Le cycle inférieur dans l'ESG actuel est-il adapté aux besoins de l’élève ?

Le cycle inférieur dans l'ESG actuel est-il adapté aux besoins de l’élève ?
Afin de mieux cerner la réponse à cette question, le SEW-OGBL a invité le samedi 12 novembre à une journée de réflexion et d’échanges au sujet du cycle inférieur dans l’enseignement secondaire général. L’invitation s’adressait aussi bien aux enseignants de l’enseignement secondaire que ceux de l’enseignement fondamental. Face au morcèlement de l’enseignement public et le manque de communication entre les différents niveaux d’enseignement, il semble primordial au SEW-OGBL de faciliter ces moments d’échange afin de développer une perspective générale sur le système éducatif luxembourgeois.
Une quarantaine d’enseignants ont répondu à l’invitation et ont discuté dans trois ateliers sur les aspects-clé du cycle inférieur de l’ESG. Se basant sur la chronologie du parcours d’un élève dans le système scolaire, les ateliers proposés ont été les suivants :
- Le passage du Fondamental au lycée,
- Les critères de promotion de 7G à 5G et l’organisation en cours de base et cours avancé,
- L’orientation à la fin de la 5G et l’idée d’un cycle inférieur sur quatre années.
Le premier atelier, modéré par Mara Rossi, se concentrait sur le passage du Fondamental au Secondaire. Le groupe se composait de deux tiers d’enseignants du Fondamental et d’un tiers d’enseignants du Secondaire.
Le premier point de discussion concernait les bilans et leur utilisation. A priori, les bilans pourraient être un outil efficace, mais un manque de repères et d’indicateurs objectifs quant aux informations à donner aux parents créent une situation floue. Les socles sont prédéfinis, mais malheureusement ils ne sont pas formulés de manière précise, donnant ainsi la possibilité d’une interprétation subjective. Aussi, les bilans diffèrent grandement entre les différents enseignants, voire entre les différentes écoles.
Il n’existe pas de norme, ce qui rend la compréhension des bilans difficiles pour les parents, surtout pour ceux issus d’une situation socio-économiquement défavorisée. Le bilan n’est donc pas un moyen de communication et d’échange scolaire efficace.
Les enseignants déplorent aussi l’instauration des bilans digitaux. Les parents ne reçoivent plus de documents en main, mais doivent consulter une version digitale, ce qui entrave les échanges entre parents et enseignants et réduit considérablement la valeur académique du bilan. Il faudrait au contraire améliorer la communication avec les parents au sujet de la perspective d’orientation de leur enfant.
L’importance des parents s’est développée considérablement, tandis que l’importance de l’avis de l’enseignant, voire des équipes pédagogiques, est devenue moindre. Le bilan final se tient seulement entre le titulaire de la classe et les parents. Actuellement, les parents n’ont pas le savoir nécessaire sur les différents niveaux d’enseignement au secondaire et beaucoup fondent leur avis sur des clichés qui ne reflètent pas la réalité.
Les parents ont souvent des idées toutes-faites, et n’attribuent plus beaucoup d’importance à l’avis du titulaire. Or, beaucoup de parents ne sont plus vraiment impliqués activement dans l’éducation de leurs enfants, éducation qui incombe de plus en plus aux enseignants et à des tiers comme le personnel des maisons-relais.
Cette tendance est très problématique puisqu’on ne peut plus parler d’un processus objectif. En cas de désaccord, le titulaire doit décider s’il veut lancer une procédure de recours très complexe et qui reste souvent sans succès. Il existe divers exemples où le recours n’a pas été retenu à cause de problèmes procéduraux sans prendre le moins du monde en compte la situation réelle de l’élève dans son apprentissage. De plus, un intervenant externe chargé par la direction peut renverser au bout d’une leçon observée la décision d’une équipe pédagogique qui se base sur deux années d’observation, voire plus. La procédure de recours favorise les parents au lieu de soutenir les enseignants dans leur décision. Une évaluation objective de l’enfant est de plus en plus difficile face à la pression parentale et institutionnelle. Ce déséquilibre risque de créer un grand malaise dans le système éducatif, si ce n’est déjà le cas.
Un troisième point dans la discussion était la place des tests psychologiques lors du passage du Fondamental au Secondaire. Leur utilité est indéniable, mais on est en droit de se demander s’il n’est pas déjà un peu tard de ne faire les tests qu’en cycle 4.2. En cas de détection de divers problèmes chez l’élève, il ne reste plus beaucoup de temps pour travailler sur ces points. Faire les tests psychologiques en cycle 4.1 donnerait ces informations aux élèves et aux parents une année plus tôt, permettant alors de proposer un suivi efficace.
Finalement les participants ont mis le point sur les incohérences entre l’enseignement fondamental et l’enseignement secondaire. Certaines réformes dans le Fondamental au niveau des apprentissages ne sont pas toujours bien connus dans l’enseignement secondaire, ce qui peut poser des problèmes au niveau de l’appréciation du travail de l’élève.
D’ailleurs les différentes mesures pédagogiques spécifiques pour certains élèves ne sont pas transmises automatiquement lors du passage vers le Secondaire. Il incombe aux parents de transmettre les plans d’accompagnement respectivement d’inclusion au lycée. Dans certains cas, la non-remise peut être pénalisante pour l’élève dans la mesure où les titulaires au lycée ne sont pas informés sur les besoins des élèves, malgré le travail fait au Fondamental.
Le deuxième atelier, modéré par Michel Reuter, traitait des critères de promotion en 7G, 6G et 5G et de l’organisation en cours de base et cours avancé. Le groupe se composait en majorité d’enseignants du Secondaire avec une participante du Fondamental.
En début de session, cette dernière a fait la remarque que les idées et les structures présentées dans des brochures comme « Que faire après la 5e de l’enseignement secondaire général ? » semblent à première vue cohérentes et logiques. Les parents et les élèves partagent cette vue, et ne se rendent pas compte de la complexité du système et de ses incohérences inhérentes.
L’enseignant ou le conseil de classe devraient être le point de référence pour les élèves et les parents. Malheureusement, jusqu’en classe de 5G, la vue des enseignants sur la performance ou l’orientation des élèves n’a guère de valeur. Le conseil de classe émet seulement des « avis d’orientation ». Les participants étaient d’avis qu’il faudrait donner plus de poids à cet avis, surtout en ce qui concerne les lacunes des élèves dans certaines matières qui seront importantes pour l’orientation à la fin du cycle inférieur.
Dans le système actuel, hormis les cas extrêmes, l’avis de l’élève par l’intermédiaire de ses parents prime sur tous les autres intervenants. Les élèves avancent presqu’automatiquement de la 7G à la 5G, ce qui est aux yeux des élèves et des parents un signe de succès. Cependant, certains critères mis en place et ayant une influence sur l’orientation future sont sous-estimés par beaucoup d’élèves et de parents.
Les notes gravement insuffisantes sont peu pénalisantes en 7G et 6G. Les participants déplorent le fait qu’une fois que l’élève se retrouve avec une note gravement insuffisante, il n’y a pas d’obligation à combler ses lacunes en 7G et 6G. Il risque de ne plus faire d’efforts étant donné qu’une note de 19 à la même valeur qu’une note de 01. Cependant en 5G, la note dans cette branche pourrait être importante, mais alors il est trop tard pour se remettre à niveau. Des critères de promotion moins larges et surtout des mesures plus contraignantes, comme un travail de vacances au cycle inférieur, pourraient peut-être permettre aux élèves de maîtriser la matière avant d’intégrer l’année suivante et ainsi remédier plus rapidement aux problèmes scolaires.
Au sujet des critères de promotion, il est aussi important de noter que les conditions pour accéder à une formation de l’enseignement général, parfois, ne sont pas vraiment adaptées aux besoins de cette section. Pour la section GCM par exemple, les résultats en mathématiques ne sont pas pris en considération lors de la décision de promotion ce qui permet à des élèves qui n’ont que de faibles notions de nombres et de calculs d’intégrer une section où les nombres et calculs jouent quand même un rôle important. Aussi, beaucoup d’élèves se retrouvent dans une situation difficile en 4GCM avec, dans de nombreux cas, un travail de vacances à faire et des chances réduites de succès.
La question du redoublement au cycle inférieur a aussi été discutée. Les participants ont constaté que les résultats des élèves redoublants montrent que ce n’est pas une solution miracle. Cependant la limitation des redoublements crée d’autres problèmes. Etant donné que les élèves ont droit à un seul redoublement tout au long du cycle inférieur, la plupart choisissent de ne pas combler les lacunes en 7G ou 6G, mais de garder le redoublement pour la 5G, étant donné que c’est l’année ou l’enjeu est le plus grand.[1]
Finalement les échanges se sont tournés vers le système des cours avancé et cours de base et surtout sur la question de la différenciation externe et interne. Les deux modes de différenciation ont des avantages, mais l’absence de cohérence au niveau national, voire dans les lycées eux-mêmes n’est pas idéale. Une différentiation externe, par exemple, favorise les élèves du cours avancé et mettent les élèves du cours de base à l’écart. La différenciation interne facilite l’échange entre les deux niveaux et idéalement incite les élèves du cours de base à faire les efforts nécessaires pour accéder au niveau avancé. Souvent la différenciation interne est appliquée par défaut, ce qui ajoute une pression supplémentaire à l’enseignant qui doit gérer deux niveaux différents.
D’ailleurs, les enseignants regrettent le manque de contenu et de critères transparents pour différencier entre le niveau de base et le niveau avancé. Souvent, les manuels sont mal adaptés et il existe de grandes différences entre les lycées. L’enseignant se retrouve dans un flou avec peu de certitudes et de points de références. C’est pour cette raison que différentes initiatives ont été prises, comme l’élaboration d’exercices adaptés aux différents niveaux par les commissions nationales ou encore des épreuves communes au sein de différents départements afin de permettre une certaine objectivité dans l’évaluation des deux niveaux.
Le groupe est d’avis qu’il relève de la responsabilité du ministère de tutelle de définir une approche nationale afin de permettre un enseignement cohérent et surtout une évaluation objective aussi bien pour le cours de base que pour le cours avancé. Surtout faut-il se donner les moyens au niveau des effectifs de classe aussi bien qu’au niveau du nombre d’enseignants pour proposer une différenciation réelle et efficace. Le team-teaching dans l’enseignement fondamental pourrait être utilisé pour la différenciation interne, avec toutefois un nombre d’élèves en classe revu à la baisse.
Le troisième atelier, modéré par Vera Dockendorf et Jules Barthel, se focalisait sur le processus d’orientation et les différents outils que les élèves ont à leur disposition pour trouver la formation idéale. Vu le sujet on ne retrouvait qu’un enseignant du Fondamental dans ce groupe.
Tout d’abord, le constat a été fait que les élèves ne savent pas vraiment ce qu’ils veulent faire dans la vie. Par conséquent, ils ne se fixent pas d’objectifs et beaucoup optent pour la voie du moindre effort. S’y ajoute le fait que les élèves, souvent, ne comprennent pas correctement les critères de promotion. A la fin de la 5G, ils se rendent compte qu’ils ne vont pas atteindre le socle souhaité et beaucoup finissent par faire un choix par l’échec. Le redoublement semble une solution, mais malheureusement les résultats ne s’améliorent que rarement lors d’un 2e passage. De manière générale, si l’élève est faible en Mathématiques et en Français, il n’a pratiquement pas d’option au niveau de l’enseignement général.
L’exemple du DAP Education démontre comment l’absence de critères d’admission cohérents et équitables de cette formation par rapport à d’autres formations similaires comme le DAP auxiliaire de vie faussent la procédure d’orientation.
Beaucoup d’élèves et de parents sont d’avis que la formation professionnelle n’offre pas de perspectives. Pour cette raison, il est primordial de revaloriser l’artisanat, entre autres par des initiatives plus efficaces. Pour l’instant, beaucoup relève de l’importance du régent et de la cellule d’orientation, mais il serait important d’améliorer et d’augmenter les sources d’information pour les élèves et surtout d’impliquer plus les entreprises. Une partie des élèves ne trouvent pas de stage. Il faudrait donc se donner les moyens d’obliger les entreprises d’accueillir des stagiaires par le biais d’une taxe d’apprentissage en cas de refus.
Les participants ont formulé toute une liste de propositions :
- Tout d’abord, avec la reforme imminente du SEPAS, la fonction de l’enseignant-orienteur devient obsolète. Or la formation pour ce poste doit rester pour que tous les enseignants intéressés puissent développer les compétences pour conseiller les élèves lors de l’orientation.
- Deuxièmement, l’orientation doit recevoir une place plus importante en 5G et inclure plus d’enseignants. On pourrait par exemple instaurer un tutorat spécifique en petit groupe de 4 élèves par enseignant, comme pratiqué actuellement à l’ENAD.
- Troisièmement, il semble que le choix pour certaines formations est seulement possible à un niveau plus élevé (ESG) ou un niveau plus bas (DAP). Au niveau des formations dans le milieu éducatif par exemple, il n’existe actuellement pas de niveau intermédiaire au niveau de la formation du technicien notamment.
En général, le problème de l’orientation est lié au manque de préparation et de maturité des élèves. Les élèves n’arrivent pas à formuler un projet personnel et professionnel. On constate une certaine lassitude et un manque de motivation. D’ailleurs, un grand nombre d’élèves ne sait pas comment apprendre efficacement C’est pourquoi il serait important de permettre aux élèves de développer des compétences comme l’endurance ou savoir gérer le stress et les frustrations.
L’extension du cycle inférieur sur quatre années pourrait être une solution pour permettre aux élèves de bénéficier de plus de temps pour faire leur choix. Cependant, la remarque pertinente a été faite que cette année supplémentaire n’a guère d’utilité sans un changement du système complet de promotion. En 5G, beaucoup d’élèves ont des lacunes connues depuis la 7G et une année supplémentaire dans le système actuel ne ferait qu’aggraver ce problème.
Une solution pourrait être une orientation générique à la fin de la 5G où une orientation se ferait seulement sur la poursuite des études soit dans l’enseignement général, soit en formation professionnelle initiale. Ainsi, la classe de 4e pourrait être utilisé pour développer, à côté des branches générales (langues, mathématiques, sciences naturelles, …) des compétences professionnelles générales avant de choisir le domaine de formation spécifique.
A travers les réactions dans les trois ateliers, trois grandes tendances se dégagent. Malgré le fait qu’elles soient connues, il nous semble que leur degré de gravité ait augmenté :
- Tout d’abord, on constate une érosion du rôle de l’enseignant dans le processus d’orientation à tous les niveaux. Malgré les efforts professionnels des enseignants pris individuellement ou des équipes pédagogiques, la valeur de leur avis est amoindrie, voire ignorée.
- Ensuite, le rôle des parents à pris de plus en plus d’importance sans pour autant être impliqué davantage dans la procédure d’orientation aussi bien au Fondamental qu’au Secondaire. La responsabilité accrue des parents devrait être accompagnée par une nécessité d’engagement que, malheureusement, seules les familles issues de milieux socio-économiquement aisées semblent pouvoir fournir.
- Finalement, l’élève lui-même se retrouve dans une situation où le cadre est de moins en moins défini. Le système lui permet de passer les étapes sans devoir combler ses lacunes. Or, ces lacunes deviennent souvent des obstacles insurmontables à des moments clefs comme lors du passage du Fondamental au Secondaire ou lors de l’orientation à la fin de la 5G. On peut se poser la question légitime si le système éducatif se fonde sur les besoins de l’élève ou plutôt sur les besoins institutionnels.
[1] (Règl. g. - d. du 21 août 2017)
« Dans les classes de 7e, de 6e et de 5e de l’enseignement secondaire classique et de l’enseignement secondaire général, les parents peuvent demander une seule fois que leur enfant redouble la classe. Le lycée n’est pas tenu d’inscrire un élève majeur à une classe inférieure si cette classe est offerte en formation des adultes ». Pour motifs graves tels qu’une absence prolongée pour cause de maladie ou une situation familiale éprouvante « ou une maturité insuffisante ou un besoin spécifique »2, le conseil de classe peut autoriser un redoublement exceptionnel.