Avis du SEW/OGB-L au sujet du projet de loi sur les conditions d'engagement des chargés d'éducation et la création d'une réserve nationale de maîtres-auxiliaires pour les établissements de l'ES et de l'EST

Avis du SEW/OGB-L au sujet du projet de loi sur les conditions d'engagement des chargés d'éducation et la création d'une réserve nationale de maîtres-auxiliaires pour les établissements de l'ES et de l'EST
- Les objectifs du projet de loi
Deux objectifs de ce projet de loi sont prépondérants :
- Le gouvernement entend réagir au jugement prononcé par le Tribunal administratif demandant de requalifier en contrats à durée indéterminée, les contrats à durée déterminée des chargés d'éducation dont la durée avait dépassé 24 mois ou qui avaient été renouvelés plus de deux fois. En fait le gouvernement n'avait pas d'autre choix que d'abandonner la pratique indigne des contrats à durée déterminée à répétition dans l'Education nationale.
- L'article 9 du projet revue invoque que la réserve nationale de maîtres auxiliaires (à créer) aurait pour mission de « pourvoir au manque de personnel breveté (??) au sein des lycées ». Il faut rappeler que la pénurie actuelle de personnel titularisé est due en grande partie au manque de planification de la part du MEN pendant les années 1980 et 1990, combiné à la politique d'austérité menée alors en matière de recrutement de personnel qualifié. Un besoin de recrutement massif s'en est suivi, qui trouve actuellement ses limites dans la barrière de l'examen-concours d'admission au stage dressée en 1992 contre la prétendue « pléthore d'enseignants ». En effet, alors qu'il s'avère que face à l'afflux des élèves dans l'enseignement postprimaire, le nombre d'admissions aux deux sessions annuelles de l'examen-concours reste largement insuffisant, que de nombreux titulaires entrés en service au début des années 1980 partiront bientôt à la retraite et que la voie du recrutement de chargés d'éducation avec des CDD renouvelables à l'infini a été fermée par l'arrêt de la Cour administrative du 30/01/07, le gouvernement prétend qu'il est acculé au pied du mur.
- Les choix du projet
D'un côté, le projet veut régulariser la situation pour tous les chargés d'éducation remplissant les conditions et non seulement pour les 92 plaignants.
De l'autre côté, le projet met en place une véritable voie de recrutement parallèle future d'enseignants du postprimaire à un niveau de formation inférieur à celui prévu pour les titulaires. Les conditions d'engagement comme chargé d'éducation à durée déterminée précisées à l'article 2 prévoient un diplôme de bachelor dans la spécialité, une épreuve préliminaire écrite et une formation de 24 heures visant à « sensibiliser aux problématiques de l'enseignement et aux questions relatives à l'enseignement ». Après une formation en cours d'emploi de 60 heures portant sur la pédagogie et la législation scolaire et une supervision/évaluation de la part du directeur du lycée, le chargé d'éducation pourra obtenir un contrat à durée indéterminée et accéder à la « réserve nationale des maîtres auxiliaires ». Le nombre des chargés d'éducation à durée déterminée pouvant bénéficier d'un engagement en qualité de maître-auxiliaire sera fixé chaque année par la loi budgétaire; l'admission dépend d'un classement. Dans ce classement, les candidats admissibles au concours de recrutement normal mais non classés en rang utile lors des épreuves du concours sont prioritaires suivant un ordre de classement résultant du total de la note moyenne pondérée obtenue aux épreuves du classement du concours et de la note d'évaluation du directeur. Quant aux chargés de cours et chargés d'éducation en service, ceux qui ont un contrat à durée indéterminée sont admis d'office à la réserve nationale, ceux avec un CDD y accéderont si leur directeur leur attribue une note de 10 sur 20. - La position du SEW
Nous considérons la démarche visant à régulariser tous les chargés d'éducation en service comme positive, dans la même mesure où nous avons constamment réfuté la politique du recours à du personnel précarisé ne disposant pas toujours de la formation disciplinaire requise et auquel aucune formation pédagogique digne de ce nom n'était offerte. Nous pensons néanmoins qu'il ne faut pas pour cela un projet de loi !
Quant aux dispositions au sujet de l'engagement de chargés d'éducation futurs et la création d'une réserve nationale de maîtres-auxiliaires, nous ne pouvons donner notre accord.
En effet, tout en ne niant pas que la mise en place de conditions plus strictes (diplôme bac+3, épreuve linguistique et épreuve dans la spécialité) pourrait être considérée comme un progrès par rapport à ce qui se passe actuellement lors de l'engagement d'un chargé d'éducation, nous pensons que le dispositif de recrutement de nouveaux chargés d'éducation prévu par le projet constitue un grave danger tant pour la carrière de l'enseignant du postprimaire que pour la qualité de l'enseignement.
Lors des discussions que nous avons eu en juin 2007 avec les responsables d MENFP autour de la réorganisation du concours de recrutement des professeurs de l'ES et l'EST et du stage pédagogique, nous avons clairement fait savoir notre point de vue et nos revendications à Madame la Ministre de l'Education nationale et de la Formation professionnelle, c'est-à-dire:
- recruter au niveau d'un master académique disciplinaire pour l'accès à l'examen-concours des futurs professeurs de l'enseignement postprimaire
- fixer des objectifs cohérents pour les épreuves du concours et rendre le concours plus transparent, tant au niveau de la composition des jurys que de la motivation des décisions
- augmenter le nombre de candidats à recruter dans le cadre de l'examen-concours d'admission au stage pédagogique, tel que le propose le rapport de planification des besoins en personnel enseignant de l'enseignement postprimaire de 2007/2008 à 2011/2012, publié en juillet 2007
Ce dernier rapport remarque notamment (page 45): « , les besoins prévisibles en personnel enseignant, malgré les conséquences de l'arrêt de la Cour administrative du 30 janvier 2007 concernant les chargés d'éducation CDD et CDI, dépassent le plan de recrutement quinquennal arrêté par le Gouvernement en conseil du 3 octobre 2006 et s'en rapprochent seulement en 2011/12 » et il ajoute: « Afin de subvenir aux besoins en personnel enseignant durant la période quinquennale à venir, un recrutement plus important que celui prévu par le plan quinquennal serait nécessaire. A défaut, le recours à de nouveaux chargés d'éducation resterait indispensable pour couvrir les besoins en personnel enseignant. »
Nous avons malheureusement dû constater que le nouveau programme de recrutement quinquennal, adopté par le Conseil de gouvernement du 5 septembre 2007, a refusé d'aller dans le sens de la proposition du rapport de planification 2007, il prévoit en effet 1.025 entrées en stage pendant la période 2007/08 à 2011/12(1), ce qui correspond exactement à l'ancien programme arrêté en 2006(2) (décalé d'une année, avec +215 postes en 2011/12). Doit on en déduire que le gouvernement mise carrément sur l'engagement de nouveaux chargés d'éducation pour couvrir les besoins en personnel enseignant dans le postprimaire et que le présent projet de loi en constitue l'instrument ?
Ceci dit, nous refusons de considérer l'abaissement des conditions de formation dans la spécialité et de formation pédagogique comme la solution au problème de la pénurie d'enseignants et nous plaidons pour un retrait de ce projet de loi du rôle des affaires ainsi que l'ouverture d'un dialogue honnête avec les syndicats d'enseignants sur la politique de recrutement.
Quant aux chargés d'éducation actuellement en service, nous pensons qu'il est nécessaire de leur offrir une formation pédagogique en cours d'emploi qui mérite ce nom. Ni les 24 heures visant à « sensibiliser aux problématiques de l'enseignement et aux questions relatives à l'enseignement », ni les 60 heures de formation en cours d'emploi portant sur la pédagogie et la législation scolaire qui inscrites dans le projet ne répondent à leurs besoins.
Luxembourg, le novembre 2007 SEW/OGB-L
(1)2007/8: 195 postes; 2008/09: 200 postes; 2009/10: 205 postes; 2010/11: 210 postes; 2011/12: 215 postes.
(2)2006/07: 190 postes; 2007/8: 195 postes; 2008/09: 200 postes; 2009/10: 205 postes; 2010/11: 210 postes.