Il ne faut pas s'embarquer sans boussole ni points de repère !

27.08.2003

Un projet de réforme vaseux…
Notre système scolaire mérite d'être réformé; là-dessus tout le monde peut se mettre d'accord.
Profitant de ce consensus, le MENFPS se croit autorisé à proposer aux établissements du secondaire technique un projet de réforme du cycle inférieur on ne peut plus vaseux, qui exclut d'un côté l'enseignement secondaire et de l'autre le régime préparatoire de l'EST.
… qui nie sa véritable nature … ,
Alors que ce projet énonce que les réformes de structure et des critères de promotion seraient des recettes traditionnelles ne permettant plus de faire face aux trop nombreux échecs, il prend carrément le contre-pied de ce discours
- en supprimant la différenciation par filières et en créant une nouvelle grille horaire commune;
- en mettant en place une évaluation par compétences et en préconisant un refoulement des élèves « non compétents » vers le régime préparatoire (un redoublement ne devant être autorisé qu'exceptionnellement par le conseil de classe );
- en introduisant au terme de la 9e une orientation contraignante plus sélective vers les classes du cycle moyen.
Dès lors, l'intention déclarée des protagonistes du projet étant de « faire passer les élèves le plus vite possible par le cycle inférieur », on pourra s'attendre à un poids plus important du régime préparatoire dans le cycle inférieur et à une prépondérance des formations professionnelles moins exigeantes dans le cycle moyen. Cela à un moment où de très nombreux élèves sortant de l'enseignement préparatoire restent sans contrat d'apprentissage et où face au défi de la société du savoir et de la formation continue, il faudrait viser de meilleures qualifications pour tous.
… dont la manière de modifier les programmes et la grille horaire est plus que contestable … ,
Revendiquant depuis longtemps un délestage des programmes, nous ne voudrions pas mettre l'accent ici sur la discussion des programmes et de la grille horaire qui accompagnent le projet. N'empêche que nous condamnons le fait que ces programmes aient été élaborés à huis clos par quelques enseignant-e-s ( un-e enseignant-e par branche ! ) au cours du 1er trimestre de cette année scolaire, et que la grille horaire désavantage fortement les sciences sociales, qui n'étaient pas représentées dans le groupe de travail.
… qui ne comporte ni analyse fondamentale, ni moyens de mise en œuvre … ,
Ce qui nous inquiète davantage, c'est que le projet se passe à la fois d'une évaluation sérieuse des problèmes de l'EST et d'une mise à disposition de moyens (personnel, formation, infrastructures) pour surmonter ceux-ci. Toutes les questions que nous avons posées aux responsables du projet au sujet de la mise en œuvre concrète se sont soldées par la même réponse stéréotypée: « C'est aux lycées techniques, dans le cadre de leur nouvelle autonomie, de trouver des solutions ».?Confronté aux difficultés qu'auraient les enseignant-e-s à réaliser les programmes prévus avec des classes comportant des élèves de niveaux très différents, le MENFPS vient de proposer - faute de mieux - un remède stupéfiant: les lycées techniques n'auraient qu'à constituer des classes homogènes faibles, moyennes et fortes - sans dire leur nom bien entendu. Nous appelons cela une incitation à la fraude sur les étiquettes vis-à-vis des élèves et de leurs parents et nous nous demandons quels critères objectifs pourraient sous ces conditions guider les conseils de classe.
… et dont il faut par conséquent se garder.
Nous observons avec appréhension que le MEN cherche actuellement à convaincre des lycées techniques à s'embarquer dans cette expérience dont les tenants et les aboutissants sont plus qu'incertains, et que les directions de certains établissements y semblent déjà acquises sans attendre l'accord des enseignant-e-s et des parents d'élèves. Le projet contient certes l'objectif louable de créer un « environnement stable et attentionné » pour les élèves (classes stables, équipe réduite d'enseignant-e-s, tutorat, réaction immédiate en cas de difficulté). Nous pensons cependant que de telles mesures - que nous soutenons de plein cœur et qui font d'ailleurs déjà l'objet de projets-pilotes dans certains lycées et lycées techniques - pourraient être généralisées indépendamment des autres mesures qui font l'objet du projet sous revue, c'est-à-dire l'abolition des filières, la modification des critères de promotion et le remplacement des programmes et de la grille horaire sans passer par les commissions nationales.
Il faut aider au lieu de sélectionner, et cela dès le début de la scolarité !
De telles modifications, qui touchent à la structure de l'EST, nécessitent un diagnostic sérieux et des mesures d'accompagnement au niveau national. Parmi celles-ci figurent notamment une réflexion poussée sur les méthodologies, particulièrement au niveau de l'enseignement des langues, et des aides individualisées à apporter aux élèves en difficulté dès le début de la scolarité. Aider au lieu de sélectionner, telle est la révolution copernicienne dont l'école luxembourgeoise a besoin !

Luxembourg, le 6 mars 2003