Journal 3 / 2017 : Editorial

20.06.2017

Depuis le début de la législation actuelle, le ministre Meisch a annoncé toute une pléthore de mesures allant, pour la plupart, dans le sens d’une diversification du paysage éducatif.

Mais, sous la couverture d’une plus grande autonomie accordée aux établissements scolaires et au nom d’une population de plus en plus diversifiée à laquelle il faut répondre par une offre tout aussi diversifiée, le ministre Meisch ne participe en fait qu’au démontage, sournois mais efficace, de l’école publique et fait entrer, à pas de géant, la privatisation et la marchandisation dans l’espace éducatif.

Pour y arriver, le ministre Meisch est aidé par les « on-dit » sur l’image dégradée de l’école publique enrôlée dans une spirale d’échecs scolaires, de dégradation du niveau général des élèves, d’accroissement des inégalités, …, « on-dit » dispersés à rythme régulier aussi bien par le monde politique qu’économique et relayé par la plupart des médias, « on-dit » qui provoquent un sentiment d’incompréhension et de désapprobation des parents à l’égard de cette école publique et une attirance de plus en plus prononcée en faveur d’un enseignement privé fait sur mesure.

A l’avenir, si nous n’y prenons garde, d’une école à l’autre, nous serons exposés à une déréglementation de plus en plus poussée de l’enseignement tel que nous le connaissons aujourd’hui. Le risque est réel d’aboutir à un grand marché lucratif de l’éducation, dans lequel on s’orienterait non plus en fonction du lieu, mais plutôt en fonction des croyances, de l’idéologie, du statut social, de la nationalité, de la langue maternelle, … Bientôt, c’en sera fini de l’école publique, ouverte à toutes et à tous, qu’importe le statut social, l’origine, la croyance, … remplacée qu’elle sera par des écoles qui, au cas par cas, répondront mieux à tel ou tel besoin, à telle ou telle vision de la société.

A quand les premières écoles privées pour musulmans, pour juifs, pour ceux qui veulent être alphabétisés en français, en anglais, en allemand, en portugais, en serbo-croate et à qui dit mieux ?

A quand les premières écoles privées confessionnelles qui n’auront plus besoin de se conforter aux programmes officiels, poussées par l’orientation de la récente réforme de l’enseignement secondaire et de l’autonomie poussée des lycées qui feront que même nos lycées publics actuels n’auront plus besoin de respecter à la lettre les programmes nationaux.

A quand les écoles privées gérées par des communautés religieuses qui proposeront des contenus erronés, tendancieux, qui éviteront des pans entiers du savoir, que ce soit au niveau des sciences, de l’histoire, des arts, … ?

A quand le développement de toutes sortes d’écoles « libres » à la façon des « charter schools » américaines ou des « free schools » anglaises ?

A quand l’entrée du secteur privé et des fonds d’investissement dans le financement de l’éducation ?

A quand le moment crucial où une majorité de parents sera convaincue de la supériorité de l’éducation privée par rapport à l’éducation publique et qu’ils accepteront sans brancher de payer grassement pour le bien-être futur de leur progéniture ?

Nous sommes à l’aube d’un démantèlement massif de l’école publique et du vivre-ensemble. Deux conceptions s’affrontent aujourd’hui : soit l’éducation, perçue comme un bien commun accessible à tous, soit l’éducation perçue comme un service pour lequel on est prêt à payer, un bien de consommation comme un autre.

L’école publique, une éducation gratuite pour tous et tournée vers l’excellence, voilà un « acquis » pour lequel nos ancêtres se sont longtemps battus. Ne nous laissons pas faire. L’école publique vaut la peine d’être défendue. Il y va de notre avenir et de notre conception d’une société juste et égalitaire.

L’éducation n’est pas une marchandise. Elle n’est pas à vendre. Elle nous appartient à tous et c’est tous ensemble que nous devons la défendre, que nous allons la défendre.



Jules Barthel