Les enseignants en boucs émissaires ?
Alors qu'à la FGIL nous comptons parmi celles et ceux qui n'ignorent que l'école de demain ne pourra être celle d'hier et que des réformes en profondeur sont indispensables pour améliorer la qualité de l'enseignement sur le difficile chemin d'une plus grande égalité des chances, nous pensions jusqu'à présent que cette voie des réformes ne pouvait être autrement empruntée que dans un climat de dialogue et de confiance entre les principaux intéressés et notamment entre notre ministre de tutelle et les enseignants. Nos avis SEW/FGIL circonstanciés, nos conclusions constructives tirées à l'issue par exemple de nos deux journées spéciales consacrées à la nouvelle loi scolaire sont là pour démontrer notre bonne volonté et notre approche constructive.
Nous n'avons pas oublié que malgré cette attitude responsable nous reçûmes une première douche froide avec la réduction précipitée des devoirs à domicile décrétée du haut de la rue Aldringen et en l'absence de toute consultation avec les enseignants et leurs représentants.
Le récent coup bas d'une redoutable envergure annoncé à l'encontre des conditions de travail des enseignants du post primaire vient de transformer cette douche froide en véritable douche écossaise. Les réactions de l'intersyndicale SEW/FEDUSE/APESS à laquelle la FGIL exprime d'ailleurs sa pleine solidarité et au sein de laquelle nous soutenons tout particulièrement nos représentants du SEW ne se sont pas fait attendre et risquent dans les prochaines semaines d'envenimer pour de bon le climat dans nos écoles.
Qu'il me soit permis, dans la tourmente actuelle où la ministre a réussi à provoquer l'indignation de tous les enseignants, de rappeler d'où le coup est parti: Ce fut le 10 octobre 2005 lorsque notre Premier ministre proclama dans sa déclaration de politique générale que le « le gouvernement entend également discuter avec les syndicats des enseignants de mesures d'économies potentielles en relation avec les tâches des enseignants », allant en cela plus loin que l'accord de coalition qui, nuance de taille, ne retenait que « la redéfinition essentiellement qualitative de la tâche des enseignants ».
La ministre de l'éducation nationale étant comme tout autre ministre sinon l'absolue défenderesse du moins la raisonnable protectrice de ses fonctionnaires, eût été bien avisée de se poser dans un premier réflexe de stratégie politique la question essentielle :
« Pourquoi moi, pourquoi mon ministère ? ", réflexe qui l'aurait implacablement incitée à jeter un regard attentif sur les ministères gérés par le partenaire de la coalition autrement plus fort et plus habitué à la routine gouvernementale dans la durée.
Or, de ce côté-là: rien! Dans les ministères gérés à la sauce PCS on ne peut déceler la moindre trace de mesure catégorielle pénalisant le personnel y affecté et nous voudrions d'ailleurs souligner qu'il en est bien ainsi.
Nous sommes donc en face de mesures draconiennes d'austérité brandies à l'encontre d'une seule catégorie de salariés, démarche entachée dès le début d'un singulier goût d'injustice et de populisme.
Une deuxième réflexion non moins essentielle que notre ministre de l'éducation nationale devrait mener porte sur la stratégie pédagogique nécessaire à la poursuite de la rénovation du système scolaire et dans ce domaine il ne faut absolument pas qu'elle se trompe d'alliés :
En bousculant manifestement les intérêts des enseignants du post primaire, institutrices et instituteurs du régime préparatoire de l'EST compris, en semant le doute parmi les collègues du primaire et du préscolaire qui au vu de l'argumentaire ministériel ne se sentent plus à l'abri de mesures tout aussi discriminatoires, les relais au sein du monde enseignant indispensables à la mise en œuvre des réformes feront cruellement défaut.
A la FGIL, nous ne pouvons évidemment souhaiter que s'établisse un tel scénario-catastrophe à tous les égards préjudiciable aux intérêts de l'école publique. Un affront ne pouvant jamais servir de base de discussion, nous invitons instamment notre ministre à soumettre à une remédiation approfondie la partie quantitative de ses propositions et à retourner dans un esprit serein et ouvert à la table de négociation.
Côté « qualitatif », deuxième volet des mesures annoncées, nous demandons à la ministre de l'éducation nationale de reconnaître qu'au cours de ces dernières années la redéfinition qualitative de notre tâche avec notamment un accroissement considérable de nos missions éducatives et sociales est bel et bien devenue réalité à tous les niveaux de l'enseignement. Même si des améliorations sont ça et là encore envisageables et partant négociables, il convient de ne pas outrepasser les limites en mêlant les professions et en nous faisant porter simultanément et avec une égale aisance le chapeau d'enseignant, d'éducateur, d'animateur, de médiateur, d'assistant social et de psychothérapeute pour jeunes et familles.
Que nos gouvernants sachent finalement que nous ne pouvons admettre qu'au moment où les recettes fiscales recommencent à enfler, où les prévisions d'accroissement économique sont revues à la hausse et où les entreprises distribuent à leurs actionnaires de faramineux dividendes, notre ministre de tutelle consente à faire des seuls enseignants les boucs émissaires de la politique budgétaire passablement farfelue de ces dernières années.
président de la FGIL