L’école publique menacée

La politique scolaire du gouvernement actuel risque de mettre l’école publique en péril. Comme un rouleau compresseur, le ministre n’a pas hésité à réformer le système scolaire suivant une idéologie néolibérale et des principes marchands. Il a d’ailleurs pu s’appuyer sur des lois et structures mises en place par sa collègue libérale Anne Brasseur, mais nullement remises en question par la ministre socialiste Mady Delvaux. Ce qui est nouveau, c’est l’accélération dans la dégradation des conditions de travail au sein de l’école publique et les offres scolaires basées sur des régimes linguistiques divers introduites dans l’école publique, mais en partenariat avec des fournisseurs de programmes étrangers. Les partis politiques, pourtant dits de gauche, faisant parti du Gouvernement actuel, à savoir le Parti socialiste et les Verts, semblent soutenir cette politique scolaire et laissent la main libre au ministre libéral.
Le ministre s’est appliqué à discréditer auprès des enseignants et de l’opinion publique, le seul syndicat qui organise actuellement la résistance à sa politique, à savoir le SEW/OGBL. Le ministre a massivement renforcé son service de communication afin de déjouer d’avance toute pensée critique pouvant parvenir de la part des parents ou des enseignants face à sa politique néolibérale.
Il a refusé tout dialogue avec le SEW/OGBL et s’est limité à trouver des accords avec un SNE/CGFP trop consentant. Il est vrai que dans les cas du récent accord sur le stage des enseignants du fondamental et les nouveaux critères d’admission au concours, il n’aurait pas pu s’appuyer sur le SEW/OGBL. Le SEW/OGBL n’aurait pas accepté des négociations sécrètes, ni un accord aussi néfaste pour la qualité de l’enseignement. Tout en reconnaissant que l’heure est grave et qu’il faut trouver des enseignants pour bien encadrer les élèves, le SEW/OGBL ne peut accepter qu’on s’en remette entièrement à une formation sur le tas sous la guidance d’un IFEN.
Avant d’entamer sa fuite en avant, le ministère aurait été bien avisé à discuter avec les stagiaires et les étudiants se préparant à la profession afin de comprendre les raisons qui se trouvent à l’origine de ce soudain désintérêt pour la profession. Des décennies durant, le nombre des aspirants à la profession excédait de loin un recrutement parcimonieux destiné à maintenir délibérément une pénurie d’enseignants. Ce sont décidément les récentes réformes, comme l’introduction du stage et la hiérarchisation de la carrière qui ont réussi à venir à bout des vocations pour « le plus beau des métiers ». Faute d’écouter les principaux concernés, le ministre ne pouvait le savoir.
Quel est donc le but de négociations secrètes ? Ne s’agit-il pas de mettre tout le monde devant le fait accompli, d’exclure toute réflexion sur de possibles alternatives et surtout de ne pas entendre d’avis contraires ? Ne s’agit-il pas tout simplement de s’affranchir des règles de la démocratie?
Pour le SEW/OGBL il est indispensable que les revendications et positions d’un syndicat soient connues avant le début des pourparlers et que toute la procédure se fasse dans la transparence. Avant d’accepter un mauvais compromis qui, comme dans le cas présent, risque de dévaloriser la fonction de l’enseignant, un syndicat fort et responsable aurait dû demander l’avis de ses membres.
La stratégie du ministre qui consistait à signer un accord avec le SNE pour étouffer d’emblée toute opposition des enseignants qui ne se mobilisent qu’à condition que les deux syndicats adoptent les mêmes revendications, n’a pas abouti aussi facilement cette fois. Le ministre avait manifestement sous-estimé la réaction des étudiants et des stagiaires qui ne se sont pas laissés monter les uns contre les autres. Au contraire, lors de la grande réunion du 3 février, les étudiants et les stagiaires se sont mis d’accord sur des revendications communes. Les enseignants des écoles ne vont certainement pas tarder à montrer également leur opposition au bradage de leur profession.
Le projet de loi ne vise qu’à camoufler un grave problème de pénurie à l’approche de la campagne électorale. Cette situation a été causée en premier lieu par une perte d’attractivité de la profession due à la mise en place du stage. Le gouvernement qui essaye d’expédier à la hâte ce projet de loi, serait donc bien avisé de le faire passer en revue en concertation, pour de vrai cette fois, avec tous les concernés pour éviter des conséquences néfastes pour la qualité de l’enseignement à long terme.

Monique Adam /Patrick Arendt