Trop de contrats précaires dans le domaine de la recherche ?
Selon les critiques, cela devient de plus en plus difficile, aussi au Luxembourg, de trouver un CDI après un doctorat ou un post-doc.
« Ce phénomène est tellement courant qu’il a même déjà un nom : the postdoc-trap », critique Tina Angerer. Des études de biologie en Autriche, ensuite un doctorat en Suède suivi d’un post-doc aux États-Unis. La chercheuse a ensuite espéré un contrat fixe. Ce calcul n’a pas abouti, la crise de la Covid-19 n’a bien sûr pas aidé.
L’Autrichienne de 35 ans réalise dorénavant un autre post-doc au Luxembourg. Elle est reconnaissante qu’elle ait obtenu un contrat de deux ans en pleine pandémie. La pratique de nombreux CDD dans la recherche constitue pour elle un problème depuis longtemps. « Il y a de plus en plus de postes post-doc et moins de postes permanents. Voilà pourquoi les gens passent d’un post-doc à un autre et il devient de plus en plus difficile de trouver un emploi permanent. »
Pas de stabilité, pas de prévisibilité
Cette tendance venue de l’étranger se retrouve également dans la nouvelle convention pluriannuelle entre le Ministère de l’Enseignement supérieur, Uni.lu et les centres de recherche publics, critique l’OGBL. Dans les projections jusqu’à 2025, une hausse des CDD est prévue. La proportion des contrats à durée déterminée à Uni.lu augmenterait ainsi de 55,2% à 60%.
« Or ce sont souvent des personnes d’une trentaine d’années, qui fondent une famille, qui achètent peut-être un logement, qui ont besoin de certitudes en matière de planification au-delà de 5 ans. » selon Frédéric Krier, secrétaire central du SEW/OGBL. Alors que les CDD sont généralement limités à 2 ans, ils peuvent durer jusqu’à 5 ans dans la recherche. Il serait par exemple difficile d’obtenir un prêt dans une telle situation, ajoute Frédéric Krier.
Augmentation du financement externe
« 50% des CDD dans la recherche publique sont des doctorants, le reste des post-docs. », explique Léon Diederich, Premier Conseiller au Ministère de l’Enseignement supérieur. L’augmentation des CDD des prochaines années serait liée au financement externe des projets de recherche.
« Ce sont pour la plupart des projets entre 3 et 5 ans, avec essentiellement des doctorands et des postdocs. Le financement de ces projets devrait augmenter plus que le financement de base du Ministère. Cela fait que la proportion de CDD augmente légèrement », déclare le haut fonctionnaire. Léon Diederich précise également que les chiffres des conventions sont des approximations, et non pas des objectifs définis.
L’OGBL exige plus de CDI dans l’intérêt du site de recherche Luxembourg
L’OGBL exige plus de CDI. Ceci serait non seulement dans l’intérêt des chercheurs, mais également pour le site Luxembourg, afin de garder le savoir et les compétences au pays.
Selon la Commission européenne, le Luxembourg serait pourtant attractif pour les chercheurs, affirme Léon Diederich. Les CDD seraient limités aux jeunes chercheurs. Ils devraient même avoir un salaire et une couverture sociale durant leur doctorat au Luxembourg. Ceci vaut d’ailleurs pour tous les pays.
« Les jeunes chercheurs apportent beaucoup de nouvelles connaissances, qu’ils mettent à disposition des entreprises. Or, ces dernières ne sont pas obligées à donner de la stabilité en contrepartie. »
Le désir de Tina Angerer pour plus de stabilité a finalement été exaucé. Même si ce n’est pas au Luxembourg. Elle a obtenu un contrat indéterminé en Suède et va y déménager sous peu avec son mari.
De Raphaëlle Dickes, RTL, publié le 04/05/2022 www.rtl.lu
Traduction : SEW/OGBL