« Jidfer Schüler säi Computer ! (op d'Bänk !) »
Conclusion fracassante de la Conférence tripartite, voilà une déclaration télévisée de notre Premier ministre qui confirme pleinement la thèse avancée par Pierre Bourdieu que“la main gauche de l'Etat (c'est-à-dire l'homme ou la femme du terrain) a le sentiment que la main droite (c'est-à-dire l'énarque du ministère des Finances ou du cabinet ministériel) ne sait plus, ou ne veut plus vraiment savoir ce que fait la main gauche.”
Perplexité dans les rangs de l'aristocratie gouvernementale ? Un de ces énergumènes d'enseignants, opposé à ce que nos établissements scolaires s'ouvrent enfin au progrès technologique va-t-il encore se livrer à un jeu de faux arguments, refusant en quelque sorte la main tendue, armée de 200 millions de crédits annuels permettant de catapulter les salles de classe au 21e siècle ?
N'ayez crainte, Messieurs dames !
Voici simplement un enseignant qui manie depuis 15 ans les nouvelles technologies de l'information dans le cadre de sa pratique pédagogique et qui se pose trois questions fondamentales:
1. Pourquoi notre gouvernement mène-t-il une politique du tout ou rien ?
Dans le cadre de la réforme des formations commerciales de l'enseignement secondaire technique, l'utilisation des programmes informatiques les plus répandus a été jugée primordiale. Or depuis cinq ans, les « Bureaux modèles », qui forment un élément clé de ces classes réformées ( ils permettent en effet de simuler en milieu scolaire les travaux administratifs des différents services d'une entreprise commerciale) restent désespérément sous-équipés en ordinateurs, cela malgré plusieurs demandes de la part des enseignants concernés.
Aurais-je tort de me demander, quelle mouche a piqué nos preneurs de décisions officiels pour qu'ils passent soudainement de la politique du compte-gouttes à celle tout aussi irrationnelle de l'arrosoir,
et de douter de leur esprit de pondération ?
2. Maintenant que le gouvernement semble miser sur l'école du « tout informatique », a-t-il réfléchi à ce que cela comportera en matière de mobilier: équipement de toutes les salles de classe avec des tables spéciales, assez grandes pour permettre le logement d'un terminal tout en gardant assez de place pour les travaux scolaires “non informatisables” ?
Quel sera le nombre d'élèves par classe ? 25 ? 30 ?
Les deux nouveaux établissements postprimaires en construction deviendront-ils des lycées-pilotes ?
A défaut de propositions concrètes et rapides dans ce sens, comme suite logique à la déclaration du Premier ministre, pourra-t-on me reprocher l'impression que l'école est en passe de devenir un terrain de prédilection pour les jeux de cirque d'hommes politiques tentés par l'effet publicitaire facile ?
3. Le gouvernement mesure-t-il l'impact de l'informatisation à grande échelle sur les contenus et les méthodes d'enseignement, ainsi sur la formation des enseignants ?
Si l'ordinateur constitue un moyen - certes indispensable - d'apprentissage, il ne constitue nullement la panacée pour résoudre les problèmes auxquels l'enseignement se voit actuellement confronté, bien au contraire.
Il faudra définir la place de l'ordinateur dans les programmes et la méthodologie pédagogique, il faudra préparer les enseignants au nouveau rôle interactif qu'ils joueront en sa présence, il faudra combattre les inégalités plus importantes encore que sa mise oeuvre engendrera parmi les élèves.
Où en sont les projets du MENFP ?
Rien n'est fait, tout reste à faire ! Quand ? Avec qui ?
Guy Foetz