Avis LTJB Mamer
Avis du SEW sur l'avant-projet de loi portant création
- d'un établissement d'enseignement secondaire technique
sur le territoire de la commune de Mamer
- d'un service éducatif auprès des lycées et lycées techniques
Dénomination du nouveau lycée technique
Après le "Stade Josy Barthel" à Luxembourg-Ville, voici donc le "Lycée technique Josy Barthel" situé dans la localité d'origine du titulaire luxembourgeois d'une médaille d'or olympique, ingénieur-chimiste et ancien ministre, issu des rangs du parti démocratique. D'après l'exposé des motifs, il s'agit d'honorer sa mémoire et de mettre en évidence l'identité technique et scientifique du nouvel établissement.
Or le SEW est d'avis qu'il est d'une part exagéré de créer un deuxième établissement public au nom de Josy Barthel et qu'il conviendrait d'autre part, dans le sens de l'actuelle politique de l'égalité des chances, d'équilibrer quelque peu la situation en donnant à ce nouveau lycée le nom d'une femme. Mis à part le lycée Aline Mayrisch, tous les autres portent en effet des noms d'hommes alors que le Luxembourg compte quelques personnalités féminines aussi dignes à léguer leur nom à un établissement scolaire que leurs homologues masculins. C'est pourquoi nous proposons par exemple Marguerite Thomas-Clement, qui était institutrice et première députée luxembourgeoise. Mais on pourrait certainement trouver d'autres femmes qui ont fait progresser le pays et mériteraient qu'on se souvienne d'elles. Le SEW propose que le MENFPS demande au Ministère de la Promotion féminine ou au Centre d'information et de documentation des femmesThers Bodé d'établir une liste avec des personnalités intéressantes.
Une autre possibilité serait de donner simplement à ce lycée une dénomination géographique: Lycée de Mamer.
Structure du nouveau lycée technique
L'avant-projet de loi sous revue visant à créer le lycée comme unité administrative et pédagogique entend redresser l'orientation initiale contenue dans la loi du 03/08/98 qui autorisait la construction: "A l'origine, cet établissement était prioritairement destiné à accueillir un grand nombre d'élèves du régime préparatoire afin de décongestionner les lycées de la capitale qui offrent ce régime" et "l'exposé des motifs (...) précisait que l'implantation de formations professionnelles pouvait être envisagée dans une phase ultérieure".
Par l'orientation modifiée, on veut "éviter de présenter le futur établissement (...) comme un implant destiné à résoudre (...) les problèmes d'organisation du régime préparatoire sur le territoire de la ville de Luxembourg" et "lui donner une assise régionale forte". Ainsi, dans le cycle inférieur, le nouveau lycée accueillera à la fois des classes de l'enseignement secondaire et de l'enseignement secondaire technique, y compris le régime préparatoire. En ce qui concerne les cycles moyen et supérieur, l'établissement est conçu pour les formations techniques et professionnelles. Le plan retenu prévoit par conséquent la construction de 16 ateliers.
Le SEW-OGB-L approuve le coexistence des différents ordres d'enseignement dans le cycle inférieur et l'incorporation immédiate des cycles moyen et supérieur dans le nouveau lycée technique. Remarquons pourtant qu'il faut veiller à ce que toutes les voies de formation (théorique, polyvalente et pratique) du cycle inférieur de l'EST soient organisées et à ce qu'on dispose d'un nombre suffisant d'élèves dans le régime préparatoire pour pouvoir organiser les différents modules.
En raison de l'augmentation du nombre d'élèves dans l'enseignement postprimaire, présentée par l'exposé des motifs de l'avant-projet comme un "élément nouveau" - décidément, le MENFP(S) ne cesse de nous étonner - les lycées de la région "Centre" n'arrivent plus à accueillir tou-te-s les candidat-e-s, notamment dans les classes préparant à un métier de l'artisanat. Il s'agira donc comme le précise l'exposé des motifs "de procéder dans les prochaines années à une répartition plus rationnelle des formations sur les différents lycées de la région Centre". Et de proposer - après concertation avec les responsables des lycées techniques de la région Centre - d'"axer (...) les formations sur les métiers du bâtiment aussi bien au niveau CITP ou CATP qu'au niveau de la formation du technicien". Les formations du génie civil et du bâtiment, dispersées actuellement sur trois sites (LTAM, IST et centre de Helfenterbruck) seront regroupées à Mamer. Parallèlement, la formation de la division technique générale sera offerte dans le nouvel établissement.
Le SEW/OGB-L approuve le projet consistant à spécialiser les lycées techniques à l'intérieur d'une région, projet qui figure d'ailleurs dans le programme gouvernemental. Notons qu'une première tentative de créer des pôles scolaires régionaux spécialisés au niveau de l'EST date de l'ère Fischbach. Après les fortes pressions exercées par les directions des lycées techniques les plus importants, cette tentative s'était soldée cependant plus ou moins par le statu quo: les "grands" lycées techniques continuent d'offrir toute la panoplie, tandis que les "petits" doivent se contenter des miettes, suivant les aléas de la demande.
Fonctionnement du nouveau lycée technique
L'ouverture du nouveau lycée technique est prévue pour la rentrée 2002/2003 avec les classes de 7e ES et EST ainsi que les formations du génie civil et du bâtiment du LTAM, qui seront transférées en bloc. Suivant l'exposé des motifs, les autres classes des cycles inférieur et moyen seront créées en fonction de l'intérêt des élèves et de leurs parents; une campagne d'information est prévue.
Le SEW/OGB-L invite le MENFPS à mettre en place la direction du nouveau lycée technique dès le vote de la loi et de l'aider à promouvoir rapidement le nouveau lycée. Une concertation avec les directions des autres lycées techniques de la région Centre s'impose également.
Création d'un service éducatif
La mise en place d'un service éducatif auprès de chaque lycée et lycée technique public constitue une innovation qui va bien au-delà de la création du lycée technique de Mamer comme unité administrative et pédagogique. Voici donc qu'on profite encore d'un projet très particulier - la création d'un établissement secondaire technique - pour introduire des mesures d'ordre beaucoup plus général. Ce procédé a notamment déjà été utilisé lors du 1er projet "Geessekneppchen", où l'ancienne ministre a voulu faire passer parallèlement la reconnaissance du "Bac International".
Mis à part le fait qu'on peut facilement interpréter cette façon de procéder comme malhonnête, notre syndicat la rejette pour deux autres raisons interdépendantes:
- elle risque de retarder la procédure législative pour le projet particulier principal
- elle risque de conduire à du travail bâclé pour les mesures d'ordre plus général.
Nous invitons par conséquent la ministre compétente à faire des dispositions du chapitre 2 et du point c du chapitre 3 un projet de loi à part. Cela nous semble s'imposer d'autant plus que les dispositions sous revue concernant les fonctions et le cadre du nouveau service éducatif restent trop imprécises et que les réflexions sous-jacentes dans l'exposé des motifs sont à notre avis tout à fait immatures.
D'autre part, il nous semble que la création d'un service éducatif dans un lycée ou lycée technique remet en cause le cadre et les fonctions des SPOS en tant que tel. En outre, il conviendrait de définir avec précision les relations entre le SPOS et ce service éducatif d'une part et les liens hiérarchiques avec la direction du lycée et la direction du CPOS d'autre part.
Sans entrer dans les détails de ces questions fondamentales - à discuter à une occasion ultérieure, nous l'espérons - nous nous limiterons par la suite à mettre en évidence les déficiences du texte actuel !
Déficiences terminologiques d'abord !
- L'article 7 de de l'avant-projet cite les assistants pédagogiques comme membres éventuels. Or, dans l'exposé des motifs il a été relevé à juste titre que la création de cet emploi en 1990 n'a été suivie d'aucun engagement effectif. Quels assistants-fantômes vise-t-on alors ?
- Tout au long du texte, on utilise le terme impropre d"éducateur"; nous supposons qu'on vise ici l'éducateur et l'éducatrice diplômé-e.
Déficiences fondamentales ensuite !
a) D'après l'article 7 de l'avant-projet, "le personnel du service éducatif peut comprendre des membres du personnel enseignant, des fonctionnaires et employés du SPOS, des assistants pédagogiques et des éducateurs". Quelle sera l'incidence du terme "peut" sinon de rendre facultative et futile toute collaboration éventuelle ? Ne devrait-on viser à créer dans chaque établissement un seul service comportant une équipe pédagogique efficace sur la base de responsabilités et de profils de fonctions bien définis. Ne devrait-on préciser et discuter le rôle de tou-te-s les intervenant-e-s au sein de cette équipe comme au sein du SPOS ?
b) L'exposé des motifs part de l'idée que "le fonctionnement d'un enseignement fructueux exige aujourd'hui que le temps qui n'est pas consacré à l'enseignement, pendant ou en dehors des heures de cours, soit utile et contribue à l'éducation du jeune". Et de poursuivre: "L'équipe éducative est en charge du contrôle de l'assiduité des élèves, de l'accompagnement des déplacements des élèves et de l'organisation de la surveillance. Elle participe également à l'application des mesures de sécurité des élèves. En ce qui concerne l'animation éducative, l'équipe éducative sera disponible pour des relations et contacts directs avec les élèves sur le plan de la classe et sur le plan individuel; elle organise les temps de loisirs (activités culturelles, récréatives). L'équipe éducative organise aussi la concertation et la participation des élèves, notamment par l'encadrement des délégués de classe".
Ces intentions n'ont cependant pas été transposées telles quelles dans le texte de l'avant-projet de loi: on se limite à y inscrire que "le service éducatif est chargé d'assurer la surveillance et la prise en charge éducative des élèves". Nous craignons par conséquent que les éducateurs et éducatrices diplômé-e-s ne soient surtout appelé-e-s à jouer le rôle de surveillant-e-s dans le sens traditionnel du terme. Cette crainte nous semble d'autant plus fondée que l'exposé des motifs regrette que l'emploi d'assistant pédagogique créé en 1990 n'ait pas donné lieu à un engagement effectif et que l'emploi de l'assistant à la direction, créé en 1995 dans le cadre des mesures contre le chômage n'ait pas permis de résoudre le problème de la surveillance: "Pendant l'année scolaire 1999/2000, un tiers du volume total des heures de surveillance organisées dans les lycées et lycées techniques a dû être assuré par des enseignants parce que les assistants à la direction (...) n'étaient pas disponibles en nombre suffisant. Ainsi l'exposé des motifs conclut: "Afin d'affecter le plus possible les enseignants à des tâches d'enseignement, il est proposé de transformer en priorité le volume de surveillance actuellement assuré par des enseignants en nouvelles tâches d'éducateur; ceux-ci seront chargés de la surveillance des élèves, ainsi que de tâches d'animation et de travaux administratifs."
Les discussions autour de nouveaux rythmes scolaires et d'un lycée à plein temps (cf. projet LYCOPA) ont montré que le rôle des éducateurs-trices diplômé-e-s (et gradué-e-s !) dans les lycées et lycées techniques reste à être clarifié !
Le présent projet de loi ne fournit dans cette direction aucun élément nouveau; pire, en décrivant les éducateurs-trices diplômé-e-s avant tout comme des surveillant-e-s ou des employé-e administratifs et administratives (quelle perspective pour des personnes qui ont choisi cette voie professionnelle !) il risque de faire de ces personnes de nouveaux pions à l'instar des "assistants à la direction" et de bloquer la discussion à long terme sur les fonctions éducatives de l'école.
Ceci est d'autant plus étonnant que l'engagement des chômeurs et chômeuses "bac+" sous la dénomination d'assistants à la direction, ne semble pas avoir donné satisfaction aux auteurs de l'avant-projet. En effet, l'exposé des motifs conclut à leur propos que "la composition hétéroclite de la population des candidats potentiels ainsi que le caractère éphémère de cette occupation (...) place les directions devant l'impossibilité de concevoir une prise en charge de leurs élèves qui aille au-delà du simple maintien journalier de la discipline." Il rejoint ainsi la critique formulée à ce sujet par le SEW/OGB-L à l'occasion de la rentrée scolaire 1995: " Pour faire face à bref délai au manque flagrant d'enseignant-e-s dans les lycées et lycées techniques, le MENFP vient de recourir à l'engagement à durée déterminée de 50 chômeurs „bac+“ pour assurer la surveillance. Négligeant d'une part l'aspect du manque total de perspectives professionnelles pour ces personnes, recrutées dans le cadre des décisions tripartites en matière de „nouveaux gisements d'emplois“, les responsables du MENFP semblent d'autre part être d'avis que pour surveiller (et occuper utilement) des élèves, on n'a besoin ni d'intérêt ni de formation pédagogique; ni d'autorité fondée sur un engagement éducatif vis-à-vis des élèves, au-delà des heures de surveillance.
Après l'histoire, toujours sans fin, des chargé-e-s de cours, une nouvelle étape vient donc d'être franchie en matière de politique de personnel enseignant: voilà que des chômeurs prennent le chemin de l'école, non pour se recycler ou pour être formés, mais pour surveiller des élèves (pendant deux années au maximum), en attendant de trouver un emploi, ... !
Enfin, si dans la meilleure hypothèse possible, ils en trouvent, ils quitteront leur poste de surveillant-e du jour au lendemain, causant de nouveaux problèmes de remplacement dans le lycée auquel ils étaient affectés.
Quelle politique de l'enseignement, quelle politique de l'emploi !
Les responsables du MENFP ne se rendent-ils pas compte de l'impact de leurs mesures improvisées sur les femmes et les hommes concernés ainsi que sur l'organisation des établissements scolaires ? Le gâchis au niveau des chargé-e-s de cours ne leur a-t-il pas servi d'exemple à ne plus suivre ? Ne devraient-ils enfin mettre en oeuvre une politique de recrutement à long terme, plutôt que de lancer la production d'un nouveau type de pion ?"
Dispositions budgétaires et finales
Cette partie de l'avant-projet a pour but de régler la question des engagements en autorisant un dépassement du numerus clausus budgétaire normal.
a) Nous approuvons le recrutement, pour le nouveau lycée technique, d'un-e bibliothécaire-documentaliste, indispensable, à notre avis au bon fonctionnement du CDI d'un établissement scolaire.
En revanche, aucun personnel n'est prévu pour le service de la cantine ! Ce service sera-t-il privatisé comme cela est prévu dans le programme gouvernemental ?
Nous tenons à rappeler que le SEW/OGB-L rejette la privatisation de la restauration scolaire pour trois raisons:
- nous sommes convaincu-e-s que seule une cantine scolaire publique peut s'insérer dans le cadre général des structures d'accueil, puisqu'elle doit constituer un pôle d'attraction pour l'ensemble de la population scolaire de l'établissement scolaire tout au long de la journée;
- nous réclamons pour nos membres et nos élèves le droit de prendre des repas sains dans un cadre agréable, protégé de l'influence d'intérêts financiers privés qui sont bien entendus friands d'un marché qui est en train de prendre de l'ampleur dans les écoles luxembourgeoises;
- la tendance de l'outsourcing avec comme corollaires d'une part la perte de contrôle des différentes entités et la dilution des responsabilités et d'autre part le statut précaire (contrats à temps partiel et durée déterminée) du personnel dans ce secteur ne mérite pas d'être soutenue mais au contraire combattue.
a) A côté d'un-e psychologue diplômé-e, le SPOS du nouveau lycée technique disposera d'un-e assistant-e social-e et d'un-e éducateur-trice gradué-e, comme cela a été fixé dans la loi concernant le plan national en faveur de l'emploi de janvier 1999. Or, lequel ou laquelle des deux coordonnera le travail des éducateurs-trices diplômé-e-s ? En effet, l'exposé des motifs indique à ce sujet: "(...) le travail [des éducateurs-trices diplômé-e-s] est coordonné par l'éducateur gradué ou l'assistant social en place ".
Voici encore une exemple flagrant du manque de précision de l'avant-projet !
Au-delà de cette imprécision, nous tenons à insister qu'il n'existe toujours pas de profil du poste de travail des éducateurs-trices gradué-e-s, prévu-e-s dans la loi PAN. L'Etat engage donc du personnel hautement qualifié sans avoir défini auparavant ni leur tâche, ni leurs responsabilités ! Une telle démarche n'est plus tolérable.
b) Pour les services éducatifs des différents lycées et lycées techniques publics, 100 éducateurs-trices diplômé-e-s seraient engagé-e-s par tranches annuelles de 20 unités. L'ampleur des engagements prévus souligne une nouvelle fois la nécessité de préciser d'abord le rôle de ce nouveau type de personnel dans l'enseignement postprimaire - dans le sens proposé ci-dessus par notre syndicat - et de faire des services éducatifs l'objet d'un projet de loi à part.
c) Ne risque-t-on pas d'avoir le même problème de recrutement déjà existant au niveau du recrutement de personnel éducatif au niveau du Centre Socio-Educatif de l'Etat à Dreiborn, pour ne citer qu'un exemple. Un service éducatif auprès des lycées techniques du pays devrait pouvoir recruter son personnel parmi des éducateurs-trices diplômé-es avec une certaine expérience professionnelle. Or, à l'état actuel des choses, l'éducaetur-trice diplômé-e ayant acquis-e son expérience professionnelle dans le secteur privé et dont cette expérience ne sera pas prise en compte pour le calcul de l'ancienneté de service ne sera guère attiré par les conditions de travail d'un tel service éducatif. Des dispositions spécifiques à ce sujet devraient être pr ises.
SEW/OGB-L Luxembourg, le 2 octobre 2000