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24.11.2007

La formation initiale des instituteurs et l'accès à la fonction



Création de l'école normale en 1845 :



L'âge d'admission est de quinze ans.
La formation d'une durée de trois, puis de quatre ans commence après l'école primaire supérieure, plus tard après trois années de lycée (cycle inférieur).

En 1881, les membres du personnel enseignant sont divisés en quatre classes ou rangs, suivant le degré de leurs capacités et de leurs connaissances. Quiconque aspire à un de ces rangs doit faire preuve d'aptitude, dans un examen à subir devant un jury.

Le 4e rang est attribué au candidat à la fin de l'école normale. Il ne s'agit que d'un titre provisoire. Au plus tard après 5 années, le candidat doit se soumettre à un examen pour obtenir le 3e rang, faute de quoi il peut être déclaré déchu de la faculté d'enseigner.

Il s'ensuit que, dès le début, la formation de l'instituteur, compte tenu de la nécessité d'obtenir au moins le troisième rang, s'étendait au delà de la formation postprimaire, qui peut être assimilée à sept années en tenant compte des trois années du cycle inférieur ainsi que des quatre années passées à l'école normale.

La loi scolaire de 1912 :



La loi scolaire de 1912 reprend cette subdivision en quatre rangs, tout en utilisant la terminologie suivante :

  • à la fin de l'école normale, les candidats obtiennent le brevet provisoire qui autorise à enseigner pendant cinq ans au maximum ;
  • au cours de ces cinq années, le candidat doit acquérir le brevet d'aptitude pédagogique qui confère le droit d'enseigner à titre définitif ;
  • le brevet d'enseignement postscolaire ;
  • le brevet d'enseignement primaire supérieur.

Création de l'institut pédagogique par la loi du 7 juillet 1958



La formation des futurs instituteurs est assimilée à un stage de deux ans. Les études mènent au brevet d'aptitude pédagogique (3e rang).

Les candidats doivent être détenteurs d'un diplôme de fin d'études secondaires et être âgés entre dix-huit et vingt ans. Il s'agit notamment du certificat luxembourgeois de fin d'études secondaires de la section greco-latine ou latine. Plus tard, aussi les candidats de la section moderne, sous-section industrielle sont acceptés.

En outre, ils doivent se classer en rang utile sur une liste qui se base sur un quotient de performance exprimant le rapport entre le maximum des points et les points obtenus à l'examen de fin d'études secondaires. Le nombre de candidats à admettre (numerus clausus) est déterminé chaque année par le Ministre de l'Education nationale.

L'examen pour l'obtention du brevet d'aptitude comporte, d'après le règlement ministériel du 3 avril 1962, des épreuves écrites et des épreuves pratiques.

Les épreuves écrites portent notamment sur :

  • la philosophie,
  • la psychologie,
  • la pédagogie,
  • les langues allemande et française,
  • en option: l'histoire, les mathématiques, la physique et les sciences naturelles,
  • l'éducation musicale,
  • le dessin et les travaux manuels
  • et l'éducation physique.


L'épreuve pratique comporte :

  • un travail de stage,
  • deux leçons d'examen,
  • des épreuves pratiques en éducation musicale, en dessin et en éducation physique.


Les stagiaires touchent pour toute la durée de la formation une indemnité de stage dont le montant est fixé par le Gouvernement à un montant de 30.000 LUF subdivisé en 10 mensualités de 3.000 LUF non indexées, c'est-à-dire que, jusqu'à la création de l'ISERP en 1983, cette indemnité ne fut jamais adaptée par la suite.

Les deux années comptent comme années de service prestées auprès de l'État et pour le calcul de la pension (2 x 10 mois).

Création de l'institut supérieur d'études et de recherches pédagogiques par la loi du 6 septembre 1983



La formation comporte dorénavant un cycle complet de trois années d'études supérieures après l'examen de fin d'études secondaires.

À la fin des études, le ministre de l'Education nationale délivre à tout étudiant ayant réussi l'examen final le certificat d'études pédagogiques.

Les conditions d'accès à la formation sont les suivantes :

  • être détenteur du diplôme luxembourgeois de fin d'études secondaires ou d'un diplôme de fin d'études secondaires étranger reconnu équivalent ;
  • faire preuve d'une connaissance suffisante des trois langues usuelles du pays ;
  • ne pas avoir dépassé l'âge de 35 ans ;
  • se classer en rang utile sur la base des résultats obtenus à l'examen de fin d'études secondaires (scores T).


La formation est assurée en coopération avec le Centre Universitaire.

L'examen pour l'obtention du CEP (certificat d'études pédagogiques) se fait sous la forme d'un bilan portant :

  • sur les unités de formation spécifiques de la troisième année (psychologie, pédagogie, méthodologie et didactique, études fondamentales et générales, législation, branches d'expression, ….);
  • sur un mémoire à rédiger dans une des unités d'approfondissement ;
  • sur les stages de la troisième année;
  • sur une leçon de pédagogie pratique à faire respectivement dans une classe de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire ;
  • sur les unités de formation mobiles des deuxième et troisième années.


Si l'on se rapporte à l'article 7 (actuel !) § 2 alinéa 3 de la loi modifiée du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'Etat 1 , la formation à l'ISERP ne peut plus être assimilée à un stage. Les étudiants ne reçoivent pas d'indemnité de stage et les trois années prestées à l'ISERP ne sont pas reconnus en tant qu'années de service prestées auprès de l'État.

Dans cet ordre d'idées, l'article 38 de la loi du 10 août 1912 est modifié: La loi du 6 septembre 1983 crée une période probatoire pour la première nomination d'une durée de deux années. Pendant cette période, l'instituteur bénéficie d'une aide pédagogique spéciale, notamment de la part de l'inspecteur. Reste à noter que le règlement grand-ducal qui aurait dû fixer les modalités de la formation et de son évaluation n'a jamais été pris. Honni soit qui mal y pense !

La loi du 28 avril 1992



La loi du 28 avril 1992 introduit à l'article 2 un concours réglant l'accès à la fonction d'instituteur. Jusque-là, le diplôme obtenu à la fin de la formation de l'ISERP suffisait pour briguer un poste d'instituteur.

L'introduction de ce concours s'avère nécessaire du fait qu'à la suite de la directive 89/48/CEE, un grand nombre d'étudiants font leurs études d'instituteur à l'étranger et notamment en Belgique.

La nomination à la fonction d'instituteur est désormais soumise aux conditions suivantes :

  • être détenteur d'un diplôme de fin d'études secondaires ;
  • s'être classé en rang utile pour accéder à l'ISERP ;
  • avoir accompli un cycle d'études supérieures d'une durée de trois années au moins ;
  • s'être classé en rang utile au concours réglant l'accès à la fonction d'instituteur ;
  • avoir suivi une période probatoire de deux années.


Création de l'Université du Luxembourg en 2003



La loi du 12 août 2003 portant création de l'Université du Luxembourg modifie la loi du 6 septembre 1983 précitée en remplaçant la formation supérieure de trois années dispensée par l'ISERP par un cycle universitaire complet de quatre années clôturé par un bachelor professionnel en sciences de l'éducation.

Le projet de loi concernant le personnel de l'enseignement fondamental prévoit à l'article 12 une formation d'insertion professionnelle obligatoire pendant la période provisoire portant sur les deux premières années de nomination. À l'instar du stage prévu à l'article 2 de la loi modifiée du 16 avril 1979 fixant le statut général des fonctionnaires de l'État, la révocation de la nomination provisoire peut être prononcée par le ministre, l'intéressé entendu en ses explications.

Dans l'hypothèse que le projet de loi sur le personnel de l'enseignement fondamental soit ainsi voté, les détenteurs du bachelor professionnel en sciences de l'éducation de l'Université du Luxembourg devront remplir les conditions suivantes :

  • être détenteur d'un diplôme de fin d'études secondaires ;
  • avoir passé l'examen d'admission pour accéder à la formation ;
  • avoir accompli un cycle universitaire d'une durée de quatre années ;
  • s'être classé en rang utile au concours réglant l'accès à la fonction d'instituteur ;
  • avoir suivi une formation d'insertion professionnelle pendant la période provisoire de nomination de deux années.



L'évolution du classement de la carrière à partir de la réforme de 1963



La loi du 22 juin 1963 fixant le régime des traitements des fonctionnaires de l'Etat classe l'instituteur de l'enseignement primaire détenteur du 3e et 2e rang au grade E2. L'instituteur de l'enseignement primaire supérieur (1er rang) est classé au grade E3, selon les dispositions en vigueur en ce temps-là.

La révision du tableau des fonctions par la loi du 20 décembre 1973 classe l'instituteur détenteur du brevet d'aptitude pédagogique (BAP/anc. 3e rang) désormais au grade E3, l'instituteur principal au grade E3bis et l'instituteur d'enseignement spécial et d'enseignement complémentaire au grade E3ter (brevet d'enseignement complémentaire et spécial/ anc. 2e rang). L'instituteur d'enseignement technique et professionnel (brevet d'enseignement moyen/ anc. 1er rang) est classé au grade supérieur, en l'occurrence au grade E4.

À partir de la promulgation de la loi du 27 août 1986, l'instituteur de l'éducation préscolaire et l'instituteur de l'enseignement primaire sont classés au grade E3. Après douze années, ils accèdent automatiquement à la fonction d'instituteur principal qui, elle, est classée au grade E3ter. La disposition de l'article 32 de la loi modifiée de 1912, conférant à l'instituteur principal chargé d'attributions administratives une indemnité fixée par le Gouvernement en conseil, est restée lettre morte. En fait en ce temps-là, ces attributions sont déjà exercées dans la plupart des communes par le délégué ou par le comité de cogestion. L'instituteur d'enseignement spécial et l'instituteur d'enseignement complémentaire (actuellement instituteur d'enseignement préparatoire) restent classés au grade E3ter.

Reste à noter que l'avantage d'accéder à un grade supérieur par l'obtention du premier rang ou du brevet d'enseignement moyen n'a pas été maintenu comme suite aux réformes entamées par la loi du 4 septembre 1990, le cadre du personnel de l'enseignement secondaire technique ne comporte plus des instituteurs d'enseignement technique.

Les primes de brevet



Conformément au texte original de la loi du 10 août 1912 les instituteurs avaient droit à trois primes annuelles cumulables, qui faisaient partie intégrante du traitement :

  1. une prime de 100 fr. pour le brevet d'aptitude pédagogique (3e rang)
  2. une prime de 200 fr. pour le brevet d'enseignement postscolaire (2e rang)
  3. une prime de 300 fr. pour ée brevet d'enseignement primaire supérieur (1er rang)


La loi du 5 mai 1920 concernant la révision et la majoration des traitements du personnel enseignant a aboli la prime liée au brevet d'aptitude pédagogique. En plus, les primes n'entrent plus en ligne de compte pour la fixation des traitements.

Par la loi du 19 décembre 1959, les primes annuelles relatives au 2e et au 1er rang sont fixées à respectivement 4000 et 6000 francs, au nombre indice 100.

La loi du 22 juin 1963 porte ces primes à respectivement douze et neuf points indiciaires pour les instituteurs classés au grade E2. Les instituteurs classés au grade E3 n'ont droit qu'à une prime de 9 points.

La loi du 27 août 1986 fixe la prime relative au 2e rang (CEP) à 12 points indiciaires. L'obtention du certificat de perfectionnement qui tend à remplacer le 1er rang sans pour autant en maintenir l'avantage d'un changement possible de fonction donne droit à une prime de 15 points. Ces primes sont réservées aux instituteurs classés aux grades E3 et E3ter. Les instituteurs classés au grade E4 bénéficient après dix années de grade d'une prime de 12 points.

Conclusion



La mise en œuvre des réformes de l'enseignement, tant à l'école primaire qu'au postprimaire, se base sur l'idée que le système scolaire définit dorénavant les attentes de la société vis-à-vis de l'école en termes de socles de compétences à atteindre obligatoirement par une majorité de la population scolaire aux différents seuils de la scolarité obligatoire. Elle se fonde sur un changement de paradigme qui passe par une logique de la transmission du savoir par le verbe à une logique de l'acquisition de compétences par l'action, dans des situations d'apprentissage construites « sur mesure » par les enseignants pour faire face aux exigences spécifiques posées par une population scolaire donnée.

La réforme de l'enseignement fondamental, dans sa forme actuelle, se base sur le principe de la subsidiarité et de l'autonomie partielle des écoles. Celles-ci sont appelées à mettre en œuvre un plan de réussite scolaire, adapté aux exigences locales, afin d'amener tous les élèves à la réussite scolaire. Cette révision des responsabilités à la hausse entraîne nécessairement un changement profond du « métier » d'instituteur. Il aura comme mission :

  1. la coordination collégiale des apprentissages et des évaluations au sein des équipes de cycle ;
  2. la conception et la mise en œuvre de la différenciation des apprentissages ;
  3. l'élaboration de programmes différenciés sur base des socles de compétences attendues à la fin d'un cycle ;
  4. la participation à la gestion de l'école ;
  5. la reddition de comptes aux instances nationales de l'évaluation de la qualité de l'enseignement ;
  6. la collaboration étroite avec les parents, l'organisation de leur participation.


Au moins sur le papier, l'instituteur ne revêtira plus le statut tant véhiculé de simple exécutant sans responsabilités majeures, autorisé à tourner les pages des manuels prescrits, exhorté à demander pour la moindre adaptation de son enseignement une autorisation spéciale à délivrer par l'inspectorat voire par la Commission d'Instruction.




1 Pour l'application des dispositions qui précèdent, est assimilé au temps passé au service de l'État, le (...) ainsi que le temps de formation à l'Institut pédagogique.