Uni.lu va-t-elle virer à droite ? (article tiré de forum) (Journal 4/2009)
forum avait été le seul journal à relater le comportement autocratique du président du Conseil de gouvernance (CG) de l'Université du Luxembourg. Entre-temps le rapport d'évaluation commandité par le gouvernement a confirmé les critiques qui circulent au sein de l'université à l'adresse du CG qui s'ingère de façon indue dans la gestion journalière de l'université au lieu de se concentrer sur ses grandes orientations stratégiques. Le rapport lui recommande également de chercher le dialogue avec toutes les instances universitaires, alors que le CG présidé par Monsieur Raymond Kirsch, ancien PDG de la Banque et Caisse d'Épargne de l'État, a toujours refusé de parler à personne d'autre que le recteur seul, refusant même à celui-ci de se faire accompagner par le ou la responsable d'un dossier précis. Ce rapport d'évaluation a été salué le 12 mars 2009 devant la presse par le ministre de l'Enseignement supérieur François Biltgen qui y voit la preuve que l'université a fait « un grand pas vers plus de qualité et son mode de gouvernance se trouve confirmé ».
Or, il faut savoir que le comité d'experts internationaux qui a procédé à l'évaluation externe et rédigé le rapport critique était présidé par le professeur Pall Skulason, ancien recteur de l'Université d'Islande et membre du CG ! Dans ces conditions, il ne faut pas s'étonner que huit jours plus tôt Monsieur Skulason a été relevé de ses fonctions ! Au CG ne siège désormais plus aucun représentant des sciences humaines alors que la Faculté des Lettres, Sciences humaines, Arts et Sciences de l'éducation est la faculté qui draine le plus grand nombre d'étudiants et dont la recherche est manifestement la plus dynamique et la mieux en phase avec les besoins de la société luxembourgeoise. Le 6 mars 2009, le Conseil de gouvernement a en effet procédé au renouvellement quinquennal du CG et a remplacé M. Skulason et M. Mengozzi par Messieurs Danilo Zavrtanik et Maurice Quénet.
Cette dernière nomination est hautement significative: Maurice Quénet, âgé de 67 ans, est ancien recteur et chancelier des universités de l'Académie de Paris (déc. 2002-déc. 2008). En mars 2006, c'est lui qui, de concert avec le ministre de l'Intérieur de l'époque, un certain Nicolas Sarkozy, a fait intervenir en pleine nuit les CRS pour déloger les étudiants qui occupaient la Sorbonne que le recteur avait fait fermer. Ancien professeur d'histoire du droit à l'université de Paris II (Panthéon-Assas), connue pour son orientation à droite, a aussi été conseiller auprès de Xavier Darcos, ministre fort contesté de l'Enseignement scolaire. Et jadis M. Quénet a été secrétaire du Club de l'Horloge, qui regroupe des cadres, des hauts fonctionnaires, des intellectuels, des hommes politiques et des universitaires français de droite et d'extrême-droite et qui prônait une « union de la droite » qui ferait entrer le Front national au gouvernement. Ces informations seraient-elles l'explication pourquoi la nomination du nouveau CG n'a pas figuré au résumé des travaux du conseil de gouvernement diffusé par le Service information et presse ?
En tout cas, les universitaires de Luxembourg savent à quoi s'attendre. Un homme averti en vaut deux.
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(Source: forum 285, avril 2009, p. 52)