Des nominations étatiques pour les instituteurs et institutrices du préscolaire et du primaire ?

12.09.2003

Alors que les discussions autour de la réforme de la loi scolaire de 1912 ne semblent plus avancer, un point précis de ce texte semble préoccuper un certain nombre de nos députés-maires. Il s'agit de la répartition des frais de rémunération des instituteurs qui est actuellement de 2/3 à charge de l'Etat et de 1/3 à charge des communes. Une partie des membres de la Commission des Affaires Intérieures de la Chambre des Députés souhaitait que la rémunération et la nomination des instituteurs et institutrices soient entièrement assurées par l'Etat. Ils voulaient dès lors savoir si les syndicats des enseignants étaient en faveur d'une nomination étatique. En date du 15 juillet 2003, cette Commission a reçu le SEW/OGBL afin de connaître son point de vue sur la répartition des compétences et des responsabilités entre l'Etat et les communes.

Pesons le pour et le contre !
Une telle proposition peut sembler tentante à première vue: cela ouvrirait éventuellement la voie à un système de permutation au niveau de tout le pays ce qui faciliterait les migrations. Il est vrai qu'après un certain nombre d'années de service, le fait d'opter pour un poste dans une autre commune revient à renoncer à certains avantages acquis grâce à l'ancienneté. Avec des permutations nationales basées principalement sur une ancienneté nationale, cet inconvénient serait supprimé. Encore faudrait-il que nous obtenions un règlement de permutation fondé sur des critères transparents de même que la publication de tous les postes vacants. Une permutation qui éviterait les démarches souvent assez pénibles auprès des différents conseillers communaux, en accordant un poste d'office au candidat le plus méritant, serait évidemment la bienvenue parmi les instituteurs.

Mais attention à la création des postes! Avec une nomination étatique, les instituteurs et institutrices tomberont sous la coupe des planifications de postes auprès de l'Etat. Aujourd'hui, c'est au niveau des communes à travers l'élaboration des organisations scolaires que sont déterminés les postes à créer, et ces créations sont normalement approuvées par le ministre. Si demain c'est l'Etat qui nomme les instituteurs et qui les affecte aux différentes communes, ne déterminera-t-il pas automatiquement le contingent de postes à attribuer à chaque commune? Ne risque-t-on pas une organisation scolaire nationale faite avec la calculette dans les bureaux de la rue Aldringen?

Ainsi une part importante de l'organisation scolaire pourrait échapper aux communes qui ne seraient en charge que de la mise à disposition des infrastructures. Quelles possibilités aurons-nous alors en tant qu'instituteurs et institutrices pour intervenir sur la création de postes ? On peut certes critiquer l'esprit quelque peu borné de certains élus locaux qui ont du mal à se laisser convaincre par des arguments d'ordre pédagogique, mais sont-ils pires que des bureaucrates chargés de gérer les coûts de l'Education nationale par les temps qui courent ?

Centralisation ou décentralisation ?
D'aucuns vont dire que cette gestion centralisée sera plus juste et offrira enfin une offre scolaire comparable à tous les élèves du pays. Il est vrai qu'actuellement l'organisation des écoles et les effectifs des classes sont assez disparates d'une commune à l'autre et qu'il y a des élèves qui sont mieux lotis que d'autres. Ceci est un fait qui nous préoccupe beaucoup, car nous estimons qu'il faut tout faire pour garantir l'égalité des chances. Nous sommes toujours ouverts pour aider les collègues qui revendiquent de meilleures conditions pour les écoles au niveau de leur commune. Chaque année, il y a de nouveaux comités de cogestion qui se créent pour que les instituteurs soient entendus au niveau communal. Ce n'est pas toujours facile et certains élus communaux comprennent mieux les besoins de l'école que d'autres, mais qui peut nous garantir que nos interlocuteurs étatiques plus éloignés de la réalité sur le terrain, des instituteurs et des parents d'élèves concernés soient plus attentifs à nos revendications ?

Le transfert de l'enseignement complémentaire, jadis sous responsabilité communale, vers le régime préparatoire de l'enseignement secondaire technique et donc sous la responsabilité de l'Etat, ne nous a-t-il pas montré, qu'une administration étatique pouvait présenter des désavantages au niveau des effectifs des classes et des infrastructures scolaires ?

Quelles seront les implications sur la gestion de nos écoles ?
Avant d'encourager les communes de se défaire d'une partie importante de leurs dépenses en relation avec l'école, il faudra discuter sérieusement des conséquences d'un tel geste. A un moment où l'on constate enfin une lente résorption de la pénurie en instituteurs et institutrices, n'est-ce pas là une nouvelle trouvaille pour éviter que les communes soient enfin à même de recruter des instituteurs et institutrices en nombre suffisant ? Que peut signifier ce transfert de responsabilités vers l'Etat, à un moment où partout la décentralisation est à l'ordre du jour ? Ne s'agit-il pas de centraliser les ressources pour les faire parvenir au compte-gouttes, alors que sur le terrain les différents acteurs seront exhortés à se débrouiller avec une pénurie créée artificiellement ?

Il s'agit d'un dossier très complexe dont il faudra considérer toutes les facettes. Il est en étroite relation avec les structures de cogestion dont nous revendiquons la généralisation à travers la nouvelle loi scolaire. Il est clair que le SEW/OGBL serait en faveur d'un système de nominations nationales basées sur les critères actuellement en vigueur (diplôme, note d'inspection et ancienneté), s'il avait par ailleurs la garantie que les postes continueraient à être créés à travers l'élaboration des organisations scolaires dans les communes. L'autonomie communale n'a certes pas que des avantages, voilà pourquoi nous plaidons toujours en faveur d'une autonomie contrôlée, évoluant dans un cadre garantissant le respect d'un certain nombre de critères de qualité pour les écoles. Par ailleurs une autonomie communale bien comprise permet une meilleure implication de tous les concernés dans l'élaboration des organisations scolaires.
Un nouveau partage des compétences et des responsabilités entre l'Etat et les communes doit être analysé dans toutes ses implications possibles, nous sommes d'avis qu'un débat démocratique s'impose. Avant de se prononcer en faveur de l'une ou de l'autre option, il faudra bien en connaître tous les tenants et aboutissements. Voilà encore bien des discussions en perspective.

Monique Adam