Passage primaire postprimaire

29.04.2008

Les représentants des syndicats du primaire,
du secondaire, les collèges des directeurs et
des inspecteurs ainsi que la FAPEEP avaient été
contactés par Mme Delvaux au début de l'année
scolaire 2006/2007 afin d'entamer une réforme de la
procédure d'orientation du passage primaire postprimaire.

A cette occasion, le SEW avait à nouveau soumis ses
propositions. Faute de collaboration du collège des
directeurs des lycées, le règlement grand-ducal n'a pas
pu être modifié pour entrer en vigueur pour l'année
scolaire en cours. Or, depuis le sujet ne semble plus
d'actualité pour le ministère. Ainsi la procédure, sujette
à de nombreuses critiques de la part des parents et des
enseignants, reste toujours en application.

Avant de fournir notre avis sur l'orientation, il est
certainement utile de rappeler que le SEW demande
toujours le tronc commun. Une sélection des enfants
à l'âge de douze ans, déterminant l'ordre d'enseignement
à intégrer et ainsi toute la carrière scolaire de
l'enfant n'est pas opportun. Et il s'agit bien d'une sélection,
mal dissimulée derrière la formulation de «procédure
d'orientation». Faire une sélection à ce moment
de la progression scolaire est une mesure antisociale,
au désavantage surtout des enfants qui au début de leur
scolarisation ne peuvent suivre le rythme imposé par le
plan d'études et n'arrivent pas à rattraper ce retard au
cours des 6 années primaires. En effet, si la nouvelle
loi scolaire prévoit de faire avancer les enfants à leur
propre allure selon leurs facultés, cette sélection arrivera
à un moment très inopportun. Sachant qu'il s'agit
surtout d'enfants venant de couches sociales défavorisées
qui progressent à un rythme moins rapide, la
corrélation de notre système scolaire entre l'origine
socio-économique et le succès scolaire s'intensifierait
davantage. Une sélection après le 4ième cycle (6e année
d'études) est tout à fait contraire à une approche par
compétences et une évaluation formative.

Rappelons quand même que la loi du 23 avril 1979
portant création d'un premier cycle intégré de l'enseignement
postprimaire (tronc commun) est toujours
en vigueur. Une discussion sur la mise en place du
tronc commun ne doit plus rester un sujet tabou. Toute
réforme à moyen terme de l'orientation doit se situer
dans le cadre d'une réforme globale.

Un groupe de travail du comité primaire s'est réuni
pour élaborer une nouvelle proposition de réforme de
la procédure d'orientation. Après délibération
les membres du groupe sont partis des constatations
suivantes:

La procédure est fortement critiquée par les parents.
L'enseignant du primaire est le seul interlocuteur des
parents. La commission d'orientation siège à huis
clos et les membres ne sont pas identifiables pour les
parents. Les enseignants du primaire ont même reçu
l'instruction de ne plus se prononcer devant les parents
avant la délibération de la commission. Les parents
se retrouvent avec un sentiment d'impuissance à la
merci d'une commission secrète sans la possibilité de
«plaider leur cause. ».

Les enseignants du primaire eux aussi se trouvent entre
l'enclume et le marteau. N'ayant pas le droit de trouver
un accord avec les parents pour le choix de l'ordre
d'enseignement, leur autorité devant les parents est
encore diminuée

On constate d'ailleurs un retrait des enseignants
chevronnés des classes du degré supérieur, dû à une
procédure trop pénible. De plus en pus de néophytes
font leurs premiers pas comme titulaires de ces
classes.

L'objectif d'une collaboration entre les enseignants
du primaire et les enseignants des cycles inférieurs
du secondaire et du secondaire technique n'a pas été
atteint. Il est de plus en plus difficile de recruter des
enseignants du secondaire et du secondaire technique
pour les commissions d'orientation. Souvent l'échange
des enseignants se résume au strict minimum et dans
certains cas isolés, des professeurs ont refusé des
réunions de concertation avec les instituteurs avant les
délibérations dans la commission. Il est d'ailleurs difficile
de se prononcer quant au sort des élèves qu'on
n'a jamais vu évoluer, ne se basant que sur quelques
travaux d'un petit portfolio et des résultats des épreuves
standardisées.
N'étant pas en mesure d'évaluer les compétences des
élèves, les membres de la commission d'orientation
ont tendance de se baser davantage sur les résultats
des épreuves standardisées. Ces épreuves, prévues au
début pour fournir des informations supplémentaires
sur les compétences et savoirs des élèves, risquent de
remplacer l'examen d'admission. Aux yeux des élèves
et des parents, les épreuves standardisées se voient
attribuer une importance qui ne doit pas leur revenir.

La distribution des épreuves standardisées, carac
térisée par une méfiance vis-à-vis de l'intégrité des
enseignants fait preuve de l'importance que même le
ministère accorde à ses épreuves.

Or ces épreuves n'évaluent pas les compétences des
élèves, mais constituent surtout un échantillon d'items
qui sont plus ou moins standardisés. Comme ces
épreuves ne peuvent par définition mesurer qu'une
toute infime partie des compétences et des facultés
d'un enfant et ceci surtout dans le but de le comparer
à ses condisciples, elles ne peuvent être qu'un petit
indicateur supplémentaire pour l'orientation.

En attribuant une trop grande importance à ces épreuves,
le ministère risque de contribuer à un appauvrissement
de la diversité de l'enseignement. Les enseignants se
verront contraints, à la demande des parents, de se
focaliser sur les exigences des épreuves pour ne pas
compromettre les «chances» de leurs élèves.

Le système ne tardera pas à faire naître une «industrie»
générant des épreuves standardisées et le ministère
risquera même de perdre une partie de son contrôle
sur les objectifs de l'enseignement qui seront désormais
fixées par les auteurs des épreuves.

Le SEW exige de remettre les épreuves standardisées,
si elles ne peuvent être abolies dans son contexte et
de passer clairement le message qu'elles ne représentent
qu'un élément supplémentaire de la procédure
d'orientation. Et il faudrait en tout cas repenser l'envergure
des épreuves. Les épreuves standardisées sont
à reculer dans le troisième trimestre. Elles perturbent
le travail en classe du deuxième trimestre pendant des
semaines et comme elles sont souvent considérées
comme des examens par les élèves et les parents, les
élèves ont tendance à négliger leurs efforts au troisième
trimestre.

La collaboration entre les enseignants du primaire et
du secondaire, qui représentait au début un élément
clé de la procédure d'orientation semble se dégrader
d'année en année. Il y a un sentiment de frustration
chez les enseignants du secondaire qui se sentent mal
à l'aise dans le rôle qui leur est attribué dans la procédure.
Ils manquent tout simplement d'informations sur
les élèves pour émettre un avis qualifié. Il s'avère donc
de plus en plus difficile dans certains lycées de trouver
des professeurs prêts à assumer leur mission dans les
conseils d'orientation. Ceci à l'image des instituteurs
chevronnés qui désertent les 6e années d'études.

Par conséquence il est urgent de réformer la procédure
d'orientation. Voici les propositions émanant du
groupe de travail du SEW:
  • Renforcer la collaboration entre les enseignants
    du primaire et du secondaire. Il est prépondérant
    d'établir une culture d'échange entre le primaire
    et le secondaire. Pour avoir une chance de réussite,
    toute réforme pédagogique dans le primaire
    doit avoir des conséquences dans le secondaire.
  • Abolir les épreuves standardisées ou diminuer
    fortement leur influence et les reculer à la fin du
    troisième trimestre (mais attention: si leur influence
    n'est pas relativisée à sa juste valeur, elles risquent
    encore plus de devenir un examen d'admission!)
  • Donner plus de responsabilité aux instituteurs. Il est
    inconcevable qu'une directive du ministère exige
    des instituteurs de ne pas se prononcer devant les
    parents avant les délibérations du conseil d'orientation.
  • Laisser le choix aux parents. Après une série de
    concertations et une information détaillée sur les
    compétences de leurs enfants, les parents sont
    capables d'assumer la responsabilité du choix de
    l'ordre d'enseignement.


Patrick Arendt