Avis du SEW/OGB-L au sujet du projet de règlement grand-ducal déterminant le fonctionnement du lycée-pilote

13.04.2005

A l'occasion de la publication du programme gouvernemental, le SEW s'est prononcé en faveur d'un projet pilote « Ganzdagsschoul »
Nous avons en même temps précisé nos idées à ce sujet: « Dans la journée continue, il faudra distinguer très clairement entre les horaires scolaires obligatoires qui requièrent la présence de tous les élèves et une offre peri- et parascolaire facultative. Les conditions d'une telle journée continue -notamment par ce qu'elle implique en matière d'équipement et de conditions de travail pour les élèves et le personnel - devront être discutées. Le SEW/OGB-L exige dans ce domaine une offre de qualité sur tous les points (infrastructures, repas, activités, encadrement, etc.), car il s'agit d'un important relais pour assurer le bon développement et l'éducation des jeunes entre le temps de classe assez serré, et la disponibilité souvent insuffisante de l'entourage familial. » Par la même occasion, nous nous sommes déclarés « prêts à participer aux discussions en relation avec la mise en place concrète de ladite école-pilote ».

Nous constatons à présent que le projet pilote « Ganzdagsschoul » a pris la forme du projet de loi « portant création d'un lycée-pilote » et qu'il est devenu en fait un moyen visant à mettre en œuvre un nouveau concept pédagogique élaboré depuis quelques années par le groupe « Lycopa ». Sans vouloir porter un jugement négatif sur ce concept, nous regrettons que nous n'ayons pas pu participer à la discussion autour du modèle préconisé et que la « Ganzdagsschoul » soit désormais assimilée à ce modèle unique.

Nonobstant ce regret, nous sommes entièrement favorables à la recherche de nouvelles voies pédagogiques. Nous préconisons en effet depuis longtemps une révision des objectifs, des contenus et des méthodes d'enseignement et d'évaluation :
- élaguer les programmes; déterminer ce qui est essentiel; ne pas se perdre dans les détails
- utiliser des méthodes participatives, la formation-action et le travail en groupe
- pratiquer l'évaluation formative.
Citons à ce sujet un extrait des propositions et réflexions de l'OGB-L sur la politique de l'éducation et de la formation datant de décembre 1998, mais qui reste d'actualité :
« Plutôt que de construire des systèmes de promotion de plus en plus compliqués et divergents, il vaut mieux adapter les méthodes d'enseignement ainsi que les programmes, tout en visant un niveau de qualification élevé. Aux élèves qui ont du mal à s'adapter au rythme commun, il faut accorder des aides individualisées. Il faut aussi amener les enseignants à prendre en charge les apprentissages à plus long terme pour aider à surmonter les ruptures lors des passages d'un cycle d'apprentissage à un autre (ruptures qui existent à l'intérieur de l'enseignement primaire comme à l'intérieur de l'enseignement secondaire et secondaire technique), et pour éviter à la fois les échecs dus à une organisation trop rigide et non pertinente des apprentissages et les parcours à vide des enfants qui traversent le système scolaire sans y acquérir les compétences fondamentales qui leur permettront une insertion sociale et économique durable. » Surgit ici la question du rôle du SCRIPT et de ses moyens, ainsi que la demande de recherche plus fondamentale à adresser à l'Université du Luxembourg.

Nous aimerions donc d'abord mettre en évidence un certain nombre d'idées contenues dans le projet de loi et l'avant-projet de règlement grand-ducal que nous partageons :
- promouvoir un enseignement actif et coopératif des élèves; leur permettre de s'engager dans l'élaboration de leur projet personnel en soutenant leur développement et en lui donnant de la rigueur et de la profondeur
- promouvoir l'interdisciplinarité et la coopération des enseignants, notamment à travers la présence des enseignants en-dehors des heures de cours
- fournir à chaque équipe et à chaque enseignant son propre espace de travail
- faire accompagner les élèves par les mêmes enseignants tout au long du cycle d'orientation, orienter plutôt que sélectionner, promouvoir l'évaluation formative
- constituer un portfolio pour chaque élève
- créer des équipes d'enseignants et d'éducateurs; faire intervenir des éducateurs dans l'encadrement et la socialisation des élèves
- munir chaque salle de classe d'une bibliothèque
- informer et impliquer les parents
- assurer un accompagnement scientifique et une évaluation régulière des objectifs.

Nous restons par contre réticents par rapport à d'autres éléments contenus dans le projet et nous voudrions en mettre quelques-uns en évidence:
- Alors que l'article 3 du projet de loi portant création d'un lycée-pilote stipule que « les matières enseignées sont les mêmes que celles prévues pour les classes correspondantes de l'enseignement secondaire et de l'enseignement secondaire technique », nous avons du mal à voir cette règle mise en oeuvre à travers le règlement grand-ducal et à fortiori dans la pratique. En effet, face à un concept et une dénomination des « branches » différents de celles des lycées et lycées techniques, le socle de compétences présenté est à notre avis trop général et sa construction n'est pas échelonnée dans le temps. Tout le travail consistant à traduire ce socle de compétences en objectifs opérationnels à des moments particuliers du cursus scolaire reste donc à accomplir. Qui fera ce travail ? Les enseignants en se concertant au jour le jour ? Nous restons extrêmement sceptiques qu'ils y parviennent dans de telles conditions.
- Le glossaire, qui se trouve sur le site Internet www.neielycee.lu présente les professeurs comme « des pédagogues professionnels plutôt que des scientifiques ». Sans entrer ici dans le débat sur ce qui devrait primer dans le cycle inférieur de l'ES et de l'EST, à savoir les qualités scientifiques ou les qualités pédagogiques de l'enseignant, nous pensons que le professeur doit être un pédagogue et un scientifique. Nous pensons qu'il ne faut pas sous-estimer ou considérer comme inutiles les connaissances scientifiques que nos enseignants du secondaire et du secondaire technique ont acquises au cours de quatre années d'études universitaires - et qu'ils continuent à approfondir !
- A la fin du cycle inférieur, les décisions de promotion et d'orientation sont prises par un jury externe. On entend ainsi « séparer l'enseignement proprement dit et l'évaluation dont dépend la promotion » et responsabiliser ainsi les formateurs. Nous pensons au contraire - et nous avons défendu cette thèse aussi bien au niveau du passage primaire-postprimaire qu'au niveau de la soutenance du dossier du stage pédagogique - que les personnes qui savent le mieux juger un élève sont celles qui l'ont côtoyé à longueur de journée.
Quant au passage direct de la classe de 5e à celle de 3e que le projet de règlement envisage - et qui ne nous semble pas opportun -, il est l'expression d'un problème majeur auquel les élèves de 5e du lycée-pilote risquent d'être confrontés: celui de s'adapter à l'environnement d'une classe de 4e traditionnelle. Nous pensons qu'il faudra rendre les parents attentifs à cette problématique.
- Comme dans toutes les cantines scolaires, le problème de la qualité des repas se pose, d'autant plus que les élèves doivent manger dans obligatoirement au lycée. Il est donc indispensable que l'offre soit variée et saine et qu'il soit également possible de manger des plats végétariens et biologiques.
- L'article 17 du projet de règlement grand-ducal stipule que les leçons ne sont affectées d'aucun coefficient modificateur en fonction du niveau de la classe ou du nombre des élèves. La question ne se pose pas, si l'effectif de 15 n'est pas dépassé (coefficient 1 pour toutes les branches dans toutes les classes du cycle inférieur jusqu'à 15 élèves).
Or si l'effectif de 15 est dépassé, les professeurs du lycée pilote seraient défavorisés par rapport à leurs collègues dans les autres lycées et lycées techniques, ce qui serait fondamentalement injuste, d'autant plus qu'ils sont soumis à d'autres contraintes supplémentaires, comme la présence hebdomadaire au lycée pendant 30 heures ou encore le « suivi obligatoire d'une formation spéciale qui s'étend sur plusieurs mois » (Questions fréquentes, site Internet déjà mentionné). On se déjoue ici de manière inadmissible de leur engagement: gare au burn-out !

Cette dernière remarque nous fait toucher à un point névralgique du projet: les enseignants présents dans ce lycée et leurs élèves le seront-ils volontairement ?
D'une part, il faudra peut-être faire avec des élèves qui n'auront pas eux-mêmes choisi de rester à l'école pendant 42,5 heures par semaine (lundi à vendredi de 8.30 h à 16.30 h), mais dont les parents auront pris cette décision.
D'autre part, il faudra espérer qu'un nombre suffisant d'enseignantes et enseignants qualifiés se portent volontaires. Le succès du projet en dépendra sans aucun doute.
En dernier lieu, nous voudrions faire quelques remarques au sujet du personnel socio-éducatif prévu dans le projet :
- Nous sommes d'avis que l'équipe socio-éducative devra être composée uniquement d' d'éducateurs et d'éducatrices gradué-e-s gradué afin de garantir une très haute qualité de travail.
- Le rôle attribué à l'équipe socio-éducative ne nous semble pas bien clair, étant donné qu'on a l'intention de charger ces personnes de la surveillance pendant les phases d'étude.
- L'article 18 du projet, relatif à la tâche du personnel socio-éducatif, soulève à nos yeux notamment les questions suivantes :
* la compensation des heures supplémentaires hebdomadaires pendant les périodes scolaires par du congé annuel supplémentaire en période de congé scolaire ne suppose-t-elle pas l'introduction d'une période de référence annuelle ?
* qu'est-ce qui se passe lorsqu'un jour férié légal coïncide avec un jour de congé scolaire ? Est-ce qu'il pourra être récupéré et quand ? Comment sont calculées les 20 demi-journées ouvertes et donc travaillées pendant les vacances d'été ?
En conclusion, c'est aussi bien au niveau de la finition pédagogique qu'au niveau de l'organisation du travail que le projet de règlement en question manque de précision.

Luxembourg, le 14 avril 2005 SEW/OGB-L