que l'injustice sociale se trouve consolidée sinon aggravée par l'école luxembourgeoise et que les responsables du MEN devraient se hâter de rectifier le tir. Or, à part le slogan favori du « back to basics », des mesures appropriées notamment en direction d'une meilleure prise en charge des écoliers et élèves se font attendre
Le privé passe avant le public
Loin de vouloir s'engager plus avant dans des réformes, le MEN semble plutôt vouloir se dégager de ses obligations en direction d'institutions privées. L'accentuation du financement des écoles privées par les deniers de l'État va dans ce sens. Dans le même ordre d'idées, on peut craindre que l'avant-projet portant organisation des établissements d'enseignement postprimaire ne serve de levier pour entamer un changement de modèle fondamental de notre système scolaire unitaire vers une sorte de marché de l'éducation. A contre-pied, nous revendiquons l'autonomie dans le bon sens du terme, celui de l'autonomie pédagogique d'un personnel qualifié et responsable, celui des moyens matériels et personnels suffisants, celui de la démocratie au niveau du fonctionnement et de la gestion de nos écoles.
Permettre aux enseignants de s'investir dans le développement de l'école
La question de la cogestion est également au centre des discussions autour de la réforme de la loi scolaire de 1912 qui concerne surtout l'enseignement primaire où la concertation et la cogestion prennent une importance accrue. Dans de nombreuses communes, les enseignants se sont peu à peu dotés de structures efficaces pour répondre à ces besoins. Le SEW/OGB?L exige que ces structures de cogestion soient inscrites dans la nouvelle loi scolaire et il s'oppose à la création de nouvelles hiérarchies qui feraient de l'enseignant un pantin inefficace.
Si Madame Brasseur n'arrive pas à boucler ses grands chantiers sur la législation scolaire de façon satisfaisante et surtout si elle n'arrive pas à revigorer l'école à travers la création de nouvelles structures et à travers le recrutement d'enseignants qualifiés et engagés, on retiendra de son passage à l'Education nationale la revalorisation des cours d'instruction religieuse et morale, le financement des écoles privées, la capitulation devant la pénurie en personnel enseignant formé, une politique de l'Education nationale réduite à un slogan: bref l'abandon de l'école publique.

Monique Adam/Guy Foetz