Proposition de la nouvelle grille horaire de la division supérieure de l'enseignement secondaire

27.08.2003

Avis du SEW/OGBL

Le SEW tient à rappeler que, dans son avis du 4 décembre 2000 sur les « mesures de restructuration de la division supérieure de l'enseignement secondaire », il s'était prononcé en faveur du principe d'une restructuration. Il avait néanmoins demandé au MENFPS si une évaluation interne de la qualité de notre enseignement telle qu'elle s'est faite dans la plupart des pays européens et telle qu'elle a été préconisée par le comité syndical européen de l'Education (C.S.E.E.) a précédé l'élaboration des mesures de restructuration. Or il apparaît par les silences du MENFPS que cette analyse préliminaire n'a pas eu lieu. D'ailleurs les responsables du MENFPS n'ont même pas daigné répondre aux demandes d'entrevues formulées par certaines commissions nationales qui souhaitaient leur faire part de leurs suggestions; il n'y eut même pas d'accusés de réception ! Drôle de façon de procéder pour un Ministère qui se veut ouvert au dialogue !
Avant d'entamer ce travail de réforme qui est censé engager des générations d'élèves luxembourgeois et donner une nouvelle orientation à l'enseignement secondaire, il aurait fallu réfléchir en concertation avec tous les partenaires scolaires sur les besoins de l'enseignement secondaire et sur les moyens de les atteindre. Faute de cette réflexion approfondie - qui d'ailleurs s'est faite au sein de notre syndicat - une réforme ne saurait guère prendre en compte l'ensemble des problèmes fondamentaux qui se posent à l'heure actuelle dans l'E.S. et trouver les réponses adéquates .
Ainsi les auteurs de la réforme font accompagner cette proposition de nouvelle grille horaire d'une note explicative, plus que succincte, de deux pages à peine. Pas un seul mot ne nous renseigne sur les objectifs visés; aucune des propositions n'est motivée ni justifiée de quelle que manière que ce soit. Le SEW ne peut qu'en déduire que cette proposition de réforme n'est pas le résultat d'une réflexion sur les options futures de notre enseignement; il a l'impression qu'il s'agit ici d'un travail de comptabilité fait à la va-vite, en vase clos dans l'enceinte bien fermée du Ministère, sans concept pédagogique visible .

Notons encore que la proposition en question manque de rigueur: s'il s'agit de définir une nouvelle grille horaire, la proposition se prononce aussi sur le contenu de certains cours - ce qui devrait relever des seules commissions nationales -, sur les méthodes d'enseignement telle l'intégration des techniques de l'information et de la communication ou encore sur les coefficients dont sont affectées l'instruction religieuse ou la formation morale et sociale, mesures qui dépassent le cadre de cette réforme-ci. Bref, on dirait un fourre-tout où se retrouvent pêle-mêle des idées et mesures rassemblées au hasard.

Quant à la structure elle-même, le SEW approuve l'idée de retarder la spécialisation d'une année, la classe de 4e devenant ainsi une année de consolidation et d'orientation.

Il s'exprime aussi en faveur de la nouvelle dénomination de l'ancienne section A2 en section G. Cette section devrait ainsi acquérir l'autonomie qui lui faisait défaut jusqu'à présent.




D'après les commentaires de Madame le Ministre reçus par voie de presse, la nouvelle grille viserait une spécialisation plus systématique et rigoureuse dès la classe de 3e.
Si le SEW ne saurait qu'adhérer à cet objectif, il ne peut néanmoins souscrire au détail de la proposition.

Les sciences humaines - langues, histoire, éducation artistique et musicale... - sont les grands perdants de cette réforme. Or, dans ses discours officiels, Madame le Ministre ne cesse de vanter l'importance primordiale d'une solide formation de base.
Alors que l'on parle de consolidation de la matière en classe de 4e, comment peut-on alors rayer d'un seul trait de plume les cours renforcés en langues tant en 4e qu'en 3e, cours qui donnaient une réelle chance aux élèves moins forts en langues de remédier à certaines déficiences. N'oublions pas que plus de la moitié des élèves de nos lycées profitaient de cette possibilité de réviser et de consolider la matière enseignée. Plutôt que d'abolir ces cours renforcés, il aurait fallu les réaménager tant au niveau des contenus que des méthodes.

Donner aux élèves des classes de 2e B et C la possibilité de choisir 2 des 3 langues vivantes enseignées, nous semble une entreprise bien hasardeuse. C'est dans les classes supérieures seulement que la langue, une fois consolidée, devient un réel outil de communication à l'écrit et à l'oral. Et déjà maintenant enseignants et patrons se plaignent que nos bacheliers aient trop souvent du mal à formuler clairement et correctement leurs idées. Cette mesure ne fera qu'aggraver ces déficiences, l'élève n'optant certainement pas pour la langue où ses lacunes sont les plus graves.
Le SEW aurait préféré que les trois langues vivantes fassent partie du programme obligatoire du moins jusqu'à la fin de la classe de 2e, mais qu'elles soient enseignées avec des contenus et des méthodes différents. Dans un contexte d'interdisciplinarité, un enseignement différencié des langues selon les sections soulignerait et renforcerait la spécialisation .

Le SEW comprend mal pourquoi l'enseignement des médias soit intégré dans le seul cours de français en classe de 4e. Quels médias sont visés ? Une approche de la presse écrite, parlée et télévisée devra certes se faire en salle de classe. Or, nous redoutons que sous la dénomination « Médias » se cachent Internet et co., encore un slogan à la mode ! Nous aurions préféré que les médias soient intégrés dans tous les cours de langues voire dans d'autres branches, qu'ils impliquent activement l'élève dans un enseignement interdisciplinaire ouvert sur la pratique.

Pour ce qui est de l'histoire, de l'éducation artistique et de l'éducation musicale, le SEW regrette que la proposition de réforme revienne tout simplement à la grille horaire d'avant la précédente réforme.
Alors que dans les pays voisins, on accorde à nouveau une plus grande importance à l'histoire, branche à culture générale par excellence qui fournit les connaissances fondamentales sur le passé indispensables à mieux comprendre le présent. Dans une perspective d'interdisciplinarité, on aurait pu proposer des cours légèrement différenciés selon les sections.
Point n'est besoin d'insister que dans la société de loisirs qu'est la nôtre, les arts revêtent une importance de plus en plus grande, meublent de façon intelligente une partie de notre temps libre et contribuent ainsi à l'épanouissement de la personne humaine.
Pourquoi alors réduire à un minimum incongru ces branches à culture générale? Pourquoi ne pas faire preuve d'un esprit innovateur et proposer un enseignement interdisciplinaire entre ces branches, obligatoire pour tous les élèves des classes supérieures.

Le SEW est choqué de lire que les auteurs entendent intégrer l'instruction civique dans le cours d'histoire. Du même coup, la commission nationale pour les programmes de l'instruction civique va disparaître. Dépourvue d'une commission nationale autonome, l'instruction civique, branche essentielle pour la formation des jeunes citoyens, est condamnée à la mort certaine, à court ou à moyen terme. Or beaucoup d'efforts et d'investissements ont été faits ces dernières années pour donner un réel contenu à cette branche restée trop longtemps le parent pauvre de l'enseignement secondaire (élaboration d'un manuel et d'un CD-ROM interactif, formation initiale et continue des enseignants. Dans une Europe unie élargie, il est indispensable de connaître les mécanismes de plus en plus complexes du jeu politique et de la vie en société. Pourquoi alors dévaloriser cette branche pour des raisons occultes, alors que les pays avoisinants se sont rendu compte que l'éducation civique est le meilleur rempart à la xénophobie et au racisme. Cette branche doit rester une branche autonome à coefficient 2; sa place dans l'enseignement doit être revalorisée.

Pour ce qui est des méthodes de travail, le SEW ne voit pas l'utilité de vouloir intégrer systématiquement les techniques de l'information et de la communication dans tous les cours.
Au titulaire de choisir parmi la panoplie de méthodes et des outils pédagogiques offerts les plus adaptés à son cours. Privilégier les TIC en les rendant obligatoires ne répond à aucun précepte pédagogique et semble relever d'un modernisme mal compris.

Le SEW rappelle que dans sa prise de position du 4 décembre 2000 il était d'avis que les options en classe de 3 et de 2e devraient prioritairement viser l'élaboration de projets éducatifs interdisciplinaires définis en fonction de la spécialisation de la classe. A l'heure actuelle, il est bien connu que les élèves optent le plus souvent pour le moindre effort. Nous doutons fort que l'attribution d'un coefficient aux cours à option change quoi que ce soit à cette tendance vers la facilité. Les auteurs de la réforme ont manqué une chance d'innover en la matière et d'ouvrir par des projets éducatifs l'enseignement au monde extérieur.

Dans le même contexte, le SEW se demande si l'instruction religieuse respectivement l'éducation morale et sociale, enseignées à titre d'option, seront également affectées du coefficient deux.

En guise de conclusion, le SEW est d'avis que cette proposition de réforme ne répond nullement aux ambitions de Madame le Ministre de l'Education Nationale de vouloir se lancer dans une « offensive pédagogique ». Rien ne témoigne de cette guerre d'attaque lancée contre les nombreuses déficiences de l'E.S. Bien au contraire ! Cette réforme est timide, rétrograde, sans aucune vision, c'est un travail d'épicier qui n'ose s'aventurer hors des sentiers battus pour privilégier par exemple une vue plus globale de l'enseignement pire…., par son autoritarisme, elle étouffe toute volonté d'innovation pédagogique et empêchera notre enseignement de s'adapter aux nouvelles exigences d'une société en pleine mutation.

Luxembourg, le 29 mai 2001