Un malaise grandissant

03.10.2007

Le fossé entre les projets du MENPF et le vécu des enseignants sur le terrain est à nouveau en train de se creuser. C'est très dommageable pour l'école, mais ce n'est malheureusement pas la première fois que nous en faisons l'expérience.

Le nouveau projet sur l'enseignement fondamental était pourtant très attendu par les enseignants du primaire. Beaucoup d'instituteurs et d'institutrices sont conscients que le travail en équipes pédagogiques et multidisciplinaires est absolument nécessaire, ils sont également prêts à suivre les progrès d'apprentissage de leurs élèves sur une période de plusieurs années pour respecter les rythmes différents d'un enfant à l'autre. Nombreux étaient ceux qui avaient même espéré que les socles de compétences allaient permettre de donner une description concrète des compétences indispensables en fin de cycle. Il se sont investis dans des réunions et des groupes de travail. Et puis, très important, il a été possible de convaincre Madame la ministre que les comités de cogestion nés spontanément sur le terrain étaient le meilleur garant d'une gestion efficace des écoles.

Nous voilà consternés de constater dans le projet de loi déposé, que la bureaucratisation est sur le point de tout remettre en question. Le travail en équipe doit être animé par un coordinateur de cycle, dont les missions sont encore à définir par règlement grand-ducal; le suivi des élèves se fera à travers un portfolio dont l'envergure est encore incertaine; les comités sont instrumentalisés par la hiérarchie et l'étatisation risque d'étouffer dans l'œuf les propositions issues des structures participatives sur le terrain.

De même avions-nous pensé que le prolongement successif de la durée des études des instituteurs et institutrices, ainsi que les multiples missions, dont ils ont été chargés au fil des ans et que le projet de loi ne fait qu'entériner, aurait rendu inévitable le reclassement de leur fonction dans la carrière supérieure. Or, il n'en est rien. Et c'est ressenti à la base comme un affront.

Les choses ne se présentent pas mieux dans l'enseignement secondaire et secondaire technique.

L'instruction ministérielle transmise aux directions des lycées et lycées techniques en application du règlement sur la tâche des enseignants du postprimaire viole en certains points l'esprit et la lettre de l'accord négocié avec les syndicats et risque d'envenimer à nouveau les relations.

Quant au recrutement d'enseignants, le MENFP et le gouvernement ont refusé de suivre les recommandations du rapport de planification de juillet 2007 plaidant pour une augmentation du nombre des admissions au stage pédagogique. Au lieu de cela, un projet de loi institutionnalisant l'embauche régulière de chargés de cours dans le futur vient d'être déposé. Le gouvernement mise donc carrément sur l'engagement de nouveaux chargés de cours pour couvrir les besoins en personnel enseignant dans le postprimaire.

La réforme de l'enseignement des langues ressemble à un dialogue de sourds, où les responsables du MENFP claironnent leurs projets à un niveau théorique situé à mille lieues de la surface de la terre, face à des enseignants qui s'attendent à être aidés dans la mise en œuvre concrète - et qui ne voient rien venir.

Le projet de loi portant réforme de la formation professionnelle, qui a grandi dans le jardin des chambres professionnelles, augmente - sans contrepartie - l'influence des entreprises au sein de l'école publique, dévalue le diplôme de technicien et refait du CATP/DAP le diplôme de référence de l'EST. Il considère les enseignants comme de simples exécutants et les écarte de tous les organes de décision du système de formation professionnelle. Tous ces événements, toute cette évolution font que celles et ceux qui suivent de près les agissements du MENFP, avec en première ligne les enseignants qui se sont engagés des années durant pour une amélioration de la qualité de l'enseignement, ressentent un malaise grandissant face à leur ministère.

Tantôt ils se rendent compte que certains responsables du MENFP, convaincus d'être des experts manquent du savoir-faire opérationnel le plus élémentaire. Tantôt ils constatent que des engagements pris auparavant par le MENFP et qui les avaient convaincus à s'embarquer dans des projets difficiles, sont trahis - de préférence à la fin du mois de juillet, à une époque où toute réaction devient impossible - et que les efforts qu'ils ont accomplis auparavant sont réduits à néant.

Tantôt ils perçoivent le trou béant entre les propos enjoliveurs des responsables de leur ministère et la réalité devant des classes surpeuplées ou manquant d'équipements.

Cela les contrarie.
Cela brise leur motivation.
Cela nuit gravement à la santé de l'école publique.

Madame la ministre, il est temps de redresser la barre !

Monique Adam
Guy Foetz