Proposition de nouvelle grille horaire
Proposition de nouvelle grille horaire de la division supérieure de l'enseignement secondaire - Avis du SEW/OGBL
Le SEW tient à rappeler que, dans son avis du 4 décembre 2000 sur les « mesures de restructuration de la division supérieure de l'enseignement secondaire », il s'était prononcé en faveur du principe d'une restructuration. Il avait néanmoins demandé au MENFPS si une évaluation interne de la qualité de notre enseignement telle qu'elle s'est faite dans la plupart des pays européens et telle qu'elle a été préconisée par le comité syndical européen de l'Education (C.S.E.E.) a précédé l'élaboration des mesures de restructuration. Or il est regrettable que cette analyse préliminaire n'ait pas eu lieu; il est tout aussi regrettable que les responsables du MENFPS n'aient même pas daigné répondre aux demandes d'entrevues formulées par certaines commissions nationales qui souhaitaient leur faire part de leurs suggestions.
Avant d'entamer ce travail de réforme qui est censé engager des générations d'élèves luxembourgeois et donner une nouvelle orientation à l'enseignement secondaire, il aurait fallu réfléchir en concertation avec tous les partenaires scolaires sur les besoins de l'enseignement secondaire et sur les moyens de les atteindre. Faute de cette réflexion approfondie - qui d'ailleurs s'est faite au sein de notre syndicat - une réforme ne saurait guère prendre en compte l'ensemble des problèmes fondamentaux qui se posent à l'heure actuelle dans l'E.S. et trouver les réponses adéquates .
Les auteurs de la réforme font accompagner cette proposition de nouvelle grille horaire d'une note explicative, plus que sommaire, de deux pages à peine. Pas un seul mot ne nous renseigne sur les objectifs visés; aucune des propositions n'est motivée ni justifiée de quelle que manière que ce soit. Le SEW ne peut qu'en déduire que cette proposition de réforme n'est pas le résultat d'une réflexion sur les options futures de notre enseignement; il a l'impression qu'il s'agit ici d'un travail de comptabilité fait à la va-vite, en vase clos dans l'enceinte bien fermée du Ministère, sans concept pédagogique visible .
Notons encore que la proposition en question manque de rigueur: s'il s'agit de définir une nouvelle grille horaire, la proposition se prononce aussi sur le contenu de certains cours - ce qui devrait relever des seules commissions nationales -, sur les méthodes d'enseignement telle l'intégration des techniques de l'information et de la communication ou encore sur les coefficients dont sont affectées l'instruction religieuse ou la formation morale et sociale, mesures qui dépassent le cadre de cette réforme-ci. Bref, on dirait un fourre-tout où se retrouvent pêle-mêle des idées et mesures rassemblées au hasard.
Le SEW approuve le principe-même de la nouvelle grille horaire qui consiste à retarder la spécialisation d'une année pour faire de la classe de 4e une année de consolidation et d'orientation et à viser une spécialisation plus poussée et plus rigoureuse à partir de la classe de 3e. D'après les étudiants de première année d'université, les déficiences et les retards dans les disciplines scientifiques, surtout, sont importants.
Le SEW s'exprime aussi en faveur de la nouvelle dénomination de l'ancienne section A2 en section G. Cette section devrait ainsi acquérir l'autonomie qui lui faisait défaut jusqu'à présent.
Néanmoins, le SEW ne saurait souscrire au détail de la refonte de la grille horaire :
Le SEW s'étant toujours prononcé pour la suppression pure et simple de tout enseignement religieux dans l'école publiqueluxembourgeoise, il s'oppose vigoureusement au projet d'attribuer un coefficient au cours d'instruction religieuse, qui permettrait aux émissaires de l'évêché d'exercer une influence directe sur la moyenne et donc sur la promotion des élèves de l'école publique.
Nous pensons d'autre part que la mise en concurrence des deux cours d'Instruction religieuse et morale et de Formation morale et sociale via l'introduction d'un coefficient conduirait à une surenchère ridicule au niveau des notes de deux cours idéologiquement divergents.
Alors que l'on parle de consolidation de la matière en classe de 4e, comment peut-on rayer d'un seul trait de plume les cours renforcés en langues tant en 4e qu'en 3e, cours qui donnaient une réelle chance aux élèves moins forts en langues de remédier à certaines lacunes.
N'oublions pas que plus de la moitié des élèves de nos lycées profitaient de cette possibilité de réviser et de consolider la matière enseignée. Plutôt que d'abolir ces cours renforcés, il aurait fallu les réaménager tant au niveau des contenus que des méthodes.
Pour ce qui est de la spécialisation proposée à partir de la classe de 3e, le SEW ne peut que regretter profondément l'esprit archi- traditionaliste que reflète cette grille. Les auteurs de cette proposition ont tout simplement procédé à une redistribution de certaines leçons et de coefficients sans oser sortir des sentiers battus et donner à l'enseignement secondaire une chance réelle de relever les nombreux défis du présent et du futur.
- Nous remarquons d'abord qu'aucune place n'a été réservée à l'enseignement interdisciplinaire, qui permettrait aux élèves d'avoir une vision plus globale des choses et qui pousserait en même temps les enseignants à dépasser les frontières de leurs branches respectives et à se concerter avec des spécialistes d'autres matières.
- Nous notons ensuite que les sciences humaines - langues, histoire, éducation artistique et musicale - sont les grands perdants de la réforme proposée. Comment justifier une telle réduction, alors qu'une bonne formation de base constitue la clé pour comprendre le monde actuel, pour développer ses compétences et pour accéder aux savoirs spécialisés ?
- Le SEW ne peut acquiescer à la proposition du MENFPS de donner aux élèves des classes de 2e B et C la possibilité de choisir 2 des 3 langues vivantes enseignées. C'est dans les classes supérieures seulement que la langue, une fois consolidée, devient un réel outil de communication à l'écrit et à l'oral. Et déjà maintenant enseignants et patrons se plaignent que nos bacheliers aient trop souvent du mal à formuler clairement et correctement leurs idées. Cette mesure ne fera qu'aggraver ces déficiences, l'élève n'optant certainement pas pour la langue où ses lacunes sont les plus graves. Le français surtout, langue administrative au Grand-Duché, risque d'en faire les frais.
Le SEW aurait préféré que les trois langues vivantes fassent partie du programme obligatoire du moins jusqu'à la fin de la classe de 2e, mais qu'elles soient enseignées avec des contenus et des méthodes différents. Les problèmes qu'éprouvent les élèves dans les disciplines scientifiques sont très souvent dus à des lacunes en français et à une mauvaise maîtrise de la langue. Dans un contexte d'interdisciplinarité, un enseignement différencié des langues selon les sections soulignerait et renforcerait la spécialisation .
Le SEW ne peut souscrire à la proposition des auteurs de la réforme qui entendent annexer l'instruction civique au cours d'histoire. Il ne saurait être question de condamner à la mort certaine à court ou à moyen terme, sous le prétexte du réaménagement d'une grille horaire, cette branche essentielle pour la formation du jeune citoyen qui lui expose les mécanismes complexes de nos institutions et du jeu politique en démocratie. Nous demandons que le statut de cette branche fondamentale soit maintenu voire revalorisé.
Le SEW comprend mal pourquoi l'enseignement des médias soit intégré dans le seul cours de français en classe de 4e. Quels médias sont visés ? Une approche de la presse écrite, parlée et télévisée devra certes se faire en salle de classe. Or, nous redoutons que sous la dénomination « Médias » se cachent Internet et co., encore des concepts à la mode sans contenu et sans objectifs pédagogiques précis! Nous aurions préféré que les médias soient intégrés dans tous les cours de langues voire dans d'autres branches, qu'ils impliquent activement l'élève dans un enseignement interdisciplinaire ouvert sur la pratique.
Pour ce qui est des méthodes de travail, le SEW ne voit pas l'utilité de vouloir intégrer systématiquement les techniques de l'information et de la communication dans tous les cours.
Au titulaire de choisir parmi la panoplie de méthodes et d' outils pédagogiques les plus adaptés à son cours. Privilégier les TIC en les rendant obligatoires ne répond à aucun précepte pédagogique et semble relever d'un modernisme mal compris.
Le SEW ose émettre des doutes sur l'opportunité des cours à options tels qu'ils sont offerts à l'heure actuelle et qui, initialement, étaient censés apporter plus de liberté et d'autonomie à l'élève dans l'élaboration de son cursus scolaire. Dans sa prise de position du 4 décembre 2000 il était d'avis que les options en classe de 3 et de 2e devraient prioritairement viser l'élaboration de projets éducatifs interdisciplinaires définis en fonction de la spécialisation de la classe.
A l'heure actuelle, il est bien connu que les élèves optent le plus souvent pour le moindre effort. Nous doutons fort que l'attribution d'un coefficient aux cours à option change quoi que ce soit à cette tendance vers la facilité. Les auteurs de la réforme ont manqué une chance d'innover en la matière et d'ouvrir par des projets éducatifs l'enseignement au monde extérieur.
Dans le même contexte, le SEW se demande si l'instruction religieuse respectivement l'éducation morale et sociale, enseignées à titre d'option, seront également affectées du coefficient 2. Il est évident que nous ne saurons approuver ceci pour la raison déjà évoquée plus haut.
En guise de conclusion, le SEW est d'avis que le MENFPS n'a pas saisi la chance de se lancer dans une réelle « offensive pédagogique ». Le SEW aurait souhaité que l'on sorte de cette approche « corporatiste » traditionnelle opposant les disciplines humanistes aux disciplines plus utilitaristes pour ouvrir des plages horaires à un enseignement interdisciplinaire. Cette réforme est timide, c'est un travail d'épicier qui procède à une redistribution des leçons en faveur de certaines branches plus spécialisées sans oser s'aventurer hors des sentiers battus .
Le SEW rappelle que dans le cadre de la réforme de l'enseignement secondaire, il faudra soumettre les modalités rigides et le programme surchargé de l'examen de fin d'études secondaires à une révision en vue d'une plus grande flexibilité.
Il espère que les commissions nationales allégeront les programmes et les adapteront à la spécialisation choisie, qu'elles initieront de nouvelles méthodes d'apprentissage basées sur la collaboration active de l'élève et qu'elles appuieront toute volonté d'innovation pédagogique afin que notre enseignement puisse s'adapter aux nouvelles exigences d'une société en pleine mutation.
Luxembourg, le 8 juin 2001
SEW/OGB-L