Journal 1/2008: Editorial: Investir dans les traitements des instituteurs, est-ce un luxe? (Monique Adam)

29.01.2008

Oui, les instituteurs ont un problème de carrière et ils osent le dire tout haut.
Oui, les instituteurs se soucient depuis longtemps du devenir de l'école publique et ils l'ont clamé à tout bout de champ sans être pris au sérieux par les responsables politiques.

Non, nous n'acceptons pas que les études PISA et PIRLS ne servent que de prétexte, et cela indépendamment des résultats que nos élèves y obtiennent, à stigmatiser les enseignants qui soi-disant ne travaillent pas assez pour faire réussir tous leurs élèves.

Non, nous ne renoncerons pas à lier nos revendications de carrière à la nouvelle loi scolaire, malgré ou justement à cause du courroux de certains responsables politiques, car c'est bien la première fois où nous avons l'impression de parvenir enfin à nous faire entendre.

Déjà en 1998, bien avant la première étude PISA, l'OGBL avait établi des propositions et réflexions sur la politique de l'éducation et de la formation discutées dans toutes les structures, avec une participation particulièrement active du SEW. Ce document avait mis l'accent sur l'égalité des chances et les moyens à mettre en oeuvre pour atteindre les objectifs ambitieux dans le cadre de la scolarité de base. Le problème des inégalités y était souligné et le document portait le titre: Investir dans une politique d'éducation et de formation offensive ! Mais c'est à coup sûr le mot investir qui est resté en travers de la gorge des responsables politiques qui préfèrent plutôt réduire les coûts de l'éducation, tout en continuant à vouloir s'offrir une société plurilingue capable d'intégrer des migrants de différents horizons.

Car c'est bien là l'enjeu de notre enseignement fondamental: Intégrer de plus en plus d'enfants avec des langues maternelles très diverses, tout en leur faisant acquérir le Luxembourgeois, l'Allemand et le Français et ce à un niveau tel, à ce que l'Allemand puisse être utilisé comme langue d'enseignement dès le primaire et le Français dès le secondaire. Ce sont des objectifs dépassant de loin les ambitions des autres pays européens au niveau de l'acquisition des langues étrangères et qui ne sont pas évalués dans les études internationales. Pour atteindre ces objectifs nos enseignants en font trop ! Ils sont très exigeants envers leurs élèves et ils leur demandent souvent de continuer à la maison ce qui n'a pas pu être réalisé à l'école. C'est là que notre école devient inéquitable, car les élèves issus de différentes couches sociales n'ont pas les mêmes moyens de progresser dans leurs apprentissages en dehors de l'école. N'est-ce pas cette trop forte exigence qui explique le stress et l'attitude négative de bon nombre d'élèves face à l'école?

Que peuvent faire nos décideurs politiques?

  • Continuer à dénigrer les enseignants, leur refuser la formation indispensable ainsi que la reconnaissance due au travail qu'ils réalisent, recruter de plus en plus de personnel sous le statut précaire du chargé de cours, laisser dépérir l'école publique pour faire fleurir à côté des écoles privées réservées à des élites en abandonnant les objectifs ambitieux d'une société plurilingue intégrant les migrants.
  • Ou investir dans l'école publique en s'offrant les enseignants les mieux formés et les plus chèrement payés en Europe et en créant les structures d'encadrement nécessaires pour améliorer l'égalité des chances des enfants issus de milieux socioculturels divers.


Il s'agit bien d'une question fondamentale pour l'avenir de la société luxembourgeoise, ne pouvant être esquivée en détournant l'attention sur le soidisant désengagement des enseignants.

Non, les instituteurs luxembourgeois n'ont pas besoin d'avoir honte d'exiger enfin le reclassement équitable de leur fonction dans la carrière supérieure! Oui, il s'agit bien d'une question dont dépend l'avenir de l'école luxembourgeoise!

Monique Adam,
Présidente du SEW