Notre patience touche à son terme

26.11.2007

Ce n'est qu'après la CGFP et après les représentants des enseignants du secondaire (3 syndicats, dont le SEW) que les représentants des instituteurs seront probablement reçus par les ministres Biltgen, Delvaux et Wiseler en date du 7 décembre pour apprendre ce que le Conseil de Gouvernement a décidé le 31 octobre.

Alors que nos revendications sont connues de longue date, et qu'elles ont été réitérées en juin de cette année quand le projet de loi scolaire attribuait mille et une nouvelles responsabilités aux instituteurs tout en reconduisant la carrière de ces derniers - même ceux qui pourront désormais se prévaloir de 4 années d'études universitaires - au grade E3, le Gouvernement n'a pas daigné en discuter. Même sous la pression d'un front commun des deux syndicats représentatifs dans le secteur, il a demandé de patienter jusqu'à ce que le Gouvernement se donne une feuille de route pour négocier. Et voilà qu'il propose de discuter la mise en place de nouvelles procédures de recrutement dans la Fonction publique luxembourgeoise sur la base du processus de Bologne.

C'est ce qu'on appelle répondre à côté de la question ou encore chercher midi à quatorze heures. Le Gouvernement est bien conscient que tous les arguments avancés par les syndicats des enseignants sont justifiés et légitimes. C'est ainsi qu'il cherche à déplacer les négociations sur un autre échiquier pour contrer d'emblée leurs revendications bien fondées. Et ce qui est encore plus révélateur, c'est qu'on ne discute pas en premier lieu avec les principaux intéressés. C'est comme s'il fallait chercher chez d'autres catégories professionnelles les arguments pour réfuter les revendications des instituteurs.

Parions qu'on essaiera de nous faire comprendre, que malgré le prolongement des études, les futurs instituteurs n'auront toujours qu'un bachelor et que celui-ci n'est évidemment pas équivalent à une licence d'il y a quelques années.

Les instituteurs et les institutrices savent cependant que leur profession a beaucoup changé au cours des dernières décennies. L'institution scolaire ne fournit plus ce cadre de référence précis avec une discipline plutôt rigide et des apprentissages chronométrés. Aujourd'hui l'instituteur est appelé à organiser le vivre et apprendre ensemble en fonction des besoins des élèves et des exigences du programme, en concertation avec ses collègues et en communication avec les parents d'élèves pour les convaincre du bien-fondé de ses démarches. La complexité croissante de ce travail demande une formation de plus en plus poussée. Le SEW a toujours exigé une formation continue de qualité et il a demandé la mise en place d'une formation initiale basée sur une culture scientifique en sciences de l'éducation, des compétences de recherche et d'analyse de situations éducatives complexes et des compétences professionnelles nécessaires à un praticien réflexif. Cette formation aurait dû être sanctionnée par un master comme c'est le cas dans d'autres pays européens de la Finlande au Portugal. Une telle formation a été refusée aux instituteurs par crainte qu'ils n'exigent des salaires identiques au professeurs. Un mauvais compromis a été trouvé avec un allongement de la formation à quatre ans, afin de faire entrer les nouveaux contenus. Cette formation de 240 ECTS n'épouse pas la logique des nouveaux diplômes du processus de Bologne et est donc sanctionnée au-dessous de sa valeur par un bachelor qui normalement ne requiert que 180 ECTS.

Alors que les instituteurs ont été assez modestes en exigeant le reclassement de leur carrière au grade E6, à mi-chemin du classement actuel qui ne tient pas compte de leurs études supérieures et du classement de la carrière du professeur au grade E7 afin de tenir compte à la fois du degré de complexité de leur travail, de leur degré de responsabilité et au moins des 3 années d'études supérieures que la plupart d'entre eux ont accompli; le Gouvernement ne semble pas disposé à discuter sérieusement de cette revendication. Tout porte à croire que qu'il essaie plutôt de comprimer les rémunérations dans l'enseignement quitte à recruter des enseignants moins qualifiés. Ceci résulte clairement du projet de loi sur les maîtres-auxiliaires dans l'enseignement secondaire tout comme du recours à de nouveaux chargés de cours dans le projet de loi sur l'enseignement fondamental. Nous devons refuser cette logique qui relaie la qualité de l'enseignement dans les beaux discours et qui la contrarie par les faits.

Les instituteurs et les institutrices se sont battus et continueront à se battre pour une formation de qualité correspondant à la complexité de leur tâche. Aujourd'hui ils se battent pour la reconnaissance des efforts fournis par un classement adéquat dans la grille salariale. Quels sont les arguments pour leur refuser cela ? Leurs revendications sont tout à fait légitimes.

L'intransigeance du Gouvernement les oblige à se mobiliser massivement et à utiliser tous les moyens syndicaux à leur disposition pour redresser l'injustice qu'ils ne sont plus prêts à subir plus longtemps.

Monique Adam