Quelques réflexions en matière de statistiques du MENFPS …

12.09.2003

Par le passé, le Ministère de l'Education nationale luxembourgeois a toujours eu quelque mal à établir et/ou à publier certaines statistiques qui sont la règle dans d'autres pays, ce qui fait que les bases sur lesquelles on peut argumenter en matière de politique scolaire nationale font parfois défaut ou sont contestables. Ainsi, un article paru dans le « Trierischer Volksfreund » en avril 1998 a-t-il jadis provoqué un tollé d'indignation et de rectifications de la part des responsables du MEN. Cet article faisait allusion à une étude sur notre système scolaire menée par Manfred Schenk et Christiane Meyers de l'Université de Trèves sur ordre de la Caritas et du gouvernement luxembourgeois de l'époque, étude qui parvenait à des conclusions très négatives (taux d'échec de 80 %, 50 % de non-qualifés, faibles chances de réussite pour les enfants d'origine étrangère).

On comprend donc que le programme gouvernemental de 1999 a décidé qu' « afin de permettre au Gouvernement de surveiller et de suivre de façon précise l'efficience de notre système éducatif, il sera veillé à ce que l'observation statistique soit affinée. …le matériel statistique élaboré devra être rendu comparable à celui des autres pays de l'UE et de l'OCDE portant notamment sur les indicateurs relatifs à la progression des élèves et les échecs scolaires, sur les indicateurs relatifs au passage d'un ordre d'enseignement à l'autre et à la vie active ainsi que sur les indicateurs relatifs aux coûts. »

Depuis lors, il semble qu'un vrai travail d'Hercule ait été accompli au MENFPS, du moins en matière statistique. En effet, voilà que le représentant désigné par ledit ministère au Conseil supérieur de l'Education nationale vient de noter lors d'une récente réunion de cet organisme que le calcul du taux de qualification au Luxembourg aurait relevé « une valeur de 79,8 de certifiés pour une cohorte scolaire » et que « dans les chiffres-clés de l'éducation en Europe publiés par Euridyce et Eurostat, la valeur du benchmark intéressant les élèves ayant réussi des études de niveau secondaire supérieur serait de 79,9 pour le Luxembourg, alors que la moyenne des 15 UE serait de 75,5 ». Il rejoint ainsi sa Ministre qui déclarait lors d'une réunion avec les représentants du Pôle pour une école démocratique qu'entre-temps 75 % des élèves quitteraient l'école luxembourgeoise avec une qualification.

J'aimerais bien pouvoir verser dans cet optimisme pré-électoral, mais à vrai dire, ces progrès faramineux me laissent perplexes. Pour être en mesure de faire l'éloge de quatre années de politique scolaire brassérienne miraculeuse, j'aimerais bien connaître la source de ces résultats, la base de données qui a permis de les obtenir, ainsi que la composition de la cohorte et les types de qualifications auxquelles on se réfère.
Ayant sous les yeux l'introduction au fameux projet-pilote de réforme du cycle inférieur, qui parle de la « banalisation de l'échec, massif à tous les niveaux de l'EST »; me référant aux statistiques du même MENFPS, suivant lesquelles les effectifs de l'enseignement préparatoire ont atteint 23 % de l'EST en 2002-2003, me rappelant mon vécu scolaire quotidien dans l'EST, j'avoue que j'ai du mal à croire à un retournement prodigieux de la situation et je me demande franchement si les cohortes d'élèves faisant partie des statistiques du MEN sont différentes de celles que je rencontre quotidiennement en chair et en os. Mais peut-être les statistiques du MENFPS ne dénombrent-elles que les élèves de l'enseignement secondaire ' dont les bacheliers proviennent à raison de 91 % de familles parlant principalement le luxembourgeois (*) ?

Faut-il donc penser comme Winston Churchill disant qu'il ne fait confiance qu'aux statistiques qu'il a établies lui-même ?

Guy Foetz