Une évaluation sur la lecture qui doit nous interpeller

12.09.2003

Juste avant les vacances scolaires, le MENFPS a publié une étude très intéressante qui devrait donner lieu à une réflexion en profondeur sur notre enseignement de la lecture à l'école primaire. Il s'agit de la « Description et évaluation de la lecture à la fin de l'enseignement primaire », une étude menée en Angleterre, en France et au Luxembourg avec pour but de « relever les compétences en lecture des élèves de 11 ans dans les trois pays, [et d'] analyser les pratiques pédagogiques mises en œuvre par les enseignants dans la pédagogie de la lecture ». Comme on s'y attend désormais, cette étude montre que les élèves luxembourgeois réussissent en moyenne moins bien que les élèves français et anglais, mais l'étude ne s'arrête pas à ce simple constat et fournit des détails beaucoup plus intéressants. Si les performances des élèves luxembourgeois sont encore à peu près comparables à ceux de leurs pairs anglais et français quand il s'agit de « retrouver dans le texte des informations explicites isolées » elles sont nettement inférieures quand il s'agit de « combiner des informations explicites et implicites, [et d'] argumenter ». Comme on peut s'y attendre également, ceci pourrait s'expliquer pour une partie par le fait que la compréhension d'un texte est déterminée, entre autres, par la langue maternelle du lecteur et que les élèves anglais et français ont pu lire les textes dans leur langue maternelle, alors que la plupart des élèves luxembourgeois ne lisaient pas dans leur langue maternelle. L'étude montre que ce phénomène est très frappant. Les élèves allemands réussissent significativement mieux que tous les autres quand il s'agit de lire un texte allemand, viennent ensuite les élèves luxembourgeois, puis les élèves francophones et romanophones. Situation complètement inversée quand il s'agit de lire un texte français où ce sont les élèves francophones qui réussissent de loin le mieux suivis avec un écart considérable déjà des élèves romanophones, les élèves luxembourgeois réussissant nettement moins bien dans cette épreuve.

Viennent ensuite des analyses plus fines indiquant clairement où se situent les défis à relever. Une partie de l’étude a comparé les résultats des élèves dans le test effectué en 5e avec les résultats de ces mêmes élèves dans les épreuves standardisés en 6e pour déterminer quels étaient les gains d'apprentissage des élèves en lecture allemande au cours de cette année scolaire. Ces gains se situent de façon très significative auprès des élèves fréquentant des classes où il y a moins d'élèves faibles et où il y a un haut pourcentage d'élèves luxembourgeois. Accessoirement la présence d'une bibliothèque scolaire dans l'enceinte de l'école joue encore un rôle déterminant. En clair cela signifie, l'école luxembourgeoise fait avancer les élèves qui ont déjà de bonnes performances. Ce phénomène est expliqué en partie par le fait que les enseignants ont évidemment tendance à adapter leur enseignement au niveau de la classe et que les titulaires d'une classe présentant moins de problèmes « peuvent se permettre de faire d'un côté un enseignement « plus traditionnel de la lecture » tout en introduisant une plus grande variation: recours à des textes d'autres disciplines, à la littérature de jeunesse, par exemple. Ces choix didactiques amènent de bons résultats dans des classes à complexité réduites »

Malheureusement ces classes à complexité réduite se font de plus en plus rares, on peut le regretter, mais cela n'avance à rien, il faudrait surtout se demander: Que fait l'école luxembourgeoise pour les élèves qui ont des difficultés en lecture?


Parmi eux, il s'agit en premier lieu de nos élèves romanophones et francophones qui ont de grosses difficultés dans leurs lectures allemandes et qui sont nombreux à souhaiter un appui dans leurs lectures. Un appui qu'ils ne trouvent pas vraiment, ni à l'école où on considère qu'en 5eannée d'études « l'apprentissage de la lecture est plus ou moins achevé et que [la] mission principale [des enseignants] est avant tout d'offrir aux élèves de fréquentes occasions de lire », ni à la maison où les adultes lecteurs sont plus rares et où la langue allemande n'est pas pratiquée. Comme l'allemand devient très vite langue d'enseignement, ce problème nous semble crucial et l'école luxembourgeoise est sommée d'y apporter une réponse.

En ce qui concerne les pratiques pédagogiques, il faut regretter que l'étude ne donne pas de plus amples informations sur les pratiques observées en Angleterre et en France, ce qui pourrait nous amener à réfléchir sur la nature des réformes à entreprendre. Relevons cependant que les enseignants luxembourgeois « se voient avant toutes choses, comme chargés de développer la motivation et, en deuxième lieu seulement, comme destinés à aider l'enfant qui veut encore perfectionner ses compétences en lecture, en l'amenant, par exemple, à utiliser de nouvelles stratégies de lecture en classe. » Ils agissent en cela en accord avec les recommandations du MENFPS et les avis des inspecteurs. Par ailleurs, ils semblent viser plutôt une compréhension des grandes lignes d'un texte, qu'une compréhension plus fine et détaillée. Ici l'étude donne quelques indications qu'on retrouve dans la dernière partie « Bilan et perspectives », mais il reste à mon avis encore bien des pistes à creuser. Car si l'on retrouve une belle harmonie entre les recommandations ministérielles, les avis des inspecteurs et les pratiques des enseignants, la pédagogie de la lecture, telle qu'elle est pratiquée au Luxembourg, n'arrive pas à répondre aux besoins d'une large partie des élèves. D'ailleurs les auteurs de l'étude le constatent: « Cette « pédagogie traditionnelle » ne semble donc efficace que « dans les classes sans problèmes », de moins en moins nombreuses de nos jours. Toutes ces mesures sont certes très utiles mais pour les enfants à problèmes, il faut prévoir, en sus, d'autres solutions »

Ces autres solutions à prévoir sont à développer de toute urgence, afin que des recommandations un peu plus détaillées, que celles contenues dans la circulaire de printemps puissent être formulées. Je suis convaincue que bon nombre d'enseignants seraient prêts à collaborer dans un tel projet de recherche, car ils sont nombreux à ressentir un grand malaise face aux difficultés de lecture d'un grand nombre de leurs élèves pour lesquels ils n'arrivent pas à trouver des stratégies d'apprentissage vraiment efficaces.

Monique Adam