Extraits de l'avis CESE 75/2008: Améliorer la qualité des études et de la formation des enseignants

Synthèse et recommandations
L'éducation a toujours été considérée non seulement comme un élément essentiel pour le développement et l'épanouissement personnel mais également comme un facteur de développement de nos sociétés. Dans un contexte mondialisé extrêmement compétitif, elle revêt une importance encore plus grande et centrale pour l'avenir tant des sociétés que des individus, en raison de la complexité des connaissances et des compétences requises aujourd'hui.
Le CESE estime que l'objectif central de l'éducation continue d'être celui de former des citoyens libres, doués d'un esprit critique, autonomes, capables de contribuer au développement de la société dans laquelle ils s'insèrent et qui ont le niveau de compétence nécessaire pour affronter de nouveaux défis tout en étant conscients qu'ils font partie d'un héritage culturel et partagent les mêmes valeurs, et que le monde qu'ils habitent ne se résume pas à eux seuls et doit par conséquent être préservé pour les générations futures. L'éducation se doit aussi de contribuer à l'émancipation des individus.
Dans le contexte, les enseignants jouent un rôle clé pour la réalisation de cet objectif, dès lors qu'il leur appartient de transmettre les connaissances mais aussi d'interagir avec les enfants et les jeunes dans une société où la structure familiale s'est transformée et fonctionne selon de nouveaux modes d'organisation. Cependant, la CESE considère que la communication, malgré les compétences limitées de la Commission à ce sujet, pourrait aller un peu plus loin et aborder des questions qui, de par l'importance qu'elles ont acquise aujourd'hui, méritent une attention particulière.
Concrètement: quelles nouvelles stratégies, peuvent et doivent être développées pour enseigner dans un contexte de mutations sur le plan mondial, comment aborder les nouveaux enjeux dus à la transformation des structures familiales avec leurs nouvelles formes d'organisation, comment faire en sorte que la formation continue des enseignements soit comprise dans le contexte de la formation tout au long de la vie, comment rendre la profession d'enseignant plus attrayante pour les jeunes, surtout au niveau des rémunérations et des prestations, entre autres?
Comme le dit la Commission dans sa communication, le CESE a la ferme conviction que dans une société de plus en plus complexe et exigeante, il est urgent d'envisager le métier d'enseignant comme un élément clé pour promouvoir une éducation de grande qualité, capable de s'adapter aux exigences de notre temps, raison pour la quelle l'amélioration de leurs formation universitaire et professionnelle et la nécessité de leur offrir des conditions appropriées en termes de salaires et de carrière sont des questions vitales pour parvenir à cet objectif.
Observations générales
La profession d'enseignant a changé au fil du temps, non seulement dans ses modalités mais aussi dans son contenu fonctionnel, en raison de l'évolution de la société et des nouvelles attentes placées dans l'école. De l'enseignement qui «transmet des connaissances» et de qui l'on exige un savoir qui ne saurait être remis en question, l'on est passé à «l'enseignant/éducateur», stimulateur d'apprentissages et capable de structures les connaissances acquises par les jeunes à travers d'autres sources de connaissances, parfois plus actualisés que celles des enseignants eux-mêmes.
L'école, quand à elle, s'est démocratisée et elle est devenue plus hétérogène, fruit d'une société également plus diversifiée, plus exigeante et plus complexe. Démocratie, égalité et diversité sont, suite à cette évolution, devenues dans l'école d'aujourd'hui des notions fondamentales par lesquelles passe nécessairement la concrétisation d'une école de l'inclusion, qui intègre aussi les enfants et adolescents handicapés. Dans ce contexte, l'enseignant se retrouve devant une nouvelle responsabilité, à savoir apporter des réponses plus individualisées et adaptées.
Les phénomènes d'immigration, de discrimination sociale, de pauvreté, de violence des jeunes, surtout en milieu urbain, ainsi que l'augmentation de la précarité du travail et du chômage de longue durée ont «envahi» l'école et rendu le métier d'enseignant plus complexe et difficile mais également plus instable et moins sûr. Très souvent, l'enseignant ne sait comment faire face à ces nouveaux phénomènes et n'est pas aidé comme il se doit pour ce faire.
De même, les nouvelles formes d'organisation de la famille en raison de l'augmentation du travail féminin, de la croissance des familles monoparentales ou encore d'autres formes d'organisation de vie en commun exigent de nouvelles capacités de la part des enseignants, surtout celle d'aborder la responsabilité parentale choisie par chaque famille.
La formation initiale des enseignants n'a pas toujours suivi cette évolution. D'une formation restée pendant longtemps trop académique, l'on est passé souvent à la formation excessivement axée sur le volet pédagogique et didactique avec un affaiblissement important des savoirs disciplinaires dans la formation initiale. Ce qu'il faut c'est justement rétablir l'équilibre entre ces deux formation des enseignants.
En effet, la formation initiale des enseignants doit être une combinaison équilibrée de savoir scientifique et de savoir pédagogique, ce bon dosage étant précisément ce qui fait la spécificité du métier d'enseignant. Cette formation doit également comporter une composante psychosociologique et même anthropologique qui permette l'acquisition des savoirs et des techniques requis pour pouvoir enseigner dans des milieux multiculturels, tout en valorisant l'inter-culturalité, dans le cadre desquels l'on sera amené à gérer et à résoudre des situations conflictuelles et difficiles. Elle doit aussi apprendre aux futurs enseignants à savoir écouter les jeunes de façon à les impliquer dans la quête des meilleures solutions. A cet égard, il est essentiel de faire intervenir les droits dont jouissent les enfants et les adolescents en vertu de l'article 12 de la Conventions des Nations unies sur les droits de l'enfant, convention qui reconnaît à chaque enfant et adolescent le droit à l'éducation et aux loisirs, le droit d'être bien traité et celui d'influer sur la conduite de sa propre existence.
Par ailleurs, la formation initiale des enseignants doit intégrer des objectifs allant au-delà de la question de savoir quelles connaissances transmettre et comment le faire. Il faut y inscrire la notion d'enseignant en tant que professionnel qui réfléchit sur la pratique, qui est capable d'évaluer les contextes dans lesquels il exerce sa profession, de définir les stratégies qui s'imposent et d'évaluer leurs résultats. Elle doit également véhiculer l'idée selon laquelle l'éducation peut et doit être un instrument de cohésion sociale, de développement social et économique et de formation de citoyens actifs, impliqués et respectueux de la diversité culturelle et environnementale, en somme des citoyens bâtisseurs d'un monde meilleur. En effet, les enseignants sont de vrais maillons dans la chaîne de cohésion sociale. En ce qui concerne la formation continue, elle doit être fonction non seulement des besoins individuels de l'enseignant en tant que professionnel qui reconnaît les limites de ses connaissances et prend conscience des évolutions sociales et technologiques qui se sont produites mais également des besoins collectifs de l'école en tant que communauté qui s'insère dans une communauté plus large qui compte d'autres acteurs intervenants.
Les conditions d'accès à la carrière et de déroulement de celle-ci, les aides spécifiques à l'exercice de la profession, une rémunération en accord avec l'importance sociale de la profession et la reconnaissance sociale de la fonction exercée sont quelques-uns des facteurs qui contribuent, outre la formation des enseignants, à attirer les plus aptes à exercer la profession, que l'on sont difficiles et éprouvantes, et à améliorer ainsi l'éducation en relevant son niveau d'exigence et de qualité.
La communication ébauche un profil de l'enseignant dans l'Union européenne, mettant en évidence trois aspects essentiels: le sexe, l'âge et la rémunération mais sans approfondir les relations qui peuvent être établies entre ces trois composantes.
S'il est vrai que dans tous les secteurs d'enseignement les femmes sont toujours majoritaires, il est également vrai que leur nombre est inversement proportionnel à l'importance sociale et/ou en termes de salaires de chaque secteur. Ainsi, de l'enseignement au stade préscolaire à l'enseignement supérieur la proportion de femmes enseignantes diminue.
L'image sociale de la profession d'enseignant est aujourd'hui moins bien considérée; elle est concurrencée par des carrières plus attractives à diplômes équivalents et a par conséquent cessé d'attirer les couches les plus jeunes de la population. L'on peut constater que la profession est devenue plus exigeante, tant au niveau de la formation initiale qu'en termes de responsabilité sociale mais que le niveau des exigences relatives aux conditions de travail, de carrière et de rémunération n'a pas suivi cette évolution. Les disciplines des sciences exactes ainsi que de la communication et de l'information subissent plus particulièrement les effets de cette concurrence, avec un manque généralisé d'enseignants dans ces domaines Le CESE attire d'ailleurs l'attention sur le fait que certaines affirmations de la communication ne sont pas étayées par une analyse approfondie, ce qui risque de masquer certaines réalités plus complexes. Par exemple, s'agissant de comparer les salaires des enseignants au revenu national moyen, il faut tenir compte du poids des salaires et durée de la carrière et établir une comparaison avec d'autres professions tout aussi exigeantes en termes de formation universitaire.
Recommandations du CESE
Ainsi, et réaffirmant qu'il approuve globalement la communication présentée par la Commission, le CESE estime que l'approche de la problématique de l'amélioration de la qualité de la formation des enseignants doit aller au-delà de leur formation initiale et continue et formule par conséquent les recommandations suivantes:
La profession d'enseignant doit être revalorisée aux yeux la société en raison de l'importance particulière qu'elle revêt pour la résiliation des objectifs définis dans le cadre de la stratégie de Lisbonne et dans la mesure où c'est aux enseignants qu'il revient de former le capital le plus précieux de l'Union européenne: ses ressources humaines.
Une nouvelle reconnaissance de la profession requiert une revalorisation des niveaux de salaires, du travail en équipe et de la formation continue, de même que des conditions d'accès à la profession et de déroulement de carrière, des conditions de travail et des aides spécifiques pour les secteurs et les milieux qui en ont besoin, de façon à attirer dans la profession des jeunes enthousiastes et compétents.
Cette revalorisation devrait être assortie d'un cahier des charges précisant les compétences attendues des enseignants tant dans le domaine des savoirs académiques que dans la connaissance sociologique des publics qu'ils accueillent, ainsi que dans les méthodes pédagogiques.
Eduquer est une tâche d'une haute responsabilité. Il faut donc développer des stratégies qui puissent aider les enseignants les plus jeunes au début de leur carrière, à travers un accompagnement assuré par des enseignants ayant plus d'expérience, lesquels ne devraient d'ailleurs pas être obligés, compte tenu de l'usure professionnelle (physique et psychologique), à assumer les mêmes fonctions jusqu'à l'âge de la retraite.
Par ailleurs, l'investissement en personnel auxiliaire d'enseignement est essentiel pour assurer l'accompagnement des tâches éducatives qui relèvent de la responsabilité de l'école et vont au-delà de celles qui relèvent plus spécifiquement de l'activité d'enseignant. La formation initiale doit tenir compte de toutes ces données de départ et être par conséquent d'une grande qualité tant au niveau scientifique qu'au niveau pédagogique et didactique ou en encore en ce qui concerne les nouvelles compétences telles que la capacité à travailler en équipe, à interagir avec d'autres acteurs sociaux et notamment les familles ainsi que la capacité à stimuler chez les autres l'envie d'apprendre. Elle devrait inclure les méthodes d'animation et des dynamiques de groupe capables de prévenir et désamorcer les conflits latents dans la société.
Aussi, le CESE recommande-t-il que la profession d'enseignant soit considérée comme une profession qui exige une formation initiale prolongée,un niveau d'exigences élevé et une meilleure connaissance des rapports entre l'école et la société, y compris le monde du travail.
Pour que la formation continue soit réussie et efficace dans ses objectifs, il faut que les enseignants y participent activement dès le stade de la conception et de la planification jusqu'à celui de la réalisation et qu'elle soit centrée essentiellement sur les écoles et les objectifs spécifiques du projet éducatif de chacune d'entre elles.
Les acteurs socioéconomiques et, plus particulièrement, les organisations syndicales représentatives du corps enseignant, doivent être considérés comme des interlocuteurs valables pour la définition des objectifs et l'évaluation des systèmes de formation initiale et continue des enseignants.
La formation continue pourrait comporter une composante «participation des parents et éducateurs» afin que ces derniers puissent s'impliquer dans le projet éducatif de l'école, prendre conscience de la multiplicité des facteurs qui interviennent dans l'apprentissage de leurs enfants et être ainsi partie prenante dans l'éducation de leurs enfants en dehors de a sphère familiale.
La formation continue devrait également servir de forum de discussion interprofessionnelle, raison pour laquelle il serait souhaitable qu'elle associe d'autres acteurs de l'éducation qui participent au processus éducatif et qu'elle tienne compte de la possibilité d'impliquer différentes écoles dans un processus pus global.
Enfin, les programmes européens devraient stimuler l'échange d'expériences et d'informations entre les écoles de pays différents mais qui sont confrontés à des réalités similaires. L'échange d'expériences entre écoles de pays d'accueil et écoles de pays d'origine des migrants serait par exemple une bonne idée pour comprendre les difficultés des enfants et des jeunes de cette catégorie de la population et trouver des stratégies permettant de surmonter des difficultés évidentes. D'ailleurs, le cadre de la stratégie de Lisbonne est à même d'encourager, notamment grâce aux congés pour études, la mobilité des enseignants dans les pays de l'Union, comme porteuse d'expériences et d'innovation pour améliorer la formation tout au long de la vie.
Enfin, il faut identifier des indicateurs d'éducation adéquats et reconnus dans l'ensemble des pays de l'Union pour évaluer les acquis et fait progresser les systèmes éducatifs vers l'objectif conjoint d'amélioration de la qualification et de la cohésion sociale.