Profs en manque
Le SEW n'est pas content: L'enseignement postprimaire manque de professeur-e-s et la ministre ne réagit pas avec l'urgence nécessaire.
Il n'y a pas assez de personnel qualifié dans notre enseignement. La nouvelle est, pour ainsi dire, vieille. Mais ce n'est pas pour autant qu'une amélioration de la situation serait en vue. Début février, le ministère de l'Education annonçait en matière d'enseignement postprimaire: "On constate que par rapport au plan de recrutement prévoyant 141 postes, 34 postes n'ont pas pu être pourvus."
Un problème majeur, puisque la situation se répète d'année en année. En 2000, 28 postes manquaient. En 1999, ce chiffre s'élevait à 34 unités. Or, environ 1.000 élèves supplémentaires par an peupleront nos lycées. Et on estime que 370 professeur-e-s partiront à la retraite au cours des cinq prochaines années. D'où le recours massif à du personnel bon marché et pas forcément qualifié: les chargé-e-s d'éducation.
En 1997, un vice de forme avait obligé le ministère à donner un contrat à durée indéterminée à plus de 200 chargé-e-s. Trois années plus tard, on en est à nouveau au même niveau: 50 chargé-e-s d'éducation dans l'enseignement secondaire (ES) et 212 dans l'enseignement secondaire technique (EST).
N'importe qui, n'importe quoi
Ainsi, le SEW (Syndikat Erzéiung a Wëssenschaft) du OGB-L avait insisté, lors de sa rencontre avec la ministre de l'Education, le 30 janvier dernier, sur la politique de recrutement. Il serait d'abord urgent de définir clairement les objectifs et les critères du concours d'admission au stage pédagogique; critères peu transparents. Mais le SEW a surtout formulé une proposition concrète: que le concours d'admission soit suspendu dans les branches où il y a pénurie. C'est le cas pour les langues vivantes, les mathématiques et l'enseignement pour professions de santé. Le SEW trouve que, pour ces branches caractérisées par un manque de professeur-e-s, il n'y a pas lieu de contrôler une deuxième fois les connaissances théoriques des personnes candidates qui sont toutes titulaires d'un diplôme homologué par l'Etat luxembourgeois dans leur spécialité.
"Nous sommes déçus, irrités même, du déroulement de notre discussion avec Anne Brasseur et ses principaux fonctionnaires",estime Chantal Serres du SEW. "Quand nous avons proposé cette suspension de l'examen-concours sous certaines conditions - une solution simple pour remédier à la pénurie de personnel enseignant - la ministre a admis l'urgence du problème, mais elle n'a pas pris la responsabilité politique de vouloir y remédier. Elle a préféré se cacher derrière ses fonctionnaires."
L'argument avancé par ces derniers? En bon patron, l'Etat ne doit pas engager "n'importe qui" et l'examen-concours garantirait la qualité professionnelle du personnel enseignant. C'est bien beau tout ça, mais pour remédier au manque de personnel qui s'ensuit, le ministère se voit obligé d'engager des chargé-e-s d'éducation qui ne reçoivent aucune formation pédagogique.
Guy Foetz du SEW explique: "A cet argument, les fonctionnaires nous ont répondu: 'Oui, mais les chargés de cours ne sont pas fonctionnarisés.' Et ces personnes recevraient dorénavant une formation de quatre jours. J'ai fait le tour dans le bâtiment où j'enseigne: Aucun des nouveaux chargés n'a reçu une telle formation... En outre, beaucoup de personnes qui veulent passer l'examen-concours donnent des cours depuis plusieurs années en tant que chargé. En cas d'échec, le ministère leur dit qu'elles ne sont pas acceptées au stage. Le lendemain, ces personnes se retrouvent devant une classe à enseigner sous le statut de chargé d'éducation."
La logique ministérielle est donc bien impénétrable. En pratique, l'éducation nationale se dégrade en un système à deux classes, dans lequel chargé-e-s et professeur-e-s se sentent exploité-e-s. Ainsi, les heures supplémentaires ne sont plus exceptionnelles depuis des années: une à quatre heures supplémentaires par semaine représentent la moyenne actuellement prestée par chaque professeur-e. Devant cette situation, l'inaction du ministère chauffe les esprits. "Samedi libre, invocation d'une nouvelle rigueur et réformettes par-ci, par-là, c'est tout ce qu'Anne Brasseur semble vouloir mettre sur pied. Où reste cette offensive pédagogique qu'elle nous avait promise?", se plaint Chantal Serres. Guy Foetz n'en a pas moins marre: "Aller régulièrement au ministère, oui, mais pas pour se retrouver à faire la causette sans pouvoir espérer des résultats tangibles."
D'une foire à l'autre
Le SEW veut adopter une attitude plus offensive à l'égard d'Anne Brasseur et de son ministère. Encore faudra-t-il savoir s'armer jusqu'aux dents contre un ministère qui annonce - sur 100,7 - comme mesure possible, l'instauration d'un statut spécial pour les enseignant-e-s de langues de l'EST, qui n'auraient donc pas besoin d'autant de qualifications que ceux et celles de l'ES. Par ailleurs, le ministère termine son communiqué au sujet de la pénurie d'enseignant-e-s, par une promesse: "Au vu de l'expérience positive de 2000, le Ministère compte se présenter dorénavant régulièrement non seulement à la Foire des Etudes, mais également lors d'autres manifestations comme p.ex. à la Foire de Printemps 2002." Et qu'en sera-t-il de la Foire aux Vins?
Germain Kerschen / WOXX 9/02/2001