Question parlementaire Nº 2522 Ecole privée en langue portugaise
07.05.2008
Conformément au règlement interne de la Chambre des Députés, je vous prie de bien vouloir transmettre la question suivante à Madame la Ministre de l'Éducation nationale et de la formation continue:
"Selon un dossier paru dans le Quotidien de ce jour, une société spécialisée dans l'enseignement privé en langue portugaise envisage de s'Installer au Grand-Duché de Luxembourg et d'y ouvrir une école privée destinée aux enfants lusophones de 5 à 18 ans. Dans ce contexte, je voudrais vous poser les questions suivantes:
1. Le ministère de l'Éducation nationale et de la formation continue est-il informé des intentions du Grupo Lusôphono?
2. Si oui, à partir de quand la nouvelle école lusophone pourrait-elle fonctionner? Quelles conditions doivent être remplies pour obtenir l'autorisation de dispenser un enseignement tel que visé par cette Initiative?
3. Quelle est, d'une façon générale, la position de Madame la Ministre vis-à-vis de cette Initiative?
4. Dans quelle mesure le ministère de l'Éducation nationale et de la Formation continue pourrait-il prendre une influence sur le contenu de l'enseignement dispensé par la future école privée, notamment en ce qui concerne l'enseignement des langues?
5. Madame la Ministre n'est-elle pas d'avis que l'Initiative prise par une partie de la communauté portugaise installée au Luxembourg est le signe d'un grave échec de l'école publique luxembourgeoise?
6. Madame la Ministre ne craint-elle pas que, sous les mêmes conditions, d'autres communautés installées au Luxembourg - par exemple la communauté musulmane puissent égaiement envisager de créer des écoles privées?
7. Quelle est la stratégie que le Gouvernement entend mettre en oeuvre afin de prévenir la tendance allant vers un système éducatif basé sur différentes communautés?"
Veuillez agréer, Monsieur le Président, l'expression de mes salutations distinguées,
Roby Mehlen, Député
Réponse de Madame la Ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle à la question parlementaire W 2522 de Monsieur le Député Roby Mehlen.
1. En date du 10 mars 2008 des collaborateurs de mon département ont eu un entretien avec le pésident du conseil d'administration de l'Universidade lus6fona de Humanidades e Tecnologias; entretien qui avait été organisé à la demande de l'ambassade du Portugal pour explorer les opportunités et les possibilités d'ouvrir une école portugaise à Luxembourg.
La délégation portugaise a été informée
* des efforts entrepris par l'éducation nationale pour répondre à une internationalisation croissante de notre économie, notamment la création du bac international; * des études récentes qui ont montré que les difficultés scolaires ne sont pas seulement d'origine linguistique mais également d'origine sociale; * des résultats d'une enquête sur la situation des langues sur le marché de l'emploi; * de l'importance pour l'école publique d'instruire et d'éduquer ensemble les enfants qui à l'âge adulte vivront et travailleront au pays; * des conditions requises par la loi pour ouvrir une école privée ainsi que le subventionnement de l'enseignement privé par l'Etat.
2. Ces conditions sont fixées à l'article 3 de la loi du 13 juin 2003 concernant les relations entre l'État et l'enseignement privé qui stipule:
"Nul ne peut créer, ouvrir ou faire fonctionner un établissement d'enseignement préscolaire, primaire ou postprimaire privé, s'il n'est muni d'une autorisation délivrée par arrêté grand-ducal, pris sur la proposition du ministre qui examine
a) les conditions d'honorabilité de la personne physique ou morale responsable de la gestion de l'organisme d'enseignement;
b) les conditions d'honorabilité et de qualification professionnelle du personnel de direction et du personnel d'enseignement;
c) les conditions d'hébergement des classes et de salubrité des lieux;
d) les buts, les programmes et les méthodes d'enseignement;
e) les conditions d'admission et de promotion des élèves;
f) les certificats délivrés aux élèves;
g) le règlement de discipline et d'ordre intérieur;
h) le financement de l'enseignement;
i) le contrat~type d'enseignement à conclure avec les élèves ou leurs représentants légaux"
3. Je suis d'avis que les enfants qui constituent l'avenir de notre pays, qui vivront et travailleront ensemble au Luxembourg, doivent grandir et être éduqués ensemble. Ce sont les enfants des familles qui ont choisi de s'établir durablement dans notre pays. Afin de leur donner, à eux tout comme aux enfants de parents luxembourgeois le sentiment d'avoir des chances de réussir dans notre école et d'être traité équitablement, j'?uvre pour une école dans laquelle tous les enfants peuvent trouver une réussite qui correspond à leurs capacités.
L'école luxembourgeoise a ouvert ses structures au cours des dernières années en introduisant une pluralité des voies de formation; cela commence avec les possibilités de suivre une formation professionne!!e ou technique en langue française et se termine avec l'introduction de classes préparant au baccalauréat international.
L'école luxembourgeoise est aussi en train d'adapter ses contenus et ses méthodes à cette pluralité. L'introduction de l'approche par compétences qui permet de nuancer l'apprentissage des langues (écrire, parler, comprendre l'écrit, comprendre la parole) et de différencier le niveau que chaque élève atteint dans les nombreuses langues enseignées à l'école permet de valoriser ce que chaque élève peut faire. Même s'il n'est pas nécessairement bon dans tous les domaines d'une langue ou dans toutes les langues, le système d'évaluation différencié qui est en phase d'être introduit permet de documenter ses acquis et de lui ouvrir l'accès aux formations auxquelles il a droit
Je m'inquiète de voir les efforts entrepris pour consolider la cohésion de notre société contrecarrés si les différentes communautés qui se sont installées durablement au Luxembourg parce qu'elles escomptent y trouver une perspective d'avenir, choisissaient d'éduquer leurs enfants dans un enseignement à part.
Seuls les enfants dont les parents ont élu temporairement domicile au Luxembourg et qui par la suite doivent scolariser leur enfant dans un autre pays devraient inscrire leur enfant à une école privée internationale.
4. L'autorisation est donnée après que le ministre de l'éducation nationale eût examiné les buts, les programmes et les méthodes d'enseignement Il est évident que ces objectifs doivent correspondre d'une part avec les objectifs d'une éducation humaniste et d'autre part qu'ils doivent viser les qualifications qui sont nécessaires pour pouvoir évoluer sur le marché du travail.
5. Je ne pense pas a priori que la démarche de l'université Lusofona doive être considérée comme une initiative prise par une partie de la communauté portugaise installée au Luxembourg. Il faut se souvenir que le premier objectif des démarches entamées par l'Universidade était d'établir une coopération avec l'Université du Luxembourg. Ce n'est que par la suite que la possibilité de sonder la législation en vigueur sur l'enseignement privé dans le domaine de l'enseignement primaire et de l'enseignement secondaire a été envisagée.
6. Concernant la création d'une école musulmane, je m'opposerai avec tous les instruments légaux qui sont à ma disposition à la création d'une école dont l'objectif consiste à isoler une communauté ou une partie d'une communauté de la population et à contre-carrer tous les efforts d'intégration.
Cela dit, la loi luxembourgeoise qui a été votée en 2003, n'offre pas tous les instruments légaux qu'on eût été en droit d'attendre d'une prospective clairvoyante à une époque où les questions sur les communautarismes étaient pour le moins aussi réelles qu'aujourd'hui.
7. Je pense par ailleurs qu'ériger des barrières législatives ou administratives contre des initiatives de ce type constitue seulement un moyen de réagir. Le second, préférable à mes yeux consiste à miser sur la qualité de l'école publique et j'estime que les actions et mesures qui ont été réalisées ou qui sont en voie de réalisation au cours de cette législature renforcent l'image d'une école publique qui est capable de s'adapter aux défis et exigences d'un monde qui change.
Mady Delvaux~Stehres
Ministre de l'Éducation nationale et de la Formation professionnelle