L'évaluation de la qualité dans l'éducationRésumé d'une table ronde organisée par le comité syndical européen de l'éducation
La question de l'évaluation de la qualité dans le système d'éducation est actuellement discutée dans pratiquement tous les pays de l'Union européenne. En tant qu'enseignant, peut-on refuser de s'engager dans ce débat en insistant sur l'absence de critères objectifs d'évaluation et sur les liens évidents avec les tendances néolibérales de commercialisation et décentralisation de l'enseignement ?
Ce n'est décidément pas cette stratégie de camp retranché qu'a choisi le comité syndical européen de l'éducation, - confédération syndicale dont fait partie le SEW ! Jugeant que les enseignants ont intérêt à s'exprimer haut et fort sur un terrain qu'ils connaissent mieux que quiconque et à essayer d'influencer le cours des choses, plutôt que de camper sur des positions partisanes, il a privilégié la voie offensive. Ainsi, il a promu un projet Socrates d'Evaluation de la qualité dans l'enseignement, auquel ont participé 101 établissements scolaires, dont deux lycées luxembourgeois.
Les 5 et 6 novembre 1998, une table ronde sur le projet en question eut lieu au Centre Jean Monnet; l'article qui suit en rapporte les points forts.
Critiques et revendications syndicales
Dès l'ouverture de la table ronde, la DG XXII de la commission européenne fut sévèrement critiquée pour son manque de concertation avec les instances nationales, les établissements scolaires et les représentations syndicales, lors de la mise en oeuvre du projet.
Au fil de l'avancement du projet pilote, une série de faits sont apparus clairement :
- le débat sur la qualité de l'enseignement est indissociable du débat sur les moyens et sur la formation initiale et continue des enseignants;
- dans l'intérêt d'une meilleure égalité des chances, la discussion sur la qualité doit être menée globalement; il faut l'étendre à tous les types et à tous les ordres d'enseignement;
- il faut un équilibre entre l'évaluation interne et externe
- des indicateurs de qualité objectifs et applicables à toutes les situations restent à fixer.
A l'issue du projet pilote, le CSEE publiera fin 1999 un catalogue des revendications.
"Is it the newspapers and hollywood films to tell your story ?"
Telle fut la question soulevée par John MacBeath, Professeur à l'Université d'Edimbourg, conseiller dans le projet pilote. Il opposa deux modèles d'évaluation:
- un modèle "simple, idéologique et technocratique", privilégié par des journalistes de la presse populaire du genre Daily Mirror ou Sun, qui décrivent l'école comme un antre de défaillance, d'échec, de drogues et d'enseignants incompétents, et qui s'engagent dans une "chasse de la Licorne" ("hunt for the unicorn"), animal mythique représenté dans le cas d'espèce par l'enseignant prodigue des films hollywoodiens;
- un modèle "complexe, de recherche de moyens", qui perçoit les problèmes auxquelles l'école est confrontée comme un défi qu'elle doit relever en tant qu'organisation en développant progressivement avec tous ses membres un sac à outils, tout en étant conscient qu'il n'existe pas de solution miracle.
En matière d'évaluation, ce deuxième modèle oppose à la "tyrannie du OU" (the tyranny of the OR) du premier, le génie du ET (the genius of the AND); il ne s'agit pas de confronter autoévaluation interne d'une part et inspection externe d'autre part ou encore évaluation qualitative et évaluation quantitative, mais de combiner différentes méthodes, soit de manière parallèle, soit de manière séquentielle, soit de manière coopérative.
Si le cadre d'une telle évaluation est celui d'une organisation qui est en train d'apprendre plutôt que d'individus cloisonnés qui cherchent soit à se protéger, soit à se mettre en évidence, il en résulte
- que la direction d'un établissement scolaires ne peut faire bande à part pour atteindre "son" objectif;
- qu'un outil essentiel de progrès consiste à permettre aux élèves, aux enseignants et aux parents de formuler ce qu'ils pensent de "leur" école.
La philosophie du projet
Toute évaluation a des origines tendancieuses, qu'elle soit interne (autoévaluation) ou externe (inspection). Affirmer que l'école serait incapable de s'autoévaluer est tout aussi insensé que de présenter l'évaluation externe comme le seul moyen objectif d'appréciation. Bien au contraire: une évaluation externe mal agencée - subie par les sujets de l'évaluation, basée sur des critères douteux et assortie de sanctions positives ou négatives individuelles - peut détruire tout processus d'autoévaluation sincère.
Le but du projet d'évaluation sous revue consiste à mettre en relation les 101 écoles
- pour permettre une recherche sur ce qu'elles auront appris à l'issue du projet;
- pour dresser un profil autoévaluatif de l'établissement scolaire, auquel participent les élèves, les enseignants, les parents et la direction;
- pour améliorer la qualité de l'enseignement (côté enseignants - teaching) et de l'apprentissage (côté élèves - learning).
Différentes actions ont été conduites:
- observation de ce qui se passe en classe (observateurs: élèves et enseignants);
- accompagnement d'élèves par leurs parents pendant une journée scolaire entière;
- discussion en groupes de travail;
- interviews sporadiques menées par un "ami critique"externe;
- évaluation pilote par différents moyens d'expression (p.ex. des élèves montent une exposition sur ce qu'ils apprécient et sur ce qu'ils n'aiment pas dans leur école).
Parmi les freins, M. MacBeath cita le temps limité assorti au projet (1 an); quant aux résultats obtenus, il releva:
- la compréhension de l'autoévaluation;
- une perception des points forts et faibles;
- une nouvelle culture scolaire (ouverture, coopération, équipes pédagogiques);
- la capacité d'amélioration de la qualité de l'enseignement.
Faire participer les écoles dès le début à la conception de l'évaluation est essentiel !
A l'issue du projet pilote, les 101 écoles participantes ont répondu à un questionnaire. Il s'agissait de mesurer leur satisfaction et de connaître les conditions du succès ou de l'échec de l'expérience.
Les résultats majeurs de ce questionnaire furent présentés par le professeur Denis Meuret.
a) Le degré de participation et de satisfaction a fortement varié en fonction du groupe d'appartenance; les parents et les directions ont moins participé et ont été moins satisfaits, tandis que les enseignants et les élèves ont participé davantage et ont été plus satisfaits.
b) Les résultats de l'enquête ne permettent pas d'établir une corrélation entre la participation au projet et l'état de satisfaction des participants ou entre leur attitude à l'égard de l'autoévaluation et leur état de satisfaction à l'issue du projet, par contre, une corrélation évidente existe entre l'association des participants à la conception de l'autoévaluation dès le début du projet et leur degré de satisfaction à l'issue du projet.
c) Les éléments de satisfaction les plus importants ont été l'existence d'un groupe de pilotage efficace, la présence d'un "ami critique" (les parents et les élèves ont le plus apprécié), ainsi que l'établissement d'un profil d'autoévaluation..
d) Les enseignants ont mesuré leur degré de satisfaction à l'aide de critères très professionnels; ils ont avant tout considéré l'impact de l'autoévaluation sur l'engagement des élèves et sur l'efficacité de l'enseignement. Les changements positifs pour eux-mêmes n'ont joué qu'un rôle secondaire dans leur appréciation.
e) Dans le profil d'autoévaluation figurent les domaines les plus importants à évaluer; parmi ces domaines l'impact le plus important a été attribué à la capacité d'obtenir des informations, l'impact le plus faible a été attribué à la capacité des élèves à apprendre.
f) Si et seulement si l'autoévaluation accroît l'implication des différents partenaires scolaires, l'augmentation de l'efficacité de l'enseignement est significative.
g) Le passage à la généralisation du projet pilote pose des problèmes, notamment quant à la rémunération de l'ami critique. Mais l'évaluation externe n'est pas gratuite non plus: en 1997, le Royaume Uni a dépensé pour celle-ci 250 millions de Livres Sterling.
La Sarah Bonnell School: le prototype d'une école dynamique
L'école Sarah Bonnell est située dans le quartier de Westham, (East End de Londres), qui comporte 20 % de chômeurs et 75 % d'habitants appartenant à des minorités ethniques.
Elle accueille 1200 élèves entre 11 et 16 ans parlant 74 langues différentes et elle doit évidemment faire face à un environnement social difficile. Pourtant, ses résultats révèlent qu'une bonne école peut lutter efficacement pour l'égalité des chances: les tests (externes) auxquels sont soumises toutes les écoles publiques en Grande-Bretagne révèlent qu'à 11 ans, (à l'entrée) ses élèves se situent au-dessous de la moyenne nationale, tandis qu'à 16 ans (à la sortie) ils se situent au-dessus.
Le directeur de l'école, deux enseignants et deux élèves fournirent un témoignage très authentique du déroulement, des problèmes (manque de temps !) et des résultats du projet pilote:
a) le rôle du groupe de pilotage (un membre de la direction, un enseignant, un élève) a été vital;
b) 5 domaines firent l'objet de l'autoévaluation (citation):
- academic achievement,
- quality of teaching and learning,
- school as a professional place,
- school and home;
c) 4 types de résultats furent notés (citation):
- more involvement of everybody,
- new school development plan,
- tutor group monitory system (within departments),
- creation of a climate open to bottom-up initiatives.
Suite à cette présentation, une discussion intéressante s'engagea avec les participants à la table ronde, dont on il faut retenir deux idées fondamentales:
- l'autoévaluation doit porter surtout sur ce qui se passe en classe, tant au niveau des méthodes d'enseignement et du comportement des enseignants que des méthodes d'apprentissage et du comportement des élèves;
- le cadre global "civilisé" de l'établissement scolaire constitue un élément de base pour établir un climat de confiance, de respect de soi et des autres et pour générer de bons résultats scolaires; il est symptomatique que le piteux état des toilettes de l'école revint à plusieurs reprises sur les panneaux élaborés par les élèves dans le cadre de l'évaluation pilote.
"Et maintenant ... ?
Quelles conclusions tirer du projet d'évaluation ? Michael Schratz, chargé de cours à l'institut pédagogique de l'université d'Innsbruck dégagea une série de principes directeurs:
- Evaluer la qualité de l'enseignement est une recherche en vue de comprendre la qualité du processus d'apprentissage et de ses résultats.
- Dans le cadre de cet effort, il s'agit surtout de connaître ce qui se passe dans la salle de classe; comprendre les freins et les accélérateurs du processus d'apprentissage.
- L'accent est à mettre sur l'efficacité à long terme, par opposition à des techniques limitées au court terme. (cf.: encadré: "Bausteine für ein Schulprogamm").
- L'école doit rester propriétaire de l'évaluation de la qualité de l'enseignement; il faut éviter un outsourcing vers des agences d'inspection externe (à l'instar du modèle britannique).
- L'école doit se comprendre elle-même comme un organisme qui apprend, plutôt que comme une institution qui délivre un savoir; il faut passer du "moi et ma classe" au "nous et notre école".
Guy Foetz
Bausteine für ein Schulpropramm
Kommunikation wer / wo sind wir ?
wie erreicht man uns ?
Leitbild was wir wertschätzen
Ist-Stand was wir erreicht haben
Zielsetzungen was wir erreichen wollen
Maßnahmen und Aktionen wie wir es umsetzen
Qualitätssicherung wie wir den Fortschritt überprüfen
Les intéressés pourront participer à la conférence "Quality and school development " du CSEE à l'adresse Internet suivante: http://www.gl.org/qa/conf.html.