Halte à une législation scolaire qui risque d'étouffer l'innovation pédagogique ! (Editorial journal 1/2004)
Les projets de loi concernant l'Education nationale que le Gouvernement entend faire voter avant les élections de juin prochain sont nombreux et volumineux. De plus, ils sont attendus depuis longtemps. La réforme de la loi scolaire de 1912 a déjà été entamée en partie sous la législature précédente, le projet de loi portant organisation des lycées et lycées techniques devrait conférer une certaine autonomie à nos écoles.
Il est vrai que de longues discussions ont accompagné l'élaboration des différents projets de loi, mais ces discussions se sont souvent apparentées à un dialogue de sourds. Les différents partenaires, syndicats des enseignants, associations de parents d'élèves, autorités scolaires ont certes eu l'occasion d'émettre leurs avis sur les textes successifs élaborés par un groupe de travail du ministère, mais à aucun moment, les différents points de vue n'ont pu être approfondis et il n'a pas été prévu de chercher à les rapprocher. A plusieurs reprises, de nouveaux textes ont été élaborés par le groupe de travail du ministère, mais les différents partenaires n'avaient que très rarement la chance d'y retrouver l'une ou l'autre de leurs propositions. Madame Brasseur ne cessait en effet d'affirmer que devant des propositions divergentes, voire contraires, c'était à elle en tant que responsable politique que revenait la charge de trancher. Sans contester la légitimité de sa responsabilité politique, il faut se poser la question si elle n'avait pas été mieux avisée de chercher à rapprocher les points de vue des différents partenaires pour développer une vision commune de l'école de demain. Je ne crois pas que cela aurait été impossible, à condition que chacun discute franchement et honnêtement ses propres positions et surtout à condition de créer un cadre ou des discussions controverses, mais menées dans l'optique de la recherche d'un consensus soient possibles. Cette occasion a été ratée et le Gouvernement soumet finalement à la Chambre des députés trois projets de loi extrêmement controversés, tant par les enseignants que par les parents d'élèves.
Or, depuis le projet de base sur l'école, en passant par le projet portant organisation de l'éducation préscolaire et de l'enseignement primaire jusqu'à celui portant organisation des lycées et lycées techniques, on rencontre partout une même vision de l'école qui me semble être celle de notre actuelle Ministre de l'Education nationale, à savoir une conception très hiérarchique où le ministère contrôlerait tous les flux d'information et indiquerait la voie à suivre. Avec comme toile de fond le « back to basics », datant d'une époque où les recettes-maison fonctionnaient encore.
Même si des innovations pédagogiques concrètes se retrouvent rarement dans des lois-cadres scolaires, il faut admettre que certaines dispositions législatives sont plus propices aux initiatives pédagogiques que d'autres et que c'est l'esprit fondamental d'une loi qui donne le cap pour la mise en oeuvre future. Dans cet ordre d'idées, les projets actuels risquent d'enfermer l'école luxembourgeoise dans un carcan qui l'étouffera à la longue.
Il faut éviter que ces textes - qui une fois votés marqueraient le paysage scolaire pendant une dizaine d'années au moins avant qu'on ne les remette en question - passent la Chambre à la va-vite avant les prochaines élections. Leur rediscussion dans un esprit d'ouverture doit être possible. Après PISA, l'école luxembourgeoise n'a aucun intérêt à se recroqueviller sur elle-même, ce n'est qu'en impliquant tous les partenaires dans la recherche de solutions originales qu'elle saura relever les défis.